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Quel est le lien entre la capacité métacognitive et la prédiction de l’avenir ?

Lien court vers ce résumé : https://bit.ly/2QfjrmJ

Marine Hainguerlot, Jean-Christophe Vergnaud et Vincent De Gardelle

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On s’amuse à dire que « les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir ! » (1). Cependant, une bonne connaissance de son environnement permet quand même, dans certains cas, de prédire si un évènement à venir est plus probable qu’un autre. Bien évidemment, si un agent est capable de prédire l’avenir de manière correcte, il peut en tirer un avantage important. On peut donc s’interroger sur la façon dont l’agent parvient à reconnaître la valeur prédictive des éléments de son environnement. Comment l’agent fait-il pour comprendre que lorsque A est présent dans l’environnement alors X est plus probable que Y ? Typiquement, si l’agent sait distinguer X et Y de manière certaine, alors après avoir observé A suivi de X il peut mettre à jour son estimation de la valeur prédictive de A (la probabilité de voir X plutôt que Y sachant A), à l’aide d’une inférence bayésienne ou d’un mécanisme d’apprentissage par renforcement par exemple. Cependant, que faire lorsque la nature de l’évènement qui se réalise n’est pas claire, c’est-à-dire, si l’agent a bien vu A mais qu’ensuite il n’est pas certain d’avoir vu X plutôt que Y se réaliser ? Une hypothèse possible est que l’agent utilisera sa confiance dans le fait d’avoir vu X plutôt que Y afin de guider son apprentissage sur la valeur prédictive de A.

Dans cet article, Marine Hainguerlot, Jean-Christophe Vergnaud et Vincent De Gardelle ont formulé et testé en laboratoire une conséquence de cette hypothèse. Si les agents utilisent leur confiance dans le fait d’avoir vu X plutôt que Y pour apprendre que A prédit X et que B prédit Y, alors on devrait observer un lien entre la capacité à bien évaluer sa confiance, d’une part, et la capacité à bien identifier les indices prédictifs, d’autre part. Des volontaires ont participé à une étude en laboratoire dans laquelle ces deux capacités ont été mesurées dans deux sessions expérimentales distinctes. Afin de contrôler le degré d’incertitude dans les décisions, une tâche perceptive a été employée : deux ensembles de points étaient présentés sur un écran d’ordinateur, et les volontaires devaient indiquer si l’ensemble contenant le plus de points était à droite (évènement X) ou à gauche (évènement Y). Dans une session, les décisions perceptives entre X et Y étaient suivies d’un jugement de confiance, ce qui a permis de quantifier pour chaque volontaire sa « capacité métacognitive », c’est-à-dire sa capacité à formuler des jugements de confiance bien corrélés avec la performance. Dans l’autre session, les stimuli étaient précédés d’indices (A prédisait X, B prédisait Y, C ne prédisait rien) que les volontaires devaient apprendre à associer avec les évènements prédits.

La mise en regard des données de ces deux sessions expérimentales a permis aux auteurs de valider leur prédiction de manière claire. En effet, les volontaires qui ont correctement associé les indices avec les évènements prédits avaient de meilleures ‘capacités métacognitives’ (c’est-à-dire ceux qui étaient meilleurs pour évaluer leur confiance dans leurs décisions) que ceux qui n’ont pas réussi à apprendre correctement les indices. Des analyses supplémentaires ont permis de mettre en lumière les conséquences de cet apprentissage sur les performances dans la tâche perceptive. En effet, un volontaire qui a bien appris la correspondance entre les indices et les stimuli perceptifs obtient une information supplémentaire qui l’aide à décider si X ou Y était présenté à l’écran. Ainsi, notre « capacité métacognitive » est très utile : elle nous aide à apprendre en situation d’incertitude, ce qui nous permet d’améliorer nos prévisions, y compris sur l’avenir.

(1) Attribué à Pierre Dac, Niels Bohr, ou d’autres, selon les sources.

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Titre original de l’article académique : « Metacognitive ability predicts learning cue-stimulus associations in the absence of external feedback »

Publié dans : Scientific Reports, Nature Publishing Group, 2018

Téléchargement : https://hal-pse.archives-ouvertes.fr/hal-01761531v1