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Lancement de WID.world, la source sur les inégalités mondiales

Communiqué de presse - 9 janvier 2017

WID.world : la source sur les inégalités mondiales

La World Wealth and Income Database (WID.world) lance aujourd’hui un nouveau site internet et une nouvelle base de données destinés à rendre compte de l’évolution des inégalités au niveau mondial. WID.world permet au grand public, aux médias, aux chercheurs et aux acteurs sociaux, économiques et politiques, de suivre l’évolution des inégalités en matière de richesses et de revenus dans leur propre pays et à travers le monde, à l’aide d’outils interactifs disponibles en ligne. WID.world est actuellement disponible en anglais et sera prochainement disponible en chinois, espagnol, arabe et français.

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Ce lancement se déroule à l’occasion de la conférence annuelle de l’American Economic Association, qui s’est tenue à Chicago (6-8 janvier) (voir slides et article présentés à cette conférence). Cet évènement se produit hélas quelques jours après le décès, survenu le 1er janvier, de l’économiste britannique Anthony Atkinson. Il était l’un des co-fondateurs du projet et l’un des économistes les plus reconnus sur la question des inégalités.

Le projet WID.world rassemble plus d’une centaine de chercheurs et couvre soixante-dix pays des cinq continents. Ces chercheurs combinent les meilleures sources de données disponibles de façon transparente afin d’aboutir à des concepts cohérents et ainsi permettre un suivi de l’évolution des inégalités mondiales : en ce sens, ils remplissent la place en partie laissée vacante par les instituts statistiques officiels.

Méthode : combiner les meilleures sources disponibles en matière d’inégalités

WID.world s’inscrit dans la continuité de la World Top Incomes Database. Cette base de données historiques avait notamment été popularisée à la suite de la publication en 2013 du Capital au XXIe siècle (Editions du Seuil) de Thomas Piketty, co-directeur de WID.world.

Comme l’explique Facundo Alvaredo, co-directeur de WID.world : « Outre les nouveaux outils de visualisation des données, WID.world connait des améliorations dans trois différentes directions. Tout d’abord, WID.world intègre de nouvelles estimations relatives non plus aux seuls pays riches, mais également aux pays émergents ou en développement tels que la Chine, l’Afrique du Sud, et très prochainement l’Inde et le Brésil ou le Mexique. Ensuite, nous rendons désormais compte de l’évolution des revenus à tous les échelons de la répartition, de bas en haut, et plus seulement pour les échelons les plus élevés. Enfin, nous nous concentrons également sur les inégalités de richesses et sur l’évolution du patrimoine public comparé au patrimoine privé, pas uniquement sur les revenus ».

Les données présentées sur WID.world sont plus détaillées que celles contenues dans les autres bases de données disponibles sur les inégalités. Celles-ci reposaient essentiellement sur des enquêtes auprès des ménages, lesquelles souffrent de carences bien connues, notamment la sous-représentation des haut revenus et le fait qu’elles ne sont pas disponibles sur longue période. En revanche, WID.world essaie de combiner de façon systématique les comptes nationaux et les données issues des enquêtes, d’une part, avec, de l’autre, les données fiscales – dont le degré de précision est bien plus élevé et qui sont donc plus efficaces pour observer la dynamique que suivent les revenus et les patrimoines les plus élevés. Ces sources permettent en outre une approche historique et un suivi systématique des inégalités sur le long terme.

Lucas Chancel, coordinateur de WID.world, explique ainsi : « Au vu des données disponibles auparavant pour la Chine – données qui se basaient uniquement sur des enquêtes – on pensait que les 1 % des revenus les plus élevés représentaient 6,5 % du total des revenus. La Chine était ainsi perçue comme l’un des pays les plus égalitaires du monde. Les estimations disponibles sur WID.world s’appuient notamment sur de nouvelles données fiscales et montrent que la part des 1% dans la répartition s’élève en fait à 13 % – et ce chiffre doit être considérée comme une borne inférieure ».

Résultats : WID.world indique que les inégalités ont augmenté dans presque tous les pays

Thomas Piketty co-directeur de WID.world, déclare ainsi : « Les nouvelles données de WID.world sur les inégalités indiquent que la part qui revient aux revenus les plus élevés est en hausse dans la quasi-totalité des pays sur les dernières décennies, que ce soit dans les pays développés ou les pays en développement. Aux États-Unis ou en Afrique du Sud, la part des 1 % les plus riches a doublé depuis la fin des années soixante-dix, passant d’environ 10 % à 20 % actuellement. Elle a également doublé en Chine, où elle était initialement très basse. Cette augmentation a été moins marquée en Europe continentale, mais la tendance est la même ».

