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Les Zones de revitalisation rurale (ZRR) sont-elles efficaces ?

Luc Behaghel, Adrien Lorenceau et Simon Quantin

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Les Zones de revitalisation rurale (ZRR) sont aux campagnes ce que les Zones franches urbaines (ZFU) sont aux villes : un dispositif d’exception fiscale, offrant aux entreprises qui s’y établissent des exonérations de cotisations salariales et d’impôts pour restaurer l’attractivité de territoires par ailleurs peu dynamiques. Créées en 1995, elles ont été étendues en 2005, et encore prolongées par la loi de finance 2015 : une pérennité sans doute liée à l’attachement des élus locaux pour le dispositif, comme en a témoigné la très forte réaction du vice-président du Sénat durant l’été 2013 lorsque sa réduction a été envisagée.
Dans cet article, Luc Behaghel, Adrien Lorenceau et Simon Quantin dressent un bilan des ZRR, entre 1995 et 2009, à partir de données administratives exhaustives sur l’emploi et les salaires en France métropolitaine. Pour la théorie économique, des exonérations fiscales localisées sont a priori suspectes, car elles distordent la concurrence entre territoires, ce qui réduit le bien-être global - sauf si on est sûr de corriger, par cette distorsion, d’autres sources d’allocation inefficace des ressources. Mais, comparées à leurs cousines urbaines, les ZRR ont sur le papier certains atouts : elles ne risquent ni de conduire à une hausse des prix de l’immobilier (les tensions étant faibles en milieu rural), ni de provoquer des migrations importantes. Elles pourraient donc être un moyen efficace de transférer des revenus vers les travailleurs des zones faiblement peuplées. En tirant parti d’une règle ad hoc dans la définition des zones (la densité de population doit y être inférieure au seuil arbitraire de 31 habitants au kilomètre carré), les auteurs montrent néanmoins que le dispositif n’atteint pas son objectif. En fait, les entreprises ne réagissent pas aux incitations fiscales qui leur sont offertes : elles ne créent pas d’emplois supplémentaires et n’augmentent pas les salaires, même si elles bénéficient d’une réduction significative du coût de leur main d’œuvre. Il s’agit donc pour elles d’un pur effet d’aubaine. Par comparaison avec les ZFU, dont les effets positifs sur l’emploi sont importants, cette étude montre que l’absence d’effet des ZRR peut s’expliquer par la dilution du dispositif : en couvrant 38% du territoire et 8% de la population en France métropolitaine, il échoue à avoir un impact notable sur l’activité et l’emploi des espaces ruraux concernés.
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Titre original de l’article académique : “Replacing churches and mason lodges ? Tax exemptions and rural development”
Publié dans : Journal of Public Economics, Volume 125, May 2015, Pages 1–15
Téléchargement : http://authors.elsevier.com/a/1Qx47Alw9Off5
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