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Les décisions publiques sont-elles affectées par la mobilité des citoyens ?

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Francis Bloch et Unal Zenginobuz

Deux phénomènes concordants marquent l’évolution des finances publiques locales dans les pays industrialisés au cours des vingt dernières années : une mobilité accrue des citoyens (entre villes, régions et nations) et une tendance à la décentralisation des décisions publiques, de plus en plus prises au niveau local, plus proche du citoyen. Toutefois, tout récemment, certains pays (comme les pays scandinaves) ont décidé d’inverser la tendance et de recentraliser certaines décisions publiques. L’échelle optimale de fourniture des biens publics – qu’elle soit nationale, régionale ou locale – est l’objet du « théorème de décentralisation de Oates » (1972), pierre angulaire de la théorie du fédéralisme fiscal. Selon Oates, un bien public doit être fourni au niveau local quand les préférences locales des citoyens sont très hétérogènes, et au niveau national quand les externalités entre juridictions (1) sont très importantes. Le théorème d’Oates suppose que les citoyens sont attachés, administrativement et affectivement, à leur juridiction. Il est alors important d’analyser la pertinence des conclusions d’Oates quand les citoyens sont libres de se déplacer entre juridictions.

Dans cet article, Francis Bloch et Unal Zenginobuz analysent un modèle théorique où les citoyens peuvent, moyennant un coût psychologique, se déplacer entre juridictions en fonction de l’offre de biens public locaux. Le modèle combine donc l’analyse du fédéralisme fiscal d’Oates et le principe de mobilité entre juridictions de Tiebout. L’analyse repose sur deux paramètres essentiels : le degré d’imperfection de la mobilité et le niveau d’externalités. La décentralisation est optimale quand le niveau d’externalités est faible et la mobilité plus imparfaite. Dans un régime décentralisé, la concurrence entre les juridictions locales les conduit à fixer un même taux d’imposition, d’autant plus faible que le coût de la mobilité est faible. Ceci conduit à des niveaux de biens publics faibles et à un bien-être global peu élevé. Par contraste, l’offre de biens publics dans un régime de centralisation est plus élevée. Au final, l‘Etat peut avoir intérêt à recentraliser l’offre de biens publics locaux.

(1) Les externalités entre juridictions apparaissent quand les habitants d’une juridiction peuvent bénéficier du bien public (par exemple un aéroport ou un théâtre) financé par une autre juridiction.

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Titre original de l’article académique : “Oates’ Decentralization theorem with Imperfect Household Mobility”
Publié dans : International Tax and Public Finance, Springer Verlag (Germany), 2015, 22 (3), pp.353-375.
Téléchargement : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01012721

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