La science économique au service de la société

Lettre PSE n°40 - octobre 2020

Sommaire

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Des groupes de pression, de leur formation, de leur concurrence

David Martimort - Professeur titulaire d’une chaire à PSE, Directeur d’études à l’EHESS. Accéder à son site personnel ou à son profil LinkedIn

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La formation des groupes d’intérêt, leur influence sur les choix politiques, et la manière dont s’exprime leur concurrence dans l’arène politique, sont autant de thèmes de recherche particulièrement attractifs pour tous ceux que la chose publique fascine.

LA SPHÈRE POLITIQUE SOUS INFLUENCE : LE POIDS DES LOBBYS DANS LE MONDE
La complexification croissante du monde et la difficulté concomitante qu’éprouve le décideur à appréhender toutes les conséquences de ses choix sur les acteurs concernés apparaissent comme de possibles justifications à l’implication des groupes d’intérêt dans la décision publique. Mieux informés que le décideur ou du moins plus aisément incités à le devenir, ces derniers joueraient ainsi un rôle informationnel prépondérant dans la mise en regard des politiques réglementaires avec les conditions du marché (structure des coûts, demandes, nature des externalités possibles, etc.) En écho à la complexification des problèmes réglementaires, le poids des lobbys n’a cessé de croître : aux États-Unis, le nombre de groupes d’intérêt répertoriés comme tels est ainsi passé au cours des cinquante dernières années de seulement 5 000 à plus de 33 000 aujourd’hui.

Une perspective plus réaliste - ou moins naïve - consisterait donc à considérer que les groupes d’intérêts privés cherchent à influencer la décision publique pour promouvoir leurs propres intérêts. La tradition démocratique américaine reconnaît cette possibilité, l’encadre par la loi et l’intègre dans ses choix institutionnels de manière transparente. Les lobbyistes de Washington sont ainsi répertoriés et les financements éventuels des partis politiques pour leurs campagnes sont déclarés. Le Canada ou les démocraties Nordiques ont aussi emprunté cette même voie. La France, toute à sa croyance en l’existence d’un « intérêt général » dénué de toute ambiguïté, a quant à elle choisi de se voiler la face, ignorant le concept de lobby jusque dans la loi.

LA THÉORIE DU PLURALISME DÉMOCRATIQUE…
Les différences fondamentales de perception sur ce qu’est réellement le lobbying qui sévit des deux côtés de l’Atlantique trouvent bien entendu un écho dans la recherche en économie comme en science politique. La théorie du pluralisme démocratique, développée par le politiste Robert Dahl (1), est résolument optimiste. Celle-ci reconnait l’existence des pressions que les groupes d’intérêt, organisés à cette fin, exercent sur la décision publique. Un processus transparent, ouvert, permettrait alors aux différents intérêts en jeu de faire valoir leurs préférences ; au décideur d’en faire alors l’agrégation et de choisir in fine une décision équilibrée. C’est donc la libre concurrence entre groupes formés ex ante qui permettrait la prise de décisions efficaces et pondérées. Nul ne peut capturer le processus décisionnel si tout un chacun y a une influence. Ce principe a été repris avec succès dans la recherche en économie politique.

À la suite des travaux de Bernheim et Whinston (2), et de Grossman et Helpman (3), une abondante littérature a ainsi montré comment la décision publique pondérait in fine les différents intérêts en jeu : c’est le triomphe du modèle dit de « l’agence commune. » (4) La concurrence entre groupes d’intérêt libres d’influencer comme bon leur semble le décideur induirait des politiques efficaces ; une version Coasienne de la politique.

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… ET LA THÉORIE DU MECHANISM DESIGN
Le scepticisme très français quant à la pertinence qu’il y aurait à laisser libre cours à l’influence des lobbys trouve pourtant, lui aussi, un écho dans la littérature économique. Le politiste Mancur Olson (5) n’a-t-il pas exprimé de sérieux doutes quant à la capacité de certains intérêts à être représentés ? Le problème fondamental de l’action collective consiste en effet à aligner les préférences de chacun avec celles du groupe auquel il appartient. Autant alors laisser à d’autres les coûts d’organisation, les investissements nécessaires à l’exercice de l’influence collective, et bénéficier tout autant du fruit de leurs efforts. Ce problème, dit du « passager clandestin » (6), est un obstacle fondamental à la représentation d’un groupe. La théorie du mechanism design, initiée dans les années 70 (7), a su développer l’arsenal méthodologique pour traiter de ces questions. Elle s’est notamment évertuée à donner des fondations informationnelles aux coûts de transaction qui empêchent une représentation efficace intra-groupe.

