La science économique au service de la société

Effets de long-terme des catastrophes naturelles - et des reconstructions - sur les niveaux de vie : le cas des séismes en Indonésie rurale

Lien court : http://bit.ly/11xlAAL

Jérémie Gignoux et Marta Menendez

JPEG - 28.3 ko

À la suite de désastres naturels, quelles sont les pertes économiques subies par les ménages ruraux et combien de temps perdurent-elles ? Si les désastres les plus extrêmes, provoquant de nombreuses victimes, viennent d’abord à l’esprit, des catastrophes naturelles plus régulières affectent principalement les biens (comme les maisons) et les ressources économiques (les exploitations agricoles notamment mais également les infrastructures) des ménages et communautés. Les pertes matérielles causées par ces catastrophes plongent-elles les individus dans des situations de pauvreté dont ils ont peu de chances de sortir ou bien des mécanismes de reconstruction, individuels ou collectifs, leur permettent-ils de rétablir leurs activités économique et niveaux de vie ? Le cas des séismes en Indonésie permet d’apporter des éléments de réponse à ces questions. De nombreux séismes d’intensité forte mais pas extrême se produisent en effet chaque année dans ce pays.
Dans cet article, Jérémie Gignoux et Marta Menendez étudient les effets de ces séismes sur les situations économiques des ménages des régions indonésiennes rurales. Ils ont pour cela associé des données d’un catalogue de l’US Geological Survey, répertoriant plusieurs dizaines de grands séismes survenus dans ce pays entre 1985 et 2007, à des données collectées (dans le cadre de l’enquête Indonesia Family Life Survey de la Rand Corporation) auprès d’un échantillon de ménages suivis à différentes dates entre 1993 et 2007. A l’aide d’outils développés par les sismologues permettant de mesurer les intensités locales des secousses, les auteurs ont pu adopter une approche fine et reconstruire le fil des expériences passées de chacun de ces ménages. Pas moins de 25 secousses sismiques d’intensité identifiée par les sismologues comme ayant pu générer des forts dégâts ont affecté l’échantillon étudié sur cette période. Leurs résultats indiquent que les individus affectés subissent des pertes économiques importantes dans les deux premières années suivant un séisme de forte intensité, avec des baisses significatives de la valeur de leurs biens, revenus et consommation. Toutefois ces individus récupèrent leur niveau de vie pré-séisme après trois à cinq années et parviennent même à augmenter ces niveaux de vie après six à douze années. De la même façon, les stocks de capital productif des exploitations agricoles sont reconstitués et les revenus agricoles rétablis à moyen et long terme. Cette récupération post-catastrophe s’explique en partie par les aides financières reçues par les ménages et la reconstruction des infrastructures, telles que les routes qui sont essentielles pour la commercialisation des produits agricoles.
Ces résultats tendent à rejeter l’hypothèse que les individus victimes de séismes sont, dans ce contexte, plongés dans des situations de pauvreté durables, et révèlent les bénéfices de long-terme des politiques d’aide et reconstruction post-catastrophe. Dans le cas de l’Indonésie, ces bénéfices potentiels peuvent s’expliquer par les capacités de mobilisation de ressources financières et de redistribution entre régions.

......................
Titre original de l’article académique : “Benefit in the wake of disaster : Long-run effects of earthquakes on welfare in rural Indonesia”
Publié dans : PSE Working Papers n°2014-27. 2014.
Téléchargement : https://hal.archives-ouvertes.fr/SHS/halshs-01064506v2
......................
© FiCo74 - Fotolia.com