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Comment accélérer la diffusion des technologies vertes ?

Lien court vers ce résumé : https://bit.ly/2R3HL08

Solmaria Halleck Vega, Antoine Mandel et Katrin Millock

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Accélérer la diffusion des technologies à faibles émissions est essentiel pour atteindre les objectifs globaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Généralement, cette diffusion est effectuée par les entreprises via trois mécanismes principaux qui sont le commerce international, les investissements directs étrangers et les licences de brevet. Dans le cadre des récentes négociations multilatérales sur le climat, de nouveaux mécanismes visant à encourager des transferts de technologie ont été mis en place, notamment le Mécanisme technologique et le Fonds vert pour le climat (1). Dans l’analyse économique, cependant, les transferts de technologies vertes sont plutôt étudiés dans un cadre bilatéral, ignorant l’influence des connexions indirectes dans le processus de dissémination.

Comment mieux prendre en compte les effets de réseaux dans l’analyse de l’impact de la politique économique et des accords internationaux sur la diffusion globale des technologies vertes ? Le récent article de Solmaria Halleck Vega, Antoine Mandel et Katrin Millock vise à apporter une réponse à cette question (2). L’article combine un modèle de diffusion technologique et un algorithme d’inférence de réseau inspiré de la science des données afin d’identifier les déterminants du processus de diffusion. L’analyse se concentre sur l’énergie éolienne pour laquelle des données très granulaires sur l’installation d’éoliennes sont disponibles. L’éolien est, par ailleurs, la forme d’énergie renouvelable avec la plus forte croissance (derrière l’énergie solaire photovoltaïque) et une technologie suffisamment mature pour que soient observés de multiples épisodes de diffusion correspondants à différentes générations de technologies. L’analyse apporte de nouvelles informations sur la diffusion de l’énergie éolienne. Ces données fournissent, en effet, une mesure de l’installation réelle d’éoliennes depuis 1983, contrairement aux variables proxy telles que les brevets ou les transferts dans le cadre du Mécanisme de développement propre (3). Enfin, le modèle proposé dans le cadre de cet article permet d’examiner les politiques nationales de soutien à l’énergie éolienne (par exemple, les tarifs à rachat garantis ou des certificats d’énergie renouvelable négociables) mais aussi les déterminants bilatéraux et multilatéraux (accords d’intégration économique ou accords environnementaux internationaux) de cette diffusion.

Les résultats montrent que la distance géographique en tant que telle n’est pas un obstacle à la dissémination de l’énergie éolienne. Les accords d’intégration économique constituent le facteur explicatif le plus important de cette diffusion technologique. La mesure de l’intégration économique retenue par les auteurs n’est pas simplement bilatérale mais intègre également l’intensité des accords multilatéraux. Aussi, ces résultats sont révélateurs du potentiel des « clubs climatiques » prônés notamment par Nordhaus (2015) pour contrôler le phénomène de passagers clandestins dans les politiques internationales de climat (4). Les politiques environnementales mises en œuvre dans le pays d’origine de la technologie favorisent également la diffusion. Par conséquent, de telles politiques peuvent permettre de développer un marché national pour la diffusion de la technologie au niveau international.

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(1) Le Mécanisme technologique était instauré en 2010 afin de promouvoir la coopération et la diffusion des informations sur les technologies à faibles émissions et fournir de l’assistance technique concernant les technologies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. La même année, le Fonds vert pour le climat était aussi instauré en tant que mécanisme financier de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour financer les investissements dans les technologies à faibles émissions ainsi que l’adaptation au changement climatique dans les pays en voie de développement.
(2) Recherche effectuée sous financement du projet H2020 GREEN-WIN 642018. Une première analyse des réseaux de diffusion des technologies vertes est faite dans Halleck Vega and Mandel (2018) qui utilise les données sur les installations de turbines éoliennes afin de déduire le réseau de diffusion de technologies, toutefois sans expliquer ses déterminants.
(3) Le Mécanisme de développement propre était un des mécanismes du Protocole de Kyoto (Article 12) pour permettre la mise en oeuvre des réductions de gaz à effet de serre dans les pays en voie de développement par des pays avec des objectifs contraignants de réduction d’émissions (« pays Annexe 1 »).
(4) Nordhaus W (2015) Climate clubs : Overcoming free-riding in international climate policy. American Economic Review 105 (4), 1339–1370. Hovi J, Sprinz D, Saelen H and Underdal A (2016) Palgrave Communications | DOI : 10.1057/palcomms.2016.20. Keohane N, Petsonk A and Hanafi A (2017) Toward a club of carbon markets. Climatic Change 144 (1), 81–95.

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Titre original de l’article académique : « Accelerating Diffusion of Climate-Friendly Technologies : A Network Approach »

Publié dans : Ecological Economics 152 (October), 235-245, 2018

Téléchargement :https://www.parisschoolofeconomics.eu/docs/millock-katrin/march-2018-revision.pdf