La science économique au service de la société

Les plans de licenciements améliorent-ils les performances des entreprises ? Le cas français de 1994 à 2000

Bénédicte Reynaud

JPEG - 66.9 ko

L’urgence du contexte économique actuel, la récurrence des « sagas » industrielles malheureuses et les nombreux débats médiatiques et politiques, ne permettent pourtant pas de répondre clairement : les entreprises qui réduisent leur nombre de salariés réussissent-elles ensuite à rebondir ? Les études existantes présentent des résultats contradictoires, et les économistes sont donc partagés. Bénédicte Reynaud a rassemblé, harmonisé puis sélectionné (pour en permettre le traitement statistique) des milliers de données(1) de 1994 à 2000 sur plus de 13 000 entreprises françaises, dont 300 cotées en bourse. Son objectif est d’appréhender les trajectoires financières et commerciales des entreprises ayant eu recours aux licenciements et départs volontaires - non d’établir un lien de causalité.

Sur la période étudiée, les résultats diffèrent selon qu’il s’agisse d’entreprises cotées en bourse ou non. Tout d’abord, l’auteur a étudié les conditions préalables aux plans de licenciement. Pour les unes comme pour les autres, l’approche est défensive mais les motifs distincts : les entreprises non cotées réagissent à une tendance baissière des indicateurs de profitabilité (ventes, prix, parts de marché…) qui pourrait mener à un dépôt de bilan ; l’article précise que le coût, souvent dénoncé, de la main d’œuvre la moins qualifiée n’y joue aucun rôle. Les entreprises cotées envisagent des plans surtout pour des raisons financières du fait de la pression exercée par les actionnaires (dette trop élevée, rentabilité de capitaux propre trop faible…). Ensuite, B. Reynaud a analysé l’impact de ces plans. Pour les entreprises non cotées, elle observe un retour à des indicateurs positifs uniquement sur le long terme, et sur des points précis. En effet, dans les 4 ans qui suivent, la productivité du travail progresse légèrement (+2 points), de même que la capacité d’investissement (+3 points). Les autres indicateurs, notamment financiers, restent stables et faibles. Pour les entreprises cotées, en revanche, les licenciements n’ont aucun effet significatif : les faibles gains de productivité, induits par la baisse relative du coût global de la main d’œuvre, n’améliorent aucunement les indicateurs financiers. Ces conclusions prennent le contre pied de nombreuses études - licenciements vus comme « offensifs », gains de compétitivité réalisés etc. - et suggèrent des recherches complémentaires (détails du non-effet de ces plans sur le bilan financier des entreprises cotées, rôle joué par les institutions sur l’ampleur des licenciements etc.).
(1) A partir de très nombreuses sources : Déclarations Annuelles de Données Sociales, chiffres de la Commission de Opérations de Bourse, données Bénéfices Réels Normaux (BRN), Conseil des bourses des valeurs.
......................
Titre original de l’article académique : Workforce reduction and firm performance : evidence from french firm data (1994–2000)
Publié dans : Review of Socio Economy, 2013, vol 11, n°4
Téléchargement : http://ser.oxfordjournals.org/content/11/4/711.abstract
......................
© industrieblick - Fotolia.com