La science économique au service de la société

Le rôle essentiel du mimétisme social et des « leaders locaux » dans la lutte contre la pauvreté

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Karen Macours et Vakis Renos

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Quel rôle jouent les interactions et influences sociales dans les évolutions des décisions économiques prises par les ménages les plus défavorisés ? Quelles en sont les implications en termes de calibrage des politiques sociales ? Karen Macours et Vakis Renos ont abordé ces questions dans le cadre d’un programme mis en place au Nicaragua : les habitants de 56 villages, sélectionnés aléatoirement dans le pays, ont eu la possibilité de recevoir de l’argent moyennant un envoi systématique de leurs enfants à l’école. En plus de cela, un tiers des familles - retenues là encore par sélection aléatoire - ont bénéficié d’une aide financière supplémentaire les incitant à démarrer une activité lucrative non agricole. Le programme visait ainsi à améliorer le capital humain et l’investissement productif des ménages ruraux les plus défavorisés ; dans chaque village, une large majorité des foyers était concernée, et la formation de « groupes » divers (moyens mis en commun, discussions…) était encouragée.
Dans cet article, les auteurs analysent les résultats de ce programme nicaraguayen qui a rassemblé plus de 4000 ménages en tout (ceux bénéficiaires, et ceux non bénéficiaires nécessaires à la comparaison). Parmi les familles qui ont reçu l’aide financière supplémentaire se trouvaient des « leaders locaux » (1) : ils se sont avérés, en moyenne, plus à même de développer les nouvelles activités lucratives initiées par cette aide (2). K. Macours et V. Renos émettent l’hypothèse qu’assister à ces succès inciterait les ménages les plus défavorisés à davantage investir ; ils se demandent alors si la proximité de leaders locaux n’aurait pas des effets indirects conséquents sur les autres ménages. A l’issue du programme, ces différentes hypothèses ont été étayées grâce aux données collectées. D’une part, les leaders locaux bénéficiaires du programme complet ont effectivement multiplié leurs investissements propres. D’autre part, et cela est sans doute encore plus intéressant, le jeu des interactions sociales a amplifié les impacts du programme sur les autres bénéficiaires en termes d’éducation et de nutrition ; l’influence des leaders a également permis aux ménages les plus défavorisés d’augmenter leurs revenus non agricoles et de modifier leur vision et comportement vis-à-vis du futur. Les auteurs concluent que des succès locaux de mobilité ascendante peuvent influencer fortement les aspirations et les comportements économiques des autres ménages : intégrer cela lors de la création et l’implantation des programmes sociaux pourrait faciliter l’émergence de tels changements et accroitre la pérennité des effets recherchés.
(1) Volontaires particulièrement engagés dans le programme, enseignants, professionnels de la santé…
(2) Boulangerie, petits commerces…

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Titre original de l’article académique : “Changing Households’ Investment Behavior through Social Interactions with Local Leaders : Evidence from a randomized transfer program”
Publié dans : Economic Journal, 2014, 124 (May), 607–633.
Téléchargement : http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ecoj.12145/full
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