n°1 - Newsletter PSE - april 2010
EDITO de François Bourguignon
INVITE - A la rencontre de Larry Samuelson
PARCOURS - Pascaline Dupas est passée par là
DEBAT - Eclairages sur les retraites
FOCUS - Le G-MOND
PARTENAIRE - AXA & PSE-EEP : une collaboration aux multiples facettes
EDITO de François Bourguignon
Une première sur la propagation internationale de la crise
Les 28 et 29 janvier derniers, était inaugurée la Chaire Banque de France à PSE-Ecole d’économie de Paris par une conférence internationale, organisée en collaboration avec le Fonds Monétaire International et le Cepremap, intitulée “Interactions économiques internationales, effets secondaires et crise financière”. Elle réunissait des macroéconomistes de renom autour de la question de la rapidité et l’intensité de la propagation internationale de la crise. Les contributions seront publiées dans un numéro spécial de IMF Economic Review. En voici un bref résumé. Le lecteur intéressé trouvera les contributions originales sur le site de PSE-EEP.
Le premier moteur de propagation de cette crise est évidemment financier, soit par contagion directe, soit par raréfaction du crédit accordé par les grandes banques opérant à l’échelle internationale. Ces mécanismes n’ont cependant pas joué de la même façon partout. Il semblerait par ailleurs que le degré d’intégration et d’ouverture financière d’un pays n’ait pas été un facteur aggravant de la crise.
La contraction du commerce international a sans doute été in fine le principal canal réel de propagation de la crise. Elle a surpris par son ampleur. Plusieurs contributions ont cherché à expliquer ce phénomène, privilégiant d’une part l’intégration croissante des processus de production conduisant à des chaînes de valeur de plus en plus multinationales et d’autre part une plus grande réactivité des opérations de stockage et déstockage.
La discussion a ensuite porté sur la sensibilité comparée des économies nationales à la récession mondiale. Le degré d’ouverture commerciale, la spécialisation dans les exportations de produits manufacturés ou certaines caractéristiques financières, comme la croissance du crédit avant la crise, sont des facteurs explicatifs évidents de cette sensibilité. Mais d’autres facteurs sont apparus qui demandent une réflexion plus approfondie. C’est le cas de la dette extérieure à court-terme des pays développés et émergents, dont l’effet est à peine amorti par la présence de réserves. C’est aussi le cas du degré de libéralisation du marché du crédit qui semble avoir affecté négativement la résilience des pays alors que la régulation du marché du travail aurait eu l’effet opposé. De façon intéressante, ces spécificités nationales paraissent ainsi avoir joué durant la crise le rôle inverse de celui qu’ont leur prêtait avant la crise.
Cette conférence marque probablement le début d’un programme important de recherche économique, susceptible de remettre en cause certaines “idées reçues”. Elle est aussi à l’image de PSE-Ecole d’économie de Paris: une recherche de pointe, soutenue par les grandes institutions économiques nationales et en prise directe sur les questions économiques majeures de nos sociétés.
INVITE - A la rencontre de Larry Samuelson
De passage à PSE-EEP pour plusieurs mois, Larry Samuelson nous a reçu boulevard Jourdan. Rencontre avec un passioné.
Pourriez-vous nous parler de vos champs de recherche ?
L.S : J’étudie la Théorie des Jeux, soit les décisions et interactions entre agents (pays, entreprises, individus...), la façon dont ils s’influencent mutuellement. Diverses situations de conflits ou de coopérations sont analysées : comment ces agents appréhendent-ils leurs intérêts communs ou opposés ?
Ce qui m’attire en premier lieu est la combinaison de « beaux » outils mathématiques et leurs applications pratiques quasi quotidiennes : la Théorie des Jeux est vraiment une méthode générale d’étude en sciences sociales ! J’ai développé un intérêt croissant pour l’Economie Expérimentale, domaine relativement récent mais incroyablement dynamique et excitant : des grilles d’analyse, idées et observations ont vu le jour, entraînant les théoriciens sur de nouveaux chemins, vers une nouvelle perception du monde et de leurs précédents modèles d’analyse !
Vous êtes à PSE pour un moment...
L.S : Oui ! Je suis là de janvier à juin : mon projet principal avec Philippe Jehiel et Olivier Compte porte sur « les jeux répétés en situation de surveillance imparfaite »...mais je rencontre chaque jour des chercheurs avec qui j’aimerais travailler dans le futur !