DEUX APPROCHES DISTINCTES… IRRÉCONCILIABLES ?
De manière assez surprenante, la science politique comme l’économie politique ont échoué à réconcilier ces deux visions partielles du rôle des groupes de pression. Si la théorie pluraliste est une macro-théorie des groupes étudiant leurs interactions, la théorie d’Olson est une micro-théorie, réduisant leur étude à celle des frictions informationnelles limitant leur formation. Bien entendu, les coûts et bénéfices de la formation d’un groupe dépendent de l’existence de groupes concurrents et de leur concurrence. A contrario, et même si le décideur sait agréger au mieux les préférences, il ne pourra le faire que pour les groupes formés.

Dans un article, co-écrit avec mon ancien étudiant Perrin Lefèvre (8), nous réconcilions donc ces deux approches et ceci pour la première fois dans la littérature. La difficulté qu’a un groupe à se former et à résoudre son propre problème de passager clandestin dépend de l’influence exercée par ses concurrents sur le décideur. Les politiques qui émergent reflètent donc les équilibres internes aux groupes comme leurs poids relatifs. La vision, ainsi corrigée, que l’on peut avoir du pluralisme démocratique, s’en voit obscurcie. Non, la transparence ne suffit pas à assainir la démocratie. Le problème du passager clandestin est un obstacle beaucoup plus fondamental.

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Références :
(1) Dahl, R. (1961), Who Governs ? : Democracy and Power in an American City, Yale University Press.
(2) Bernheim, B. et M. Whinston (1986), “Menu Auctions, Resource Allocation, and Economic Influence,” The Quarterly Journal of Economics, 101 : 1-31.
(3) Grossman, G. et E. Helpman (1994), “Protection for Sale,” The American Economic Review, 84 : 833-850.
(4) Pour une critique de ce modèle, voir Martimort, D. (2018), “A Critical Review of Common Agency Theory When Applied to Lobbying Games,” Revue Economique, 69 : 1025-1053.
(5) Olson, M. (1965), The Logic of Collective Action : Public Goods and the Theory of Groups, Harvard University Press.
(6) Free-rider problem dans la littérature anglo-saxonne, parfois traduit maladroitement mais non sans humour par cavalier libre dans les mauvais manuels des années 70.
(7) Green et Laffont (1977). Green, J. et J.J. Laffont (1977), “Characterization of Satisfactory Mechanisms for the Revelation of Preferences for Public Goods,” Econometrica, 45 : 427-438.
(8) Lefevre, P. et D. Martimort (2020), ““When Olson Meets Dahl...” From Inefficient Group Formation to Inefficient Political Process,” The Journal of Politics, 82.


« Les mathématiques, la finance et l’économie : j’ai toujours été à l’interface de ces trois disciplines »

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Elyès Jouini est diplômé de l’École Normale Supérieure (ENS) et a été classé major à l’agrégation de mathématiques. Il est professeur d’économie et a été, pendant 15 ans, vice-président de l’Université Paris Dauphine - PSL. Il est également titulaire de la Chaire Femmes et Science et directeur de la House of Finance de cette même université. Il a été auparavant professeur de mathématiques à l’Université Paris 1 Panthéon - Sorbonne et à l’ENSAE, et professeur associé de finance à la Stern School of Business de la New York University (NYU). Ses recherches portent essentiellement sur l’économie financière, et en particulier sur les coûts de transaction, les imperfections de marché, l’hétérogénéité et l’agrégation des croyances et le risque de long terme. Il est chercheur invité à PSE - École d’économie de Paris de septembre 2020 à août 2021. Accéder à son site personnel, à son profil Linkedin ou à son compte Twitter.

