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Les relations sociales favorisent la rigidité du marché

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Gilles Saint-Paul

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De nombreux analystes déplorent les rigidités de la société française. Ils pointent une réglementation excessive des marchés qui touche plusieurs secteurs comme le marché du travail ou celui du logement. Ces rigidités s’illustrent par différentes décisions politiques qui concernent la législation de protection de l’emploi et se caractérisent par un indicateur élevé de contrôle de l’Etat sur l’économie. Alors même qu’elles ont des conséquences néfastes sur l’économie, on constate que l’opinion publique n’est pas défavorable à ces interventions et plus généralement que l’attitude de la population française envers l’économie de marché est particulièrement négative.
Dans cet article Gilles Saint-Paul propose un modèle qui analyse la préférence des citoyens pour un marché plus ou moins flexible en fonction du poids de leur réseau relationnel. Dans un pays où les rigidités de marché créent du rationnement, les individus sont amenés à développer des réseaux sociaux (ndlr. au sens réseaux relationnels ou capital social) qui jouent un rôle important dans l’accès aux ressources en facilitant l’accès aux transactions. Le capital social désigne toutes les relations d’un individu, famille, amis, collègues, connaissances desquels il peut tirer des ressources financières ou immatérielles comme l’accès à l’information. L’auteur l’envisage comme une rente qui permet aux individus de tirer profit des avantages inhérents au marché rationné. Si les individus sont plus ou moins « populaires » et ont plus ou moins de talent pour accroître la taille de leur réseau social, le fait de se trouver dans une société rigide peut donner naissance à un groupe social qui grâce à ses relations privilégiées profite de la rigidité. Ce phénomène se manifeste dès lors qu’un bien est facturé à un prix inférieur à celui que lui allouerait le marché flexible comme on peut le voir dans le cas de l’attribution de logement sociaux ou encore de places en crèche, ainsi le réseau relationnel va permettre un accès privilégié à ce type de biens sans en payer le prix de marché. Il s’agit en quelque sorte d’une « classe moyenne inférieure » sur le plan économique, mais « supérieure » sur le plan sociologique bénéficiant à ce titre d’une rente de son capital social et désireuse de la conserver en votant pour la régulation du marché. Cette rente va ainsi permettre à cette classe moyenne de s’élever grâce aux dysfonctionnements du marché autoalimentés eux-mêmes par un investissement excessif des agents privés dans ces réseaux. Par exemple, les travailleurs restreignent leur mobilité par peur de perdre un capital social accumulé dans une zone géographique. Si ce groupe d’intérêt est suffisamment nombreux, une société rigide s’auto-entretient alors même qu’une société plus flexible servirait l’intérêt collectif.

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Titre original de l’article académique : “La rigidité comme paradigme socio-politique”
À paraitre dans : L’Actualité Economique - Congrès de la Société Canadienne de Sciences économique, Ottawa, 14-16 mai 2014.
Téléchargement : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01006772
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