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Quelles seraient les conséquences des nouveaux accords transatlantique et transpacifique sur les échanges agro-alimentaires ?

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Anne-Célia Disdier, Charlotte Emlinger et Jean Fouré

Au début du mois d’octobre 2015, douze pays du Pacifique ont annoncé la conclusion d’un accord de commerce, le Partenariat Trans-Pacifique. Depuis 2013, l’Union européenne et les États-Unis négocient un accord similaire, le Traité Transatlantique. Ces accords, de taille démesurée (11,5% de la population mondiale chacun, et respectivement 38,5% du PIB mondial pour le Partenariat Trans-Pacifique et 45,8% pour le Traité Transatlantique), visent à une intégration poussée des marchés allant bien au-delà du simple démantèlement de la protection tarifaire. Si de nombreux décideurs politiques fondent d’importants espoirs dans ces accords, une opposition citoyenne tend à se fédérer contre eux. Les craintes concernent notamment un risque d’abaissement des normes sanitaires et environnementales. Par exemple, en dépit de sa part relativement faible dans la production globale et dans l’emploi, l’agriculture est l’un des domaines particulièrement sensibles dans les négociations. Ces accords représentent-ils alors un risque ou une opportunité pour les échanges agroalimentaires mondiaux ?

Dans cet article, Anne-Célia Disdier, Charlotte Emlinger et Jean Fouré simulent, à l’aide d’un modèle d’équilibre général calculable (1), les effets que pourraient avoir ces deux accords au niveau du commerce et de la production. A la différence des analyses précédemment menées, qui tendent à se focaliser sur un seul accord, les auteurs comparent explicitement les deux accords. Ils ont notamment recours à des mesures précises de la protection bilatérale appliquée par chaque pays importateur, sur chaque produit et envers chacun de ses partenaires. L’effet des normes et de leur harmonisation est également pris en compte par le biais de calculs d’équivalents tarifaires. Les résultats obtenus suggèrent que ces deux accords entraîneraient davantage de commerce agroalimentaire, en volume, à la fois entre les pays membres et au niveau mondial (+31 milliards de dollars US au niveau mondial par rapport à une situation sans accord). Les États-Unis seraient le principal gagnant du fait qu’ils appliquent déjà des droits de douane moindres et qu’ils sont spécialisés dans des secteurs souvent sujets à des normes multiples chez les pays partenaires. En outre, leurs gains à l’exportation devraient être plus élevés dans le cadre de l’accord transatlantique que dans celui de l’accord transpacifique. S’agissant de la production agroalimentaire, les tendances sont à nouveau relativement similaires : la production américaine devrait croître alors que celle de la plupart de leurs partenaires devrait se contracter. Pour l’Union européenne, la croissance des exportations agroalimentaires vers les États-Unis devrait être en grande partie compensée par une réduction des échanges intra-européens, ce qui au final, aboutirait à une légère réduction de la production agroalimentaire européenne. Enfin, les auteurs se posent la question de l’impact de l’accord transpacifique sur les pays européens. Cet impact dépendrait des contours réels du Partenariat Trans-Pacifique. L’harmonisation des normes pourrait significativement réduire les exportations agroalimentaires européennes vers les États-Unis en raison d’une concurrence accrue sur les prix. En revanche, un accord élargi à d’autres pays que les signataires d’octobre 2015, notamment à la Chine, l’Inde ou la Corée du Sud, ne devrait quasiment pas peser négativement sur les exportations européennes et pourrait même les accroître dans certains secteurs. Ce dernier résultat s’explique par une spécialisation relativement complémentaire entre les pays de l’UE et ces membres potentiellement additionnels du Traité Trans-Pacifique. Cet article se concentre sur le secteur agroalimentaire mais ces accords couvriront l’ensemble de l’économie : une partie des pertes observées dans ce secteur, en matière de commerce comme de production, pourrait être compensée par des gains sur le secteur manufacturier ou dans les services.

(1) Le modèle MIRAGE développé par le CEPII

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Titre original de l’article académique : “Atlantic versus Pacific Agreement in Agri-food Sectors : Does the Winner Take it All ?”
Publié dans : CEPII Working Paper, N°2015-10, juillet 2015/G-MonD Working Paper n°42.2015
Téléchargement : https://hal-pse.archives-ouvertes.fr/G-MOND-WORKING-PAPERS/halshs-01190840v1

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