VOUS AVEZ COMMENCÉ PAR ÉTUDIER LES MATHÉMATIQUES PURES POUR FINALEMENT VOUS ORIENTER VERS LES MATHÉMATIQUES APPLIQUÉES AUX SCIENCES ÉCONOMIQUES. POURQUOI AVOIR CHOISI L’ÉCONOMIE ?
J’ai toujours été passionné par les mathématiques - je suis rentré par la section mathématiques à l’ENS - mais je souhaitais aussi, par ailleurs, travailler sur des sujets dont on puisse comprendre l’intérêt pour la société. C’est cette dimension-là qui m’a tout de suite enthousiasmé lorsque j’ai découvert les mathématiques appliquées à l’économie. Après de premiers travaux sur la théorie de l’équilibre général, je me suis diversifié dans mes centres d’intérêt : j’ai très longtemps travaillé sur des modèles mathématiques en finance pour mieux comprendre le fonctionnement des marchés financiers. Depuis quelques années, je m’intéresse également à tout ce qui entoure les décisions individuelles et collectives.

POURRIEZ-VOUS NOUS PARLER DE VOS TRAVAUX RÉCENTS ET EN COURS ?
Je travaille en ce moment-même sur deux grands domaines très différents l’un de l’autre mais qui se rejoignent par cette approche commune qui est celle de la décision. D’une part, je travaille sur des modèles pour essayer de comprendre la déconnexion que l’on observe entre la sphère réelle et la sphère financière : il s’agit d’analyser comment les comportements individuels et une certaine forme d’irrationnalité peuvent s’entretenir, constituer des bulles et conduire à des crises financières. J’observe ainsi les éléments qui vont conditionner les décisions et les interactions des individus entre eux, tout en questionnant les hypothèses traditionnelles de rationalité. Par exemple, l’un de mes travaux s’intéresse à ce qu’il se passe dans un environnement où il y a des individus rationnels et irrationnels (1, 2) : les résultats montrent que, dans certaines situations, il peut être rationnel d’être irrationnel ; les individus irrationnels pouvant in fine obtenir de meilleurs résultats que les individus rationnels.

L’autre domaine est complètement différent puisque nous travaillons, Thomas Breda, Clotilde Napp et moi, sur les questions liées à la place des femmes dans le champ scientifique (3). Nous essayons notamment de comprendre quels sont les déterminants qui permettent d’expliquer leur faible présence dans ce domaine et nous montrons comment l’existence de stéréotypes portés collectivement par la société a un impact sur la manière de prendre la décision au niveau individuel. Par exemple, au moment de décider vers quel type de filière s’orienter, la présence de stéréotypes fait que les filles se sentiront exposées à un risque plus élevé que les garçons en choisissant une filière scientifique et qu’elles auront ainsi tendance à vouloir davantage s’orienter vers d’autres filières. De la même façon, il apparaît, dans de nombreux travaux de la littérature expérimentale, que les femmes ont tendance à moins choisir le format compétitif que les hommes. À nouveau, cela peut être expliqué par le fait qu’elles sont soumises à un risque de nature différente, notamment en raison des stéréotypes entretenus (4). Nous travaillons activement sur ce sujet…

VOUS ÊTES À PSE POUR UNE ANNÉE ENTIÈRE, JUSQU’AU 31 AOÛT 2021. POURQUOI AVOIR CHOISI PSE ET COMMENT SE PASSE VOTRE SÉJOUR ?
Sur le plan académique, jusqu’à il y a quelques années, j’étais professeur de mathématiques. De la même manière, j’ai été professeur associé de finance pendant deux ans et je suis désormais professeur d’économie : j’ai toujours été à l’interface de ces trois disciplines. Prenant acte de l’évolution naturelle de mes centres d’intérêts, j’ai souhaité passer une année pleine dans un environnement dédié à 100% à l’économie et PSE est l’un des meilleurs endroits pour cela. Que ce soit pour les rencontres impromptues dans les couloirs, les séminaires et les conférences, PSE offre un environnement de sociabilisation et d’échanges intellectuellement intéressants et personnellement enrichissants. J’ai déjà eu l’occasion d’échanger avec plusieurs collègues, certains que je connais de longue date, d’autres dont j’ai fait la connaissance ici-même, et qui travaillent sur des sujets proches des miens ; c’est donc une très belle opportunité ! Malgré les contraintes liées à la situation sanitaire, je pense qu’à l’image de la réflexion et des travaux menés à PSE, la qualité des rencontres et des échanges continuera à être au plus haut niveau.

