Economics serving society

New ERC project managed by Thierry Verdier

GRANT ERC - EUROPEAN RESEARCH COUNCIL


The Economics of Cultural Transmission and Applications to Communities, Organizations and Markets (TECTACOM)
Date démarrage: avril 2013

Synthèse : projet dirigé par Thierry Verdier sur l’approche économique de l’évolution des préférences et de la transmission culturelle, et sur ses applications aux fonctionnements des communautés, des organisations et des marchés. Le cadre étudié est celui de modèles dynamiques de populations où la transmission des préférences est le résultat de processus de socialisation d’agents économiques et d’influences extérieures associées au contexte socio- économique. Dans un premier temps, le projet vise à étudier théoriquement la modélisation des motivations de la transmission culturelle, la transmission de croyances et le contexte de cette transmission (géographie, espace et réseaux sociaux). La deuxième partie du projet a pour objectif l’application de ces modélisations à la résilience des comportements asociaux dans les communautés locales, et à la conception et la diffusion de la culture d’entreprise dans les organisations.

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Présentation détaillée du projet
Un pilier central de l’analyse économique est l’hypothèse de préférences individuelles exogènes. Une telle hypothèse est centrale pour obtenir des conclusions intéressantes et vérifiables sur les comportements individuels et le fonctionnement des marchés et des organisations. Cette perspective est cependant spécifique à la discipline économique. D’autres sciences sociales telles que sociologie, anthropologie et psychologie sociale mettent en effet plus en relief le caractère endogène et manipulable des valeurs et préférences des individus.

Récemment, les économistes ont commencé à réduire le fossé avec ces autres disciplines. En particulier, ils soulignent de plus en plus l’importance des dimensions culturelles et l’endogénéité des préférences pour expliquer divers phénomènes socio-économiques [Bowles (1998), Guiso, Sapienza et Zingales (2006), Tabellini (2008), Benhabib, Bisin et Jackson (2011)]. De plus, de nombreux débats politiques contemporains mélangent maintenant aspects économiques et dimensions “non économiques” associées aux changements des valeurs, des goûts ou des préférences. Citons par exemple les débats autour de l’intégration des immigrants, l’effet de la mondialisation sur la diversité culturelle, les préoccupations au sujet de la viabilité des institutions de l’Etat-providence multiculturel ou encore l’émergence de cultures socialement dysfonctionnelles dans les zones périphériques des grandes villes.

Ces questions ouvrent la voie à des problématiques fondamentales sur l’origine des traits et des valeurs culturels : Comment sont-ils formés et acquis ? Comment interagissent-ils avec les composantes socio-économiques, les politiques et les institutions ? Quelles sont leurs implications « testables » et les conséquences de la politique dans des contextes sociaux spécifiques ? Ce projet va aborder ces questions, en considérant l’idée que les préférences et les valeurs culturelles peuvent être transmises à travers des individus, des groupes ou des organisations. Plus précisément, l’objectif du projet est de construire une perspective évolutive sur la dynamique des préférences se fondant sur l’étude précise des processus de transmission culturelle et d’analyser théoriquement et empiriquement comment ces mécanismes de transmission interagissent avec l’environnement socio-économique (marchés, organisations et communautés) dans lequel évoluent les individus.

L’approche s’appuie sur un corpus théorique de sociobiologie et anthropologie évolutionniste (Cavalli-Sforza et Feldman, 1981 ; Boyd et Richerson, 1985) qui affirme que la culture humaine évolue selon trois principes évolutifs : variation, sélection différentielle et héritabilité. A ces trois dimensions, nous ajoutons une perspective économique explicite selon laquelle les taux de transmission culturelle proviennent d’efforts et d’actions de socialisation mis en œuvre par des agents ou organisations économiques ayant des motivations bien identifiées. Comme ces actions et efforts impliquent des choix et des coûts en termes de ressources, ils reflètent naturellement des compromis entre motivations, accès à l’information et coûts d’opportunité liés aux activités socio- économiques. Par l’intermédiaire de ce canal, des environnements économiques caractérisés par des structures différentes de motivations, d’information et de coûts affectent différemment le processus de transmission et d’héritage de traits culturels dans la population et, par conséquent, la dynamique de l’évolution culturelle. Cette approche fournit donc un cadre précis pour analyser le rôle des activités économiques et des institutions sociales sur la dynamique des préférences, des valeurs et des croyances.
Au cours de la dernière décennie, en collaboration avec Alberto Bisin, j’ai lancé cette approche, axée sur la transmission intergénérationnelle des traits culturels (Bisin et Verdier (2001)). Nous avons conceptualisé la transmission culturelle comme le résultat d’interactions entre décisions de socialisation au sein de la famille (socialisation verticale directe) et d’autres processus de socialisation comme l’imitation sociale et l’apprentissage (socialisation oblique et horizontale). Ce modèle économique de transmission culturelle génère des taux de transmission culturelle dépendant de la structure socio-économique de la société. Il produit un certain nombre d’implications sur les déterminants de la persistance des traits culturels dans une société et plus généralement.

Ce cadre a ouvert la voie à une littérature économique en pleine croissance sur la transmission culturelle (voir Bisin et Verdier (2011) pour un aperçu). Cette littérature manque toutefois d’éléments pertinents importants pour améliorer notre compréhension des processus de transmission culturelle et leurs interactions avec des environnements socio-économiques. Ces dimensions se rapportent :
i) à l’hétérogénéité des motivations pour la transmission culturelle et les divers niveaux de multiples interactions (agents de socialisation à plusieurs niveaux avec différents objectifs et incitations),
ii) au contenu de la transmission (transmission de croyances)
iii) au contexte de la transmission (spatiale et sociale).

La première partie du projet est d’étendre le cadre actuel des connaissances à de telles dimensions, construisant ainsi une boite d’outils élargie et systématique des modèles économiques de transmission culturelle pouvant être utile pour d’autres applications dans le domaine.
La deuxième partie du projet a l’intention d’offrir des applications à des perspectives économiques, des analyses empiriques et des implications de politique concernant deux contextes socio-économiques spécifiques :
a) l’émergence de cultures socialement “déviantes” dans les communautés et les réseaux sociaux dans un contexte d’économie spatiale
b) la création et la diffusion de culture d’entreprise dans les organisations, les entreprises et les marchés.

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Références :

  • Benhabib J., A. Bisin and M. Jackson (2011), Handbook of Social Economics, North Holland Elsevier.
  • Bisin, A and Verdier, T. (2001) “The Economics of Cultural Transmission and the Dynamics of Preferences”, Journal of Economic Theory, 97, 298-319.
  • Bisin, A. and T. Verdier (2011), “The Economics of Cultural Transmission and Socialization” in the Handbook of Social Economics”, J. Benhabib, A. Bisin and M. Jackson (eds), North Holland, 339-416.
  • Bowles, S. (1998), “Endogenous preferences: the cultural consequence of markets and other economic institutions” Journal of Economic Literature, 36, 75-111.
  • Boyd, R., and P. Richerson (1985), Culture and the Evolutionary Process, University of Chicago Press.
  • Cavalli Sforza L.L. and M. Feldman (1981), Cultural Transmission and Evolution: A Quantitative Approach, Princeton NJ. Princeton University Press.
  • Guiso, L. P. Sapienza, and L. Zingales (2008): "Social Capital and Good Culture”, Marshall Lecture, Journal of the European Economic Association, 6(2-3), 295-320.
  • Tabellini G., (2008) “Institutions and Culture,” Journal of the European Economic Association, MIT Press, vol. 6(2-3), pages 255-294, 04-05.