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Pollution, décès prématuré et compensation

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Gregory Ponthière

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La pollution de l’environnement – pollution de l’air, de l’eau, des sols – constitue une cause de mortalité de premier ordre. D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (2014), la seule pollution de l’air (particules fines) a été, en 2012, responsable du décès de près de 7 millions de personnes à travers le monde. La surmortalité induite par une mauvaise qualité de l’environnement est à l’origine d’inégalités de longévité significatives parmi les hommes. Etant donné l’importance de la longévité dans la réalisation des projets de vie – quelle que soit la conception d’une vie « bonne » à laquelle on adhère – ces inégalités se traduisent inévitablement par une perte de bien-être pour les victimes de la pollution, c’est-à-dire pour les personnes décédées prématurément à cause de celle-ci. Que pourrait-on faire pour réduire ces inégalités ? Comment compenser les victimes de la pollution ?

Dans cet article, Gregory Ponthière étudie la question de la compensation des victimes de la pollution. Cette question pose des difficultés particulières liées à la nature singulière du dommage considéré. Si on se place ex ante, c’est-à-dire avant que les durées de vie individuelles ne soient connues, il est très difficile d’apporter une compensation aux victimes de la pollution, car celles-ci sont difficilement identifiables. Mais si on se place ex post, c’est-à-dire une fois les durées de vie individuelles connues, les victimes sont identifiables, mais il est évidemment impossible de les compenser, car elles sont décédées. Malgré ces difficultés, l’auteur montre qu’il est possible de fournir une compensation aux victimes de la pollution, et de réduire ainsi les inégalités de bien-être entre les personnes qui sont victimes de la pollution et les autres. Pour ce faire, Gregory Ponthière développe un modèle de cycle de vie simple où la production génère de la pollution, qui, au-delà d’un certain seuil, conduit au décès prématuré d’une partie de la population, cette fraction étant croissante avec l’ampleur de la pollution. Dans ce modèle, les individus ne connaissent évidemment pas la durée de leur vie, et font des choix d’épargne et de travail sans savoir s’ils auront une vie courte ou une vie longue. Sur base d’un problème de planification sociale, l’article compare deux stratégies distinctes en vue de la compensation des victimes de la pollution. La première stratégie est très intuitive : en réduisant la production, il est possible de réduire la pollution, et, par-là, de l’amener au niveau critique auquel il n’y a plus de décès prématurés associés à cette pollution. Dans ce cas, il n’y a plus de décès prématurés, et tous les individus profitent d’une même durée de vie. Notons cependant que cette solution a pour principal coût d’exiger une réduction de la production, et, par-là, des possibilités de consommation. La seconde stratégie est moins intuitive. Il s’agit de conserver les niveaux de production, mais de modifier la forme des profils de consommation sur le cycle de vie, de manière à concentrer davantage la consommation aux plus jeunes âges, et de réduire la consommation aux âges plus avancés. Cette seconde solution consiste donc à rendre les profils de consommation davantage décroissants avec l’âge, afin de minimiser les pertes pour les individus qui connaitront, de par la pollution, un décès prématuré. Le coût de cette solution réside dans le fait qu’elle revient à imposer à tous les individus des profils de consommation fortement décroissants avec l’âge, alors que la tendance générale est de chercher à lisser sa consommation sur son cycle de vie. Cela est évidemment optimal pour les individus qui ont une vie longue – mais cause des pertes importantes pour ceux qui ont une vie courte. L’article conclut que, lorsque le seuil critique de pollution au-delà duquel des décès prématurés apparaissent est élevé, c’est la première stratégie – réduire la pollution au niveau de ce seuil – qui maximise le bien-être réalisé des moins bien lotis. Cette stratégie égalise les niveaux de bien-être dans la population en égalisant les durées de vie. Cependant, lorsque le seuil critique de pollution est faible, c’est la seconde stratégie – modifier les profils de consommation – qui maximise le bien-être réalisé des moins bien lotis, et égalise les niveaux de bien-être individuels.


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Titre original de l’article académique : « Pollution, décès prématuré et compensation »
Publié dans : Revue Economique, janvier 2017
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