UN MESSAGE AUX CHERCHEURS QUI SERONT AMENÉS À VOUS LIRE ?
Le monde académique est un monde qui fonctionne essentiellement en réseaux et s’enrichit des interactions individuelles contrairement à des structures plus hiérarchiques. J’adresse donc un message à la communauté académique tout entière : la situation sanitaire nous met plus que jamais au défi et nous pousse à réfléchir à de nouvelles formes d’interactions et de sociabilisation. Il en va de la qualité, de la richesse et de la profondeur de notre réflexion !

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Références :
(1) Jouini, E. et C. Napp (2016), « Live fast, die young ». Economic Theory, 62, 265–278.
(2) Beddock, A. et E. Jouini (2020), « Live Fast, Die Young : Equilibrium and Survival in Large Economies », Economic Theory, à paraître, https://doi.org/10.1007/s00199-020-01268-y.
(3) Breda, T., E. Jouini et C. Napp (2018), « Societal inequalities amplify gender gaps in math », Science, vol. 359/6381, pp. 1219-1220.
(4) Jouini, E., P. Karehnke et C. Napp (2018), « Stereotypes, Underconfidence and Decision-Making with an Application to Gender and Math », Journal of Economic Behavior & Organization, 148.


Accord UE-Mercosur : une occasion manquée

Hélène Ollivier - Professeure à PSE, Chargée de Recherche au CNRS. Accéder à son site personnel ou à son profil LinkedIn

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La commission Ambec, composée de dix spécialistes scientifiques et chargée d’éclairer le débat public sur les impacts en termes de développement durable de l’accord commercial entre l’Union Européenne (UE) et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), a remis son rapport au Premier ministre le 18 septembre dernier (1). Hélène Ollivier, membre de cette commission, revient sur leurs principales recommandations.

UN ACCORD « À L’ANCIENNE »
La Commission Ambec n’a pas formulé d’avis sur le fait de ratifier ou non cet accord commercial ; là n’était pas son rôle. Il nous a été demandé de mettre en lumière les principaux impacts en termes de développement durable de cet accord et de donner des orientations pour les prochains accords commerciaux que l’UE négociera. L’accord UE-Mercosur est le résultat de vingt années de négociations, et même s’il fait partie des accords commerciaux dits de « nouvelle génération », - à titre d’exemple, il fait référence à l’Accord de Paris sur le changement climatique - nous concluons qu’il représente globalement une occasion manquée à bien des niveaux. En effet, cet accord aurait pu marquer la transition entre des accords strictement commerciaux - où barrières tarifaires et non tarifaires sont négociées ligne par ligne entre les parties - à des accords nouveaux faisant un lien entre la politique commerciale et la politique environnementale de chacune des parties. Or ce n’est pas le cas : cet accord fait irrémédiablement partie des accords « à l’ancienne ».

Les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ont jusqu’ici été interprétées de telle sorte qu’un tel lien entre politique commerciale et politique environnementale semblait impossible. Pourtant, deux arguments portés notamment par les économistes de l’environnement montrent que ce lien est nécessaire, et qu’il pourrait être rendu possible en faisant évoluer nos institutions.

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LE PENDANT COMMERCIAL DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES UNILATÉRALES
Le premier argument se concentre sur la politique environnementale et montre que celle-ci ne peut être pensée sans un pendant commercial. Au sein de l’UE, nous avons adopté une politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui prend la forme d’un marché de permis pour le carbone émis pendant la production : il s’agit du système d’échange de quotas d’émissions. Cette politique est unilatérale puisqu’elle a été décidée par l’UE seule, alors que les autres pays signataires ou non du protocole de Kyoto n’ont pas pris de mesures politiques équivalentes. Or les gaz à effet de serre émis en Asie ou en Amérique ont le même impact sur le changement climatique que ceux émis en Europe. Limiter les émissions dans l’UE ne peut alors s’avérer utile que dans la mesure où les autres pays se joindront à cet effort dans un futur proche. De plus, il peut y avoir des effets rebonds : si la baisse de demande européenne en énergie fossile provoque une chute des prix, le reste du monde pourrait se mettre à en consommer plus et donc à polluer plus qu’en l’absence de politique de permis d’émissions. Enfin, la compétitivité des entreprises européennes pourrait pâtir des contraintes environnementales imposées par le marché de quotas d’émissions, et les consommateurs européens pourraient se mettre à importer plus de produits étrangers responsables de plus fortes émissions de carbone. Pour que cette politique environnementale européenne permette réellement de réduire les émissions de carbone à l’échelle globale, il est nécessaire de s’interroger sur nos échanges commerciaux.

