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Taxer les héritages selon l’âge du décédant ?

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Marc Fleurbaey, Marie-Louise Leroux, Pierre Pestieau, Grégory Ponthière et Stéphane Zuber

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Quelle serait une juste taxation des héritages ? L’article propose de revisiter cette question, et en particulier la taxation optimale des héritages accidentels, en mettant l’accent sur le risque sur la durée de la vie, et sur les inégalités de longévité au sein de la population. En France, sur la base des tables de mortalité de 2015, environ 10 % des hommes et 6 % des femmes décèdent avant d’avoir atteint l’âge de 60 ans. Une des conséquences de ces décès prématurés est que l’héritage inclut, dans ces cas-là, une partie accidentelle, qui correspond aux ressources que les personnes auraient consommées durant leur retraite si elles avaient vécu suffisamment longtemps, mais qui n’ont pas été consommées à cause du décès prématuré.

Ce travail démontre que la politique fiscale optimale dépend fortement du critère de bien-être social posé comme objectif. Lorsque le critère de bien-être social (l’objectif poursuivi par le gouvernement) est utilitariste, c’est-à-dire lorsque le gouvernement cherche à maximiser le niveau de bien-être moyen de la population, il est optimal de taxer les héritages accidentels à 100 %. En revanche, lorsque le critère de bien-être social est égalitariste ex post, c’est-à-dire lorsque le gouvernement vise à maximiser le bien-être des personnes les plus défavorisées une fois les durées de vie individuelles révélées, il est optimal de subventionner les héritages accidentels, c’est-à-dire de permettre aux personnes qui décèdent prématurément de donner à leur enfant davantage que ce qu’elles auraient consommé en cas de vie longue. En effet, les héritages accidentels permettent, en quelque sorte, aux personnes décédées prématurément de donner davantage, ce qui peut compenser, en partie, ces personnes pour le dommage associé à une vie plus courte.

Dans une économie davantage réaliste où la composante accidentelle de l’héritage ne peut être taxée différemment du reste de l’héritage, un gouvernement pourrait utiliser l’âge du décédant comme une variable indiquant de manière approximative l’ampleur de la composante accidentelle de l’héritage. Ici encore, la politique fiscale optimale dépend du critère de bien-être social posé : sous l’utilitarisme, il est optimal de taxer les héritages (totaux) à un taux décroissant avec l’âge du décédant (de manière à taxer davantage les héritages plus importants), tandis que, sous l’égalitarisme ex post, il est optimal de taxer les héritages (totaux) à un taux croissant avec l’âge du décédant, afin d’essayer de compenser les personnes décédées prématurément.

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Titre original de l’article : « Premature deaths, accidental bequests and fairness »

Publié dans : PSE Discussion Paper 2017-52

Disponible à : https://www.parisschoolofeconomics.eu/docs/ponthiere-gregory/premature-deaths,-accidental-bequests-and-fairness-2018.pdf