WID.world permet également d’analyser l’évolution de la structure du patrimoine privé et du patrimoine public. Ces tendances viennent mettre en lumière le déclin global de la propriété publique depuis le début des années quatre-vingt. Le patrimoine public a fortement diminué en Chine, passant de 70 % à 35 % du patrimoine national à présent. Dans les pays riches, le patrimoine public net est devenu négatif aux Etats-Unis, au Japon et au Royaume-Uni (c’est-à-dire que la dette publique dépasse les actifs publics), et il est à peine positif en Allemagne et en France.

Thomas Piketty ajoute : « Le déclin de la propriété publique est allé de pair avec une augmentation de la propriété privée, ce qui a eu des conséquences considérables sur les niveaux d’inégalité de revenus et de richesses, ainsi que sur la dynamique de cette inégalité. Un patrimoine public négatif limite la capacité du gouvernement à mener des politiques adéquates. Par ailleurs la concentration de la propriété privée s’est accrue. En France et au Royaume-Uni, la part détenue par les 1% les plus riches est passée de 15 % au milieu des années quatre-vingt à environ 20 % de nos jours. Aux États-Unis, elle a augmenté de 25 % à 42 %. La part des richesses détenue en Chine par les 1 % les plus riches a doublé depuis 1995, passant de 16 % à 30 % ».

« L’ampleur de l’augmentation des inégalités peut varier considérablement d’un pays à l’autre, ce qui montre que la mise en place de politiques et d’institutions différentes joue un role essentiel. Aux Etats-Unis, la part des 50% les plus pauvres dans le revenu total est maintenant deux fois plus faibles que celle des 1% les plus riches. D’autres politiques éducatives, fiscales et salariales pourraient permettre de changer cet état de fait », précise Lucas Chancel.

Emmanuel Saez, co-directeur de WID.world, explique : « Aux États-Unis, d’importantes inégalités en matière de revenus, accompagnés d’une stagnation continue des revenus les plus faibles, conduisent de façon mécanique à des inégalités plus grandes en matière de richesses. En Chine, c’est le processus inégalitaire de privatisation et l’accès à des fonds propres qui peut expliquer cette augmentation. En France et au Royaume-Uni, l’impact atténuant des prix élevés de l’immobilier, qui a accru le patrimoine de la classe moyenne, explique en partie l’augmentation relativement modérée qu’ont connu ces pays – tout du moins jusqu’à présent ».

Les inégalités et le manque de transparence menacent la soutenabilité sociale de la mondialisation

« Les taux de croissance élevés des pays émergents permettent de réduire les inégalités entre les pays, mais, en soi, ils ne garantissent ni des niveaux d’inégalités acceptables au sein de ces pays, ni la soutenabilité sociale de la mondialisation  » souligne Emmanuel Saez.

Ces dernières années, les chercheurs de WID.world ont pu bénéficier d’un meilleur accès aux données fiscales relatives aux revenus et aux richesses dans un certain nombre de pays d’Asie, d’Amérique Latine, d’Afrique, d’Europe et d’Amérique du Nord. Mais cela s’avère encore insuffisant, et des données de meilleure qualité seront continuellement ajoutées sur le site WID.world.

« A l’avenir, nous allons également ajouter de nouvelles estimations portant sur le patrimoine offshore et sur le manque de transparence financière, qui contribuent à faire augmenter les inégalités au niveau mondial  » ajoute Gabriel Zucman, co-directeur de WID.world. « Il est crucial d’avoir accès à davantage de données qui soient de meilleure qualité afin de pouvoir observer les dynamiques inégalitaires au niveau mondial : ceci est fondamental si l’on veut bien comprendre le présent, mais également les forces qui domineront à l’avenir, pour ainsi être en mesure d’élaborer des réponses politiques appropriées  », déclare Gabriel Zucman.


Contacts : facundo.alvaredo chez wid.world , lucas.chancel chez wid.world , gabriel.zucman chez wid.world
+33 1 43 13 62 52

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WID.world est un projet de recherche global entièrement financé par des institutions publiques et des organisations à but non-lucratif. Les membres de WID.world (WID.world fellows) sont basés sur les 5 continents et l’équipe de coordination est basée au Laboratoire des Inégalités Mondiales à PSE-Ecole d’économie de Paris.
http://wid.world/