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Coût-efficacité d’une prise en charge plus précoce des migrants infectés par le VIH en France

Marlène Guillon, Michel Celse et Pierre-Yves Geoffard

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En 2011 en France, 47% des personnes nouvellement identifiées comme séropositives étaient issues de la population migrante au regard du critère de nationalité. Cette population fait face à des obstacles administratifs en termes d’accès aux soins médicaux qui se traduisent notamment par un délai important entre l’infection par le VIH, son diagnostic et sa prise en charge sociale et médicale. La réduction de ces délais constitue un double objectif de santé individuelle et publique. L’accès aux traitements antirétroviraux, utilisés pour retarder la progression du VIH chez les personnes vivant avec le VIH (PVVIH), permet en effet une augmentation de la qualité et de l’espérance de vie chez les patients traités. Par ailleurs, l’accès aux traitements antirétroviraux des PVVIH permet un meilleur contrôle de l’épidémie en limitant le nombre d’infections secondaires des patients sous traitement. Cette étude est une évaluation coût-efficacité d’une prise en charge plus précoce des migrants PVVIH en France. Le modèle utilisé compare deux stratégies de prise en charge précoce et tardive pour les migrants PVVIH en France, définies respectivement comme une entrée dans les soins quatre et neuf ans après l’infection. Ce modèle prend en compte l’effet positif des traitements antirétroviraux sur la prévention du VIH. Pour comparer ces stratégies, l’incidence et la prévalence non diagnostiquée du VIH dans la population migrante en France ont été estimées en tenant compte de la spécificité de l’épidémie dans cette population où les infections se produisent à la fois avant et après l’arrivée en France.
Dans cet article, Marlène Guillon, Michel Celse et Pierre-Yves Geoffard montrent qu’une prise en charge plus précoce des migrants PVVIH en France serait une stratégie efficace. En effet, au-delà du bénéfice individuel pour les patients traités, cette prise en charge précoce est pertinente d’un point de vue économique et de santé publique. Dans les scénarios envisageant une baisse des comportements à risque des personnes infectées après le dépistage, la prise en charge précoce constitue une intervention dite « cost-saving ». Dans le scénario le plus favorable la stratégie de prise en charge précoce génère une économie nette de 198 000 € par rapport au dépistage tardif tout en évitant 0,5 infection secondaire (1). La prise en charge précoce reste par ailleurs coût-efficace dans les scénarios n’intégrant pas de renforcement des comportements de prévention chez les personnes infectées après le dépistage. Dans le scénario le moins favorable, la prise en charge précoce présente un surcoût de 28 000 € par rapport à la prise en charge tardive, permet d’éviter 0,2 infection secondaire (2). Ces résultats soulignent l’importance de lever les obstacles administratifs à l’accès aux soins médicaux de la population migrante en France.
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(1) Pour 10 migrants infectés, 5 infections secondaires sont évitées lorsqu’ils bénéficient d’une prise en charge précoce par rapport à une prise en charge tardive
(2) Et présente un ratio coût-efficacité de 133 000 € par infection évitée
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Titre original de l’article académique : “Cost-effectiveness analysis of early access to medical and social care for migrants living with HIV in France”
Publié dans : PSE Working Papers n° 2015-06
Téléchargement : https://hal-pse.archives-ouvertes.fr/halshs-01118612
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