Une décision engageant des agents varie selon qu’ils se voient une ou plusieurs fois, et selon qu’ils anticipent ou non la multiplicité de ces interactions. Quels leviers existent pour les inciter à réaliser aujourd’hui des actions ou choix qu’ils ne feraient pas sans ces informations ? Par exemple, vous et moi pouvons coopérer, avec un bénéfice pour chacun, alors même que des influences présentes nous incitent à faire autrement : savoir que ce scénario se reproduit dans le futur joue alors un rôle central.
Analyser les processus et facteurs de décisions en maîtrisant ces paramètres nous place dans le cas d’une « surveillance parfaite ». La situation de « surveillance imparfaite » est celle où des doutes existent sûr l’option à privilégier à chaque étape : une entreprise qui, une semaine vend moins que d’habitude, ne sait pas exactement si une partie de sa stratégie s’est révélée perdante, si une action d’un concurrent lui a fait perdre des parts de marché ou si c’était tout simplement une mauvaise passe ! Tout cela rend les jeux répétés beaucoup plus complexes.
Percevez-vous des différences majeures entre votre situation d’économiste invité en Europe et celle habituelle de permanent aux E-U ?
L.S : L’environnement académique est très similaire : en tant qu’économistes, nous envisageons notre communauté scientifique comme internationale – et aucunement locale ou nationale. Des différences mineures existent sur la conduite des programmes d’enseignement : la façon dont les chercheurs travaillent est, elle, très similaire.
La proximité est fondamentale : travailler à distance est beaucoup plus facile qu’auparavant, mais rien ne remplace le fait de se réunir dans une même pièce, devant un tableau noir. A certaines étapes du projet de recherche, être ensemble est indispensable : dans les phases initiales notamment, où formuler très précisément les pensées peut s’avérer douloureux, une heure autour d’une même table peut être l’équivalent de semaines d’échanges d’emails ou d’heures passées au téléphone !
PARCOURS - Pascaline Dupas est passée par là
Professeur d’économie à UCLA, chercheur membre de J-PAL (http://www.econ.ucla.edu/pdupas/)
Lorsqu’elle a commencé ses études supérieures, Pascaline n’imaginait pas que son parcours serait jalonné d’autant d’étapes! Première escale sur le campus du Boulevard Jourdan après le Master 2 d’économie à PARIS 1: Daniel Cohen lui met le pied à l’étrier au Laboratoire de Sciences Sociales. Elle s’envole ensuite pour Harvard et le MIT où elle s’investit dans divers projets en économie du développement, notamment avec Esther Duflo. C’est ainsi qu’elle atterrit pendant un an au Kenya. On la retrouve ensuite à New York, avec un poste d’allocataire, qui lui permet de rédiger sa thèse, qu’elle soutiendra en 2006 à l’EHESS-PSE.
Ce que Pascaline retient de ce parcours original, c’est la grande variété des possibilités qui s’offrent aux étudiants de PSE: munis d’une formation rigoureuse et reconnue au plan international, ceux-ci peuvent inventer leur voie grâce aux rencontres multiples qui sont à leur portée et à la grande flexibilité des cursus. Ainsi, il leur est possible d’aller étudier dans d’autres pays, de faire des recherches sur le terrain, voire même, comme Pascaline, de créer au passage une ONG (www.tamtamafrica.org) de lutte contre le paludisme et la transmission du sida.
DEBAT - Eclairages sur les retraites
JEAN-OLIVIER HAIRAULT, Professeur à PSE-Ecole d’économie de Paris
La faiblesse du taux d’emploi des seniors pèse fortement dans le débat sur l’âge de la retraite en France. Un décrochage impressionnant de plus de 20 points se produit à partir de 57 ans, tandis que le taux d’emploi est plus élevé que celui de nos voisins européens entre 50 et 55 ans. Deux facteurs expliquent l’essentiel de ces mauvaises performances. D’une part, les filières longues d’indemnisation-chômage, qui s’ouvrent à partir de 57 ans jusqu’à l’âge du taux plein, sont des pré-retraites déguisées ; d’autre part, la proximité à 57 ans de l’âge de la retraite raccourcit la durée anticipée des emplois.
Si le premier effet vient classiquement diminuer le surplus de l’emploi, et explique ainsi de nombreuses séparations « à l’amiable » à partir de 57 ans, le deuxième effet est spécifique à la fin de carrière et repose sur les profondes interactions rarement analysées entre décisions d’emploi et décisions de retraite. D’une part, les rendements de la recherche d’emploi dépendent de la durée anticipée du futur emploi, laquelle est déterminée par la distance à l’âge du départ à la retraite. D’autre part, ce dernier est affecté par la situation des travailleurs sur le marché du travail.
