La science économique au service de la société

Les politiques d’accès à l’éducation réduisent-elles les inégalités de santé ?

Fabrice Etilé

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On oublie souvent que la démocratisation de l’enseignement peut être bénéfique à la santé des populations. Ceci s’explique par divers mécanismes : revenus du travail plus élevés permettant un meilleur accès aux soins ; meilleure compréhension des campagnes de prévention ; possibilités accrues de se projeter dans l’avenir... tout concourt à ce que des populations plus éduquées prennent mieux soin d’elles-mêmes. Certains économistes, comme Angus Deaton, ont même suggéré qu’il est plus rentable pour la santé publique d’investir dans l’enseignement général que dans des campagnes sanitaires de prévention ciblant les plus défavorisés.
Dans cet article, Fabrice Etilé quantifie la contribution de la démocratisation de l’enseignement aux changements qui ont affecté la distribution de l’Indice de Masse Corporelle (IMC) des adultes français entre 1981 et 2003. Entre ces deux dates, la prévalence de l’obésité (IMC supérieur a 30) est passée de 6,5% à 11,4%. Dans le même temps, la proportion de diplômés du supérieur est passée d’environ 10% à plus de 20%. L’auteur utilise des régressions dites « quantiles inconditionnelles » pour décomposer les évolutions de la distribution de l’IMC en deux types d’effets : effets de structure, reflétant notamment les modifications de la relation éducation-IMC sur la période, et effets de composition, liés aux changements des caractéristiques de la population, en particulier la hausse du niveau scolaire. Il montre qu’en l’absence de démocratisation de l’enseignement, la prévalence de l’obésité aurait été de 14,1% en 2003 (2,7 points supplémentaires, soit 23% de plus). De plus, la démocratisation de l’enseignement a limité l’accroissement des inégalités de corpulence entre individus (l’ « étalement » de la distribution de l’IMC, mesuré par la variance ou le Gini). En revanche, lorsqu’on examine les inégalités d’IMC entre groupes sociaux, les moins éduqués ont un sur-risque d’obésité qui s’est accru relativement aux plus éduqués.
La démocratisation scolaire a contribué à limiter la progression de l’obésité dans la population générale, mais de fortes inégalités subsistent entre groupes sociaux, justifiant pleinement le maintien de programmes de santé publique ciblés sur les plus défavorisés.
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Titre original de l’article académique : “Education policies and health inequalities : Evidence from changes in the distribution of Body Mass Index in France, 1981-2003”
Publié dans : Economics & Human Biology, Volume 13, Pages 46–65 - March 2014
Téléchargement : http://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00978423/
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