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Utilitarisme équitable et partage des risques

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Marc Fleurbaey et Stéphane Zuber

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Les groupes humains font collectivement face à de nombreux risques : risque macroéconomique de récession ou de crise financière, risque climatique, risque épidémique, risque sur le rendement ou les effets de technologies nouvelles… Dans ce contexte, deux types de questions émergent. D’une part, quelle est l’attitude du groupe vis-à-vis du risque lorsque ses membres ont une propension plus ou moins grande à supporter les aléas ? D’autre part, comment doit se répartir le risque entre les membres du groupe ? Ce partage optimal des risques décrit comment se répartissent les conséquences possibles des risques entre les individus : quel risque est porté par chacun et quelle est la distribution finale des niveaux de consommation selon les ressources effectivement disponibles ? Les économistes ont cherché à répondre à ces questions en considérant une règle de décision collective dite « utilitariste » : les différents choix possibles sont classées en fonction d’une somme pondérée des niveaux de bien-être (ou utilités attendues) des individus. Dans ce cadre, des travaux théoriques ont montré que la règle de partage optimal du risque consiste à faire supporter le risque global par chaque individu, chacun faisant face à un risque sur sa consommation, dans une mesure qui dépend de sa tolérance au risque. Cependant, selon les pondérations individuelles retenues dans la règle utilitariste, la règle de partage optimal du risque peut impliquer d’allouer à certaines personnes un niveau de vie inférieur à un seuil de pauvreté, même si les ressources globales sont suffisantes pour fournir à tous les membres du groupe un niveau de vie supérieur à ce seuil. D’autre part, il n’existe pas de règle générale sur l’agrégation des attitudes individuelles face au risque : ajouter à un groupe un individu plus ou moins tolérant aux aléas peut augmenter ou réduire l’aversion collective pour le risque.

Dans cet article théorique, Marc Fleurbaey et Stéphane Zuber proposent une version de la règle utilitariste appelée « utilitarisme équitable ». Cette règle garantit qu’un partage optimal des risques permet à tous les membres du groupe d’avoir un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté lorsque le niveau moyen de ressources est supérieur à ce seuil. Par ailleurs, les personnes qui sont plus disposées à prendre des risques (les plus « tolérantes » au risque) ont une consommation plus élevée quand le niveau agrégé de ressources est suffisant, mais moins élevée dans le cas contraire. Les individus partagent ainsi équitablement le risque : les personnes les moins tolérantes aux fluctuations seront assurées de ne pas tomber dans une grande pauvreté, tandis que les personnes acceptant le mieux les risques compenseront le risque de pauvreté par un niveau de vie élevé dans les situations les plus favorables au niveau global. L’utilitarisme équitable garantit également qu’une population composée d’individus plus tolérants aux risques est toujours mieux lotie face à des aléas distribués de façon égalitaire, car elle souffre moins de ces aléas. Enfin, les auteurs montrent que l’augmentation de la tolérance au risque d’un individu augmente toujours celle du groupe à proximité du seuil de pauvreté.
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Titre original de l’article académique : Fair Utilitarianism
Publié dans : Working paper CES 2017.05 - Janvier 2017
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