Ces interactions confèrent au système de retraite un rôle majeur dans l’emploi des seniors, bien au-delà de la décision ultime de participation. C’est pourquoi la mise en place d’incitations à reculer l’âge de la retraite est un mécanisme puissant pour augmenter l’emploi des seniors à travers le canal de l’offre de travail [1], mais aussi en stimulant la demande de travail [2]. La proximité de la retraite modifie également les effets des principales institutions du marché du travail. Ainsi, une taxe sur le licenciement protège l’emploi des seniors proches de la retraite parce que cette dernière offre une perspective de séparation sans coût qu’il suffit d’attendre [3]. Concernant l’allocation-chômage optimale, il est possible de montrer qu’à proximité de l’âge de la retraite, une politique très dégressive ne permet pas de concilier assurance et incitation en raison d’un effort de recherche trop inélastique. La dispense de recherche peut être optimale, mais à condition là encore de ne pas la considérer comme indépendante de l’âge de la retraite [4].
Plus que l’âge de nos artères, c’est la distance à la retraite qui détermine l’âge pertinent en fin de carrière. C’est pourquoi on est plus vieux en France à 57 ans que chez nos voisins européens.
[1] Distance to Retirement and Older Workers’ Employment: The Case For Delaying The Retirement Age. Journal of European Economic Association, (avec F. Langot et T. Sopraseuth), Forthcoming.
[2] Life-Cycle Equilibrium Unemployment, IZA 3396 WP, (avec A. Chéron et François Langot), March 2008. [3] Age-Dependent Employment Protection, IZA 3851 WP, (avec A. Chéron et François Langot) November 2008. [4] Optimal Unemployment Insurance for Older Workers, IZA 4071 WP, (avec F. Langot, S. Ménard et T. Sopraseuth), March 2009.
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ANTOINE BOZIO, THOMAS PIKETTY, Professeurs à l’IFS, à PSE-EEP
Le système de retraite français est complexe et morcelé : chaque salarié dispose de droits dans de multiples régimes (de base et complémentaires) aux règles différentes et fluctuantes. Cette illisibilité des droits crée de l’angoisse et cache des redistributions des plus pauvres vers les plus riches. Ainsi, les carrières « longues et plates » des salariés aux faibles revenus voient leurs premières cotisations mal prises en compte, quand d’autres bénéficient à plein de leur hauts revenus en fin de carrière [a].
Le système de comptes personnels (également appelés “comptes notionnels”) que nous proposons est un mécanisme simple d’accumulation individuelle des droits de retraite où les principes de répartition, contributivité et solidarité sont inchangés. Il repose sur deux piliers : assurance retraite et redistribution.
Quelque soit son statut ou son secteur d’activité, chacun cotise sur un compte individuel le même pourcentage de son revenu, compte dit « notionnel » car n’accumulant pas de l’argent mais des droits à la retraite. Les cotisations ne sont pas investies sur les marchés financiers et payent les pensions des retraités : l’Etat garantit un rendement équivalent pour tous et indexé sur la croissance des salaires. Le « patrimoine retraite » convertit en pension au moment de liquider sa retraite dépend uniquement de la durée espérée de retraite.
Ce nouveau système n’en est pas moins redistributif [b], permettant même de cibler ceux en ayant le plus besoin. Tous les avantages non contributifs (chômage, maternité, maladie...) sont maintenus et versés directement sur les comptes individuels, sans être exprimés en trimestres gratuits ou en points. En période de chômage, un individu reçoit un équivalent de ses cotisations retraites alimentant ses droits futurs.
Nous n’ignorons pas les difficultés liées à la transition vers un tel système. Trois éléments méritent une attention particulière : le choix du plafond des cotisations, l’harmonisation entre secteurs public et privé et la question des mesures financières transitoires. Sur ce point, nous proposons d’isoler la dette due à l’augmentation de l’espérance de vie et aux baby-boomers, et de la faire financer séparément par l’ensemble des citoyens, actifs ou inactifs, avec leur revenu du travail ou du capital. Elle ne doit pas être « cachée » au sein de prélèvements n’ouvrant pas de droits nouveaux, au risque d’affaiblir un peu plus la confiance dans notre assurance vieillesse : on ne peut pas au nom de l’équité intergénérationnelle défendre l’idée que seuls les jeunes salariés doivent payer le choc du papy-boom quand la génération du baby-boom a été celle qui a profité du plein emploi, puis des gains immobiliers et financiers !
[a] Autre exemple : les bonifications pour enfants donnent lieu, pour le 3è enfant d’un couple de cadres moyens, à un avantage contributif de 5 à 8 fois plus élevé que celui d’un enfant d’employé modeste !
