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(Étude) Inégalités et émissions de CO2 : comment financer l’adaptation de manière équitable ?

Communiqué de presse, 3 novembre 2015

Lucas Chancel (1) et Thomas Piketty (2) publient « Carbon and inequality : from Kyoto to Paris », étude présentée dans le cadre de la conférence Iddri-PSE qui se déroule Paris 7e, sur le thème des inégalités environnementales.

Auteurs : Lucas Chancel (lucas.chancel chez psemail.eu) et Thomas Piketty (thomas.piketty chez psemail.eu)

(1) Coordinateur du World Inequality Report à PSE et chercheur à l’Iddri
(2) Chaire associée à PSE et directeur d’études à l’EHESS


Comparaison des émissions de CO2 entre individus : un nouveau regard sur le défi climatique

Alors que les négociations climatiques s’intéressent essentiellement aux écarts d’émissions entre pays, L. Chancel et T. Piketty proposent de considérer les niveaux et différentiels de contribution des individus et des groupes de revenu à la pollution globale, qu’ils nomment inégalités d’émission carbone. Afin de construire une nouvelle carte de la distribution mondiale des émissions de CO2 individuelles, les auteurs croisent des données originales sur les émissions carbone liées à la consommation (3) et le niveau des inégalités de revenu à l’intérieur des pays. Les émissions sont attribuées aux individus selon un modèle d’élasticité reliant revenu individuel et niveau d’émissions nationales : ils calculent ainsi l’effet d’une variation du revenu individuel sur le niveau d’émissions de CO2. Au final, les auteurs développent une approche transversale où les individus sont classés selon leur émission propre de CO2, sans considération de leur pays d’appartenance. Ils se proposent d’appliquer cette nouvelle approche au financement de l’adaptation au changement climatique, dont les niveaux devraient être largement augmentés dans les années à venir pour atteindre les besoins estimés par l’ONU (soit 150 milliards d’euros annuels).

Quel constat sur l’évolution des émissions de CO2 ?

Dans un contexte de forte hausse des émissions globales depuis 1998, l’étude montre que, pour autant, le niveau d’inégalité mondiale d’émissions a diminué. Cette diminution est le fait de deux mouvements simultanés. D’un coté, dans les pays émergents, les classes moyennes et aisées ont vu leurs revenus et leurs émissions s’accroître considérablement au cours de la période. De l’autre côté, au sein des pays développés, la plus grande partie de la population a vu ses revenus et ses émissions croître relativement lentement. Ainsi, les inégalités d’émission carbone sont progressivement plus déterminées par les inégalités au sein des pays, qu’entre les pays. Aujourd’hui, les émissions demeurent fortement concentrées au niveau mondial, avec 10% des émetteurs responsables de près de la moitié des émissions totales. Mais ces grands émetteurs se trouvent sur tous les continents. Si cette évolution au sein des pays émergents est positive du point de vue des revenus, elle s’avère très préoccupante en matière de réchauffement climatique. Elle témoigne aussi d’une nouvelle donne en matière de responsabilités environnementales et de capacité à contribuer aux efforts liés au climat.

De nouvelles clefs de répartition des efforts climatiques

Avec pour objectif d’accroître de manière équitable le volume du financement alloué à l’adaptation au changement climatique, les auteurs proposent différentes clefs de répartition, fondées sur un partage des efforts de financement entre individus et non entre pays. Ils étudient par exemple un scénario portant sur les 10% des individus les plus émetteurs (émettant 2.3 fois plus que la moyenne mondiale), via une taxe carbone mondiale progressive sur le CO2. Cela aboutirait à une participation nord-américaine à hauteur de 46.2% des fonds, à une participation européenne de l’ordre de 16% et à une contribution chinoise de 12%. Une autre possibilité repose sur un financement assuré par les 1% des plus gros émetteurs (soit les individus émettant 9.1 fois plus que la moyenne mondiale). L’Amérique du Nord contribuerait alors à hauteur de 57.3% des efforts, contre 15% pour l’Europe et 6% pour la Chine. A défaut d’une taxe carbone progressive, une taxe progressive généralisée sur les billets d’avion est envisagée. Elle serait plus simple à mettre en œuvre et ciblerait mieux les grands émetteurs individuels qu’une taxe carbone sur l’ensemble des émissions mondiales, mais moins bien que les scénarios évoqués ci-dessus. Dans toutes les clefs de répartition envisagées, même avec une hausse des financements venant des classes aisées des pays émergents, le financement de l’adaptation provenant de l’Europe ou des Etats-Unis devrait s’accroître considérablement afin d’atteindre les besoins requis.

(3) Incluant les émissions produites à l’étranger mais requises pour produire les biens et services utilisés par les individus


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