La science économique au service de la société

Des générations futures plus nombreuses ou moins pauvres ?

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Stéphane Zuber

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Les économistes ont depuis longtemps lié taille de population et développement économique, afin notamment de souligner, suivant l’intuition malthusienne, qu’une population excessive pouvait nuire au développement économique. La problématique des ressources naturelles non-renouvelables et celle du changement climatique ont enrichi et remis au goût du jour ce questionnement. Le récent rapport du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) souligne ainsi l’importance de la prise en compte des changements de taille de population dans l’évaluation des politiques climatiques. Il mentionne que cela soulève d’importantes questions éthiques (1), notamment celle de savoir s’il vaut mieux une population nombreuse mais pauvre ou bien une population plus réduite mais riche. Ces questions éthiques ont été étudiées en philosophie et en théorie économique sous le nom « d’éthique de la population » : il s’agit, dans un cadre abstrait considérant toutes les allocations des ressources possibles et toutes les tailles de population imaginables, d’étudier les implications d’un cadre éthique particulier.
L’éthique de la population a été abordée principalement dans un cadre utilitariste qui n’accorde pas de priorité différente aux individus selon leur place dans la distribution des niveaux de vie. Ce cadre a produit des résultats pouvant être jugés comme problématiques, comme la « conclusion révoltante » selon laquelle pour toute population riche et nombreuse, il en existe une plus nombreuse mais extrêmement pauvre qui lui est préférable : des options natalistes devraient alors être privilégiées.

Dans cet article, Stéphane Zuber propose de considérer un cadre qui accorde une priorité plus forte aux individus pauvres en termes relatifs. Il montre que cela permet de résoudre certaines difficultés auxquelles fait face le cadre utilitariste usuel. En particulier, ce nouveau cadre d’analyse n’implique pas la « conclusion révoltante », tout en évitant qu’une expansion de la population réduise le niveau de vie en-deçà d’un niveau « neutre », jugé suffisant par les individus. En accordant plus de poids aux individus les plus pauvres, ce cadre privilégie l’ajout de générations futures ayant un niveau de vie plus élevé que les générations actuelles, valorisant une dynamique soutenable. Au final, l’auteur met en lumière des arbitrages entre taille de population et niveau de vie moins extrêmes que dans le cadre utilitariste et une modulation de l’apport d’une croissance de la population en fonction de la richesse relative des nouvelles générations. Celles-ci peuvent donc être plus nombreuses si elles sont moins pauvres, tandis qu’un risque sur leur niveau de vie peut inciter à restreindre la croissance de la population.

(1) p. 223 du Rapport du Groupe de Travail 3 du GIEC [2015]

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Titre original de l’article académique : “Ethique de la population : L’apport des critères de bien-être dépendant du rang”
Publié dans : Working paper CES 2016.12 - Février 2016
Téléchargement : https://hal-pse.archives-ouvertes.fr/halshs-01278089v1

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