De nombreuses discussions au sein de la Commission portent sur l’adoption d’ajustement aux frontières, c’est-à-dire sur la possibilité de taxer les biens importés en fonction des émissions qui ont été émises pendant leur production afin de rétablir un traitement identique entre les biens produits en Europe et ceux venus de l’extérieur. Il est cependant extrêmement difficile de connaitre les émissions qui sont liées à la production d’un bien, surtout si l’on ne connait pas la manière dont il a été produit. Les accords commerciaux peuvent éventuellement apporter une solution dans ce contexte car ils permettent de mettre des conditions sur les modes de production des produits importés - par exemple, bœuf élevé sans hormone ou bœuf ayant reçu une finition à l’herbe - et forcer les exportateurs à créer des filières spécialisées dédiées aux marchés d’exportation qui les imposent. Dans le cas des pays du Mercosur où les émissions de gaz à effet de serre sont essentiellement générées par la déforestation, il serait alors possible de conditionner nos importations à l’existence de filières de production de viande de bœuf et de soja qui, par exemple, seraient certifiées comme n’ayant eu aucun impact sur la forêt amazonienne et le Cerrado.

L’ENGAGEMENT ENVIRONNEMENTAL COMME CONDITION DANS LES ACCORDS COMMERCIAUX

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Le second argument pour lier politique environnementale et politique commerciale provient du constat que les négociations internationales sur le changement climatique n’aboutissent pas à des actions ou engagements réels de réduction des émissions de gaz à effet de serre car il n’existe ni moyen de pression ni sanction pour les encourager. En effet, si les pays refusant de faire le moindre effort pour réduire leurs émissions peuvent continuer à échanger librement, alors aucun argument logique ne pourra les convaincre de participer à cet effort. De nombreux économistes de l’environnement plaident ainsi pour une utilisation des accords commerciaux comme potentiel moyen de pression.

Si nous décidons de n’octroyer des avantages commerciaux qu’aux pays qui respectent des engagements forts en termes de réductions des émissions de carbone, nous pouvons espérer être rejoints par d’autres pays pour qui l’intérêt à échanger de manière préférentielle justifie la participation active à la réduction des émissions. De plus, si un pays ayant pris des engagements climatiques ne les respecte pas, il est possible de le sanctionner en augmentant les droits de douane - temporairement ou définitivement - sur les importations en provenance de ce pays. Puisque le changement climatique est un problème global nécessitant la coordination des politiques environnementales de tous les pays, il est urgent de pallier le manque de juridiction internationale en utilisant la politique commerciale à cette fin. Le fait que le Président Macron ait conditionné la signature de la France de cet accord au respect des engagements pris au sein l’Accord de Paris, notamment par le Brésil, peut être mis en lien avec ce second argument.

Au vu des ambitions affichées par la nouvelle Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, notamment autour du pacte vert pour l’Europe et de l’importance des enjeux climatiques, il est envisageable que les prochains accords commerciaux établissent un lien étroit avec la politique environnementale de l’UE.

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Références :
(1) Rapport de la commission d’évaluation du projet d’accord UE Mercosur


Clément Dherbécourt : éclairer sur les grands sujets de société

Clément Dherbécourt (APE 2008, PhD 2013) - Chef de projets à France Stratégie. Accéder à son site personnel ou à son profil LinkedIn

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Dès le début de ses études, Clément s’intéresse aux questions d’inégalités, de mobilité sociale, et de transmissions intergénérationnelles. Il rejoint le département de sciences sociales de l’ENS - École Normale Supérieure mais il met un certain temps à se décider entre la sociologie et l’économie. Indéniablement influencé par un grand nombre de travaux quantitatifs en économie, il se prend d’intérêt pour ces problématiques et intègre ainsi le Master APE - Analyse et Politique Économiques à PSE qu’il obtient en 2008. Un an plus tard, de retour d’un séjour aux États-Unis à l’Université de Chicago, il poursuit ses études en doctorat à PSE. Très inspiré par le travail considérable mené par Thomas Piketty, Gilles Postel-Vinay et Jean Laurent Rosenthal sur le dépouillement d’archives successorales (1), il démarre sa thèse sur la mobilité du patrimoine chez les très grandes fortunes en France du Second Empire à la Seconde Guerre mondiale sous la direction de Gilles Postel-Vinay.

