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Interview de Li Yang, invité PSE

Li Yang : « Le manque de données détaillées empêche de répondre à de nombreuses questions primordiales sur la croissance économique chinoise »

Quelle est la raison de votre séjour à Paris ?
Il y a quelques mois, j’ai contacté Thomas Piketty en vue d’une potentielle collaboration, étant familier avec les données sur le revenu et la richesse en Chine. J’étais ravi de recevoir une réponse positive : il m’a invité à passer 6 mois à Paris pour travailler sur un projet de recherche commun. L’objectif est d’analyser l’accumulation du capital, les avoirs et capitaux détenus par des étrangers et les inégalités de revenus dans la chine contemporaine (1987-2013). Donc me voilà, travaillant à PSE sur ce sujet très intéressant.

Pouvez-vous nous détailler un peu plus ce projet ?
En raison de sa croissance économique rapide, la Chine attire de plus en plus l’attention des autres pays ; cependant, le manque de données détaillées empêche de répondre à de nombreuses questions primordiales sur la croissance chinoise. Notre travail est de documenter l’évolution des inégalités de revenus et l’accumulation de la richesse privée en Chine, à partir de la fin des années 1980 jusqu’à aujourd’hui.

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Pour les inégalités de revenus, notre étude repose principalement sur des enquêtes et sur les données fiscales. L’idée est d’estimer, en premier lieu, les inégalités de revenu pour certaines années et ensuite de vérifier comment les différentes composantes de ces inégalités contribuent à leurs évolutions. Nous ambitionnons également de savoir dans quelle mesure, au cours des 20 dernières années, les plus aisés ont accumulé plus ou moins de capital et de patrimoine. Nos recherches s’appuient ici sur les Comptes du Bilan National (CBN) chinois. Dans leur article de 2013, T. Piketty et G. Zucman ont fait un travail considérable sur de nombreux pays développés comme le Royaume-Uni, les États-Unis, la France et le Japon. Je suis actuellement leur méthodologie afin de produire ces mêmes données pour la Chine, en vue d’une comparaison internationale.
Plusieurs questions spécifiques se présentent : pourquoi les chinois épargnent-ils autant ? Est-ce qu’une épargne élevée est consubstantielle à une forte croissance ? Est-ce que la Chine sur-accumule ou sous-accumule du capital ? Comment peut-on comparer la trajectoire de la formation du capital au cours de l’histoire de la Chine à celles d’autres pays au même niveau de développement ? Est-ce que les actifs sont surévalués… ? Je suis impatient de publier les résultats !

Comment qualifieriez-vous l’environnement de recherche à PSE ?
PSE est une institution cosmopolite qui regroupe des chercheurs et étudiants de diverses nationalités. C’est aussi un « petit » campus, ce qui vous donne l’opportunité de connaître rapidement du monde, et la communauté scientifique vous encourage à partager votre travail et vos connaissances. Pour moi, PSE est un environnement de recherche optimal : j’y trouve une terre de très bonne qualité, et la quantité d’eau nécessaire ; il me suffit juste de planter des graines, de travailler avec soin et patience et vraisemblablement la récolte sera bonne…

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Li Yang a obtenu son doctorat en 2013 de l’Université de Xiamen (Chine). Sa thèse, intitulée « Recherches sur l’histoire des investissements directs à l’étranger en Chine » s’intéresse aux relations internationales et aux IDE dans la Chine moderne (1840-1949) et analyse leurs impacts persistants sur le développement économique. Après son doctorat, il a obtenu une bourse de recherche à la Banque Mondiale où il travaille sur le développement économique et l’histoire économique.