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(Recherche à la une) Agriculture : quand l’enregistrement du foncier rural encourage les investissements agricoles et réduit les surfaces déforestées

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En quelques mots

Pour réduire la déforestation et atténuer le changement climatique, les politiques publiques pourraient promouvoir des approches qui permettent de prendre en compte les services locaux rendus par les forêts dans la gestion des droits fonciers ruraux.

Dans un article académique récemment publié, Liam Wren-Lewis (PSE/INRAE), Luis Becerra-Valbuena (PSE/U. Paris 1), et Kenneth Houngbedji (IRD, DIAL) étudient un programme à grande échelle mis en œuvre par le gouvernement du Bénin en partenariat avec le Millennium Challenge Corporation. Il consistait en la formalisation des droits fonciers coutumiers détenus par les ménages et la création de comités locaux de gestion des terres dans près de 300 villages tirés au sort parmi plus de 600 initialement volontaires. Ce programme - nommé Plans Fonciers Ruraux (PFR) - a conduit à la délimitation et à l’enregistrement, dans les 300 villages béninois sélectionnés, de plus de 70 000 propriétés foncières représentant quelque 286 000 hectares de terres rurales. Ce pays est particulièrement pertinent à étudier car la part de la déforestation découlant de la demande en terre agricole y est élevée. Les auteurs utilisent des images satellites en haute résolution pour mesurer la perte de couverture forestière avant et après l’intervention, dans les villages concernés et les villages « témoins » (villages volontaires qui n’ont pas été tirés au sort pour les PFR). Les résultats indiquent que le programme étudié a permis de réduire d’environ 20% la perte de ce couvert arboré, ce qui représente environ 600 hectares de surface préservée en tout, durant 8 années, dans l’ensemble des villages concernés. A titre d’exemple un terrain de foot couvre 0,7 hectare.

Quels mécanismes sont mis en lumière par les chercheurs expliquant le lien entre formalisation foncière et déforestation ? Les analyses d’enquêtes et entretiens complémentaires réalisés auprès des ménages béninois des villages étudiés, suggèrent trois canaux principaux. Tout d’abord, grâce à la hausse de la productivité agricole dans les parcelles existantes. Ensuite, par la réduction de la nécessité de défricher les terres arborées qui visait à signaler et conserver les droits fonciers privés. Enfin, en améliorant la gouvernance foncière et l’action de gestion communale des ressources forestières. Dans l’ensemble, si l’on considère les études précédentes qui indiquent que l’enregistrement foncier encourage les propriétaires privés à investir dans leurs parcelles (cf. Goldstein et al, 2018), ces nouveaux résultats suggèrent que ces pratiques peuvent être efficaces dans la lutte contre la déforestation tout en permettant d’augmenter les investissements agricoles.

Références des articles sources

(2020) Formalizing land rights can reduce forest loss : Experimental evidence from Benin
Liam Wren-Lewis, Luis Becerra-Valbuena and Kenneth Houngbedji
Science Advances, 26 Jun 2020:Vol. 6, no. 26, eabb6914

(2018) Formalization without certification ? Experimental evidence on property rights and investment
Markus Goldstein, Kenneth Houngbedji, Florence Kondylis, Michael O’Sullivan and Harris Selod
Journal of Development Economics, 132, 2018, 57-74

Auteurs

  • Liam Wren-Lewis : Professeur associé PSE, Chargé de recherche INRAE - site personnel
  • Luis Becerra-Valbuena : Doctorant PSE / Paris 1 - site personnel
  • Kenneth Houngbedji : Chercheur à l’IRD - site personnel