[b] Voir les simulations CNAV/INSEE du Conseil d’Orientation des Retraites - http://www.cor-retraites.fr/
FOCUS - Le G-MonD: Groupe de recherche sur la Mondialisation et le Développement
Le G-MonD créé par PSE-Ecole d’économie de Paris a pour vocation première d’animer et d’approfondir la réflexion dans le domaine de l’analyse économique de la mondialisation. Présentation
Pauvreté, inégalités entre pays et au sein des pays, questions environnementales et climatiques, pandémies, crises économiques et financières, phénomènes de contagion, transformation des rapports Nord-Sud et montée en puissance des économies « émergentes »... : les défis imposés par l’intensification du processus de mondialisation sont colossaux, par leur nature, leur nouveauté et leur ampleur.
Les actions et politiques visant à anticiper, atténuer ou combattre ces phénomènes sont indissociables d’un corpus économique à la fois dense et dynamique. Le G-MonD de PSE-EEP, en plaçant la problématique d’un développement mondial durable et inclusif au centre de sa réflexion, s’affirme comme lieu de dialogue privilégié entre les entreprises, les administrations nationales et internationales et ses équipes de chercheurs. PSE-Ecole d’économie de Paris s’appuie pour cela sur des chercheurs travaillant depuis de nombreuses années sur les questions de développement, de commerce ou encore de rapports Nord/Sud.
Ce think-tank français, où s’équilibrent réflexions de long terme et forte réactivité face à l’actualité, organise des séminaires, des rencontres ciblées, des formations spécifiques et anime des publications d’articles scientifiques, de « policy briefs » et de divers ouvrages. En accueillant pour quelques jours ou plusieurs mois des chercheurs étrangers, personnalités scientifiques de premier plan ou jeunes chercheurs, notamment des pays émergents, le G-MonD favorise également l’approfondissement des liens entre économistes et entre centres de recherche.
En se dotant d’un nouveau groupe de recherche spécialisé, PSE-Ecole d’économie de Paris entend confirmer sa visibilité académique mondiale et sa proximité avec les grandes organisations économiques nationales et internationales.
En savoir plus sur le G-MonD : rubrique Vie Scientifique / Groupes de Recherche
PARTENAIRE - AXA & PSE-EEP : une collaboration aux multiples facettes
Dès les premiers pas de la fondation, le Groupe AXA, en abondant à la dotation de PSE-EEP, s’est affirmé comme un partenaire au long cours.
Avec l’idée de créer des passerelles entre le secteur privé et le monde académique, ce partenariat se développe aujourd’hui sur des projets de recherche ciblés, à travers deux entités du groupe : la branche « Retraite & Assurance Vie » et le Fonds international pour la recherche.
Ces échanges s’inscrivent dans une relation de confiance et d’intérêts mutuels.
Pour AXA France Vie, étudier la durée de détention des produits d’assurance est central, et requiert une connaissance théorique et des outils économétriques pointus...quand les chercheurs ont grand besoin de bases de données les plus complètes et fiables possibles. Ainsi, chercheurs et étudiants ont pu mettre à l’épreuve et affiner leurs modèles en analysant et décortiquant les corrélations entre caractéristiques des détenteurs et durée de détention, les impacts de la réforme des tables légales de mortalité ou encore l’influence des conseillers clientèle sur la fidélité des assurés.
Avec près de 100 millions d’euros attribués sur 5 ans, le Fonds AXA finance des projets, chaires et bourses de recherche en France et dans le monde. Une étude a ainsi été confiée aux équipes de PSE-EEP concernant les modalités de prises de décision des individus lors d’un investissement financier Trois types de données sont mobilisés : certaines données propres à AXA et son activité, des données socio-démographiques plus vastes et des données issus d’expérimentations spécifiques. Par ailleurs, deux doctorantes de PSE-Ecole d’économie de Paris sont financées par ce fonds : l’une réalise sa thèse sur « les politiques fiscales dans les pays en voie de développement », l’autre sur « les comportements individuels vis-à-vis des vaccinations et des luttes contre les épidémies ». D’autres étudiants font également leur thèse en lien avec AXA, mais dans le cadre des dispositifs CIFRE (conventions industrielles de formation par la recherche) gérés par le Ministère de la recherche, spécifiquement créés afin de favoriser ces accords tripartites bénéficiant à tous : doctorants, entreprises et centres de recherche. Une illustration supplémentaire des synergies évidentes, mais souvent sous-estimées, entre le secteur privé et le monde de la recherche.