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1945 - 2008 : les performances économiques du Royaume-Uni sont-elles liées à l’adhésion à l’UE ou aux réformes de Mme Thatcher ?

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Fabrizio Coricelli et Nauro F Campos

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La décision du Royaume-Uni de quitter l’Union Européenne a certainement été influencée par l’idée que le projet d’intégration européenne était un échec, n’apportant pas d’avantages significatifs au Royaume-Uni. Le rôle joué par l’UE dans la performance de l’économie britannique a été traditionnellement sous-évalué au Royaume-Uni. Les spécialistes de l’histoire économique ont identifié un déclin relatif de l’économie britannique de 1945 aux années 1970. Mais la tendance s’est inversée dans les années qui ont suivi, inversion régulièrement associée aux politiques structurelles mises en place par Margaret Thatcher.

Dans cet article, Frabrizio Coricelli et Nauro F. Campos construisent et analysent des données empiriques qui confirment que cette rupture est en fait plus particulièrement liée à l’entrée du Royaume-Uni dans l’Union Européenne, en 1973. Ils s’appuient sur une analyse des ruptures dans la dynamique du PIB britannique et de la productivité entre 1945 et 2008. Ils utilisent diverses techniques statistiques, dont la plus pertinente est l’approche de « Bai-Perron », qui permet d’identifier les moments de rupture dans les données sans avoir à pré-spécifier les dates. Les auteurs affirment que les réformes de Mme Thatcher n’auraient pas été mises en œuvre sans l’adhésion du Royaume-Uni à l’Union Européenne. L’explication proposée est que cette adhésion marque la prééminence des entreprises (et des groupements qui les représentent) qui ont préféré entrer en concurrence avec d’autres entreprises sur le marché européen commun, caractérisé à cette époque par une haute technologie, à l’inverse des entreprises qui favorisaient l’avantage comparatif des marchés du Commonwealth. Ces entreprises « pro-européennes » sont devenues plus tard une composante clé des réformes de Mme Thatcher. Fabrizio Coricelli et Nauro F. Campos affirment que, sans leur appui, les réformes n’auraient pas été aussi efficaces, ni même conçues et mises en œuvre. Donc, si la Grande-Bretagne a rejoint l’UE dans le but de freiner son déclin, cela a fonctionné. Les effets escomptés par le gouvernement nécessitaient en effet l’adhésion à l’UE, indissociable du « socle » préexistant de groupes puissants d’entreprises britanniques ayant bénéficié d’un marché, l’Union Européenne, plus large, plus vaste et plus innovant et du marché du Commonwealth ou de l’EFTA. Ces entreprises avaient également compris que pour être concurrentielles, elles auraient besoin de s’appuyer sur des marchés du capital et du travail plus vastes, soutenus par un ensemble de normes, de règles et de règlements communs. Ainsi, sous-estimer le rôle de l’UE dans la performance économique britannique a bien été une constante dans l’analyse économique et le débat politique au Royaume-Uni, et le Brexit semble cohérent avec cette minimisation du rôle de l’UE.

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Titre original de l’article académique : EU Membership or Thatcher’s Structural Reforms : What Drove the Great British Reversal ?
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