La science économique au service de la société

Croyances individuelles et croyances de groupe

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Franz Dietrich

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En sciences sociales, il est courant de classer les alternatives d’un point de vue « social », en attribuant notamment à des groupes ou sociétés dans leur ensemble des jugements en termes de préférences ou de qualité perçue. Il est moins courant d’attribuer des croyances (sous forme de probabilités subjectives) aux groupes eux-mêmes - et pas seulement aux individus les composant. Pourtant, le langage courant se l’autorise très souvent : le gouvernement anglais est perçu comme étant convaincu que le Brexit sera positif sur le long terme, on attribue au GIEC la conviction qu’il existe certaines tendances de fond concernant le changement climatique etc. Si ces croyances de groupe sont rationnelles, elles devraient évoluer rationnellement lorsque de nouvelles informations émergent. Dans la littérature scientifique, l’étalon-or permettant d’étudier l’évolution des croyances est « la révision bayésienne » : les nouvelles croyances devraient être équivalentes aux anciennes croyances mises à jour par l’information reçue.

Dans cet article théorique, Franz Dietrich se propose d’appliquer la révision bayésienne aux croyances de groupes, plutôt qu’aux croyances individuelles, et d’explorer les contraintes formelles que pose ce choix. Le « bayésianisme de groupe » doit surmonter trois défis. En premier lieu, les croyances de groupe sont une fonction des croyances de leurs membres, elles n’en sont pas « détachées ». Les recherches sont abondantes quant à la façon de fusionner les croyances individuelles en croyances de groupe. Mais la plupart des procédures de fusionnement classiques – en particulier celles consistant à prendre la moyenne arithmétique des croyances individuelles – produisent des croyances de groupes qui ne satisfont pas la règle de Bayes. En deuxième lieu : comment traduire ce qu’est la réception et l’intégration d’une nouvelle information pour un groupe ? L’auteur suggère de distinguer l’information publique (reçue par tous les membres), l’information privée (reçue par un seul membre) et l’information partiellement diffusée (reçue par certains membres, pas tous). Il se pose donc la question du (des) type(s) d’information pour le(s)quel(s) une « révision bayésienne » serait nécessaire. En troisième lieu, il s’avère que certaines informations pourraient ne pas être représentables sous forme d’un événement au sein du domaine dans lequel les croyances sont définies. Ainsi le groupe pourrait apprendre à la radio une prévision de journée pluvieuse, alors qu’il forme ses croyances vis à vis des « événements météorologiques », et non des « événements de prévision météorologique ». Dans cet exemple courant, la révision bayésienne classique n’est même pas définie ; pourtant l’auteur en décrit une version généralisée qui s’applique aux informations non représentables. Cela mène à la question de savoir si l’apprentissage d’information non représentable doit mener à une révision bayésienne généralisée des croyances de groupe.
Ainsi, l’auteur obtient différents types d’informations : l’information publique représentable, l’information publique non représentable, l’information privée représentable etc. Chaque type permet de faire émerger une forme spécifique de « bayésianisme de groupe » avec sa règle de conditionnement propre. Mathématiquement, l’apport de cet article consiste en six théorèmes qui identifient les procédures d’agrégation des croyances convenables pour six différents types de « bayésianisme de groupe » correspondant à six types d’informations. Dans les six cas, une forme d’agrégation géométrique des croyances est requise : la probabilité qu’un groupe donne à l’occurrence d’un « monde » est une moyenne géométrique pondérée des probabilités individuelles de ce monde, les pondérations dépendant du type de « bayésianisme de groupe ». L’idée d’un « bayésianisme de groupe » a été initiée dans des recherches précédentes, par exemple dans l’axiome de « bayésienne externe ». Cependant, l’auteur espère avoir offert une théorie unifiée du « bayésianisme de groupe », ses théorèmes comblant un vide théorique dans la littérature sur l’agrégation d’opinions.

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Titre original de l’article académique : A theory of Bayesian groups
Publié dans : Forthcoming
Téléchargement : http://franzdietrich.net/Papers/Dietrich-BayesianGroups.pdf
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