Une fois sa thèse obtenue en 2013, il enseigne à l’Université de Lille et l’Université de Nanterre, puis sort rapidement du milieu académique avec en tête l’idée de valoriser au mieux ses compétences et mettre à profit des méthodes quantitatives - manipulation de bases de données, simulation, microsimulation... L’ensemble de ses acquis se révéleront en effet précieux pour la suite de sa carrière ! Un ancien élève du Master APE qui avait travaillé au Centre d’analyse stratégique (CAS) (2) le recommande auprès de Jean Pisani-Ferry, alors commissaire général de France Stratégie (2013-2017) : ce dernier lui propose de travailler sur la base d’un article qu’il connaît bien, portant sur l’étude de la mobilité intergénérationnelle des revenus aux États-Unis (3), en lui demandant d’adapter les méthodes utilisées au cas de la France. Cette rencontre et cette proposition ne manquent pas de le convaincre et c’est ainsi qu’il rejoint l’institution en 2014.

Il continue de travailler sur la mobilité intergénérationnelle avec une approche territoriale, comme en témoignent ses plus récents travaux : il cite pour exemple l’une de ses dernières notes d’analyse rendant compte de l’évolution de la ségrégation urbaine en France sur 25 ans (4). Cette note est accompagnée d’un site internet (5) permettant aux internautes de suivre ces résultats et de se renseigner sur la composition sociodémographique de leur propre quartier ou agglomération. Ces publications reflètent parfaitement, selon lui, l’une des grandes missions de France Stratégie : apporter des éléments concrets qui permettent d’informer le grand public sur les grands sujets sociaux et économiques afin d’avoir un débat plus documenté et de pouvoir proposer des préconisations de politiques publiques. En ce sens, il adresse un message aux étudiants intéressés par l’économie quantitative et les invite à persévérer sur cette voie : il y a un réel besoin, dans les administrations et services de l’État, de mettre à profit ce type de compétences pour pouvoir évaluer les politiques publiques et participer à la réflexion sur l’élaboration de nouvelles réformes (6) !

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Références :
(1) Thomas Piketty, Gilles Postel-Vinay, Jean-Laurent Rosenthal. 2006. « Wealth Concentration in a Developing Economy : Paris and France, 1807-1994. » American Economic Review, 96 (1) : 236-256.
(2) Institution d’expertise et d’aide à la décision aux services du Premier ministre jusqu’en 2006, remplacée par France Stratégie en 2013.
(3) Raj Chetty, Nathaniel Hendren, Patrick Kline, Emmanuel Saez, “Where is the land of Opportunity ? The Geography of Intergenerational Mobility in the United States”, The Quarterly Journal of Economics, Volume 129, Issue 4, November 2014, Pages 1553–1623.
(4) Hugo Botton, Pierre-Yves Cusset, Clément Dherbécourt, Alban George, Note d’analyse 92 : « Quelle évolution de la ségrégation résidentielle en France ? », Juillet 2020 : https://www.strategie.gouv.fr/publications/evolution-de-segregation-residentielle-france
(5) https://francestrategie.shinyapps.io/app_seg/
(6) Voir, à titre d’exemple, le deuxième rapport publié par le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital : https://www.strategie.gouv.fr/publications/comite-devaluation-reformes-de-fiscalite-capital-deuxieme-rapport


Rentrée 2020 des mastériens et doctorants à PSE

Back to school ! À compter du 31 août, nous avons eu le plaisir d’accueillir - en présentiel et en distanciel - les nouvelles promotions des étudiant-e-s APE, PPD et EDCBA ainsi que les doctorant-e-s. En cette année particulière, les étudiant-e-s comme les professeur-e-s ont revêtu leur masque tout en veillant à respecter les gestes barrières et distances de sécurité. Retour en images sur la rentrée 2020 :

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