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Redevances minières et opérations de sécurité : les enseignements du conflit maoïste en Inde

Lien court vers cet article : http://bit.ly/1NBx5sj

Oliver Vanden Eynde

Les conflits civils touchent souvent des pays aux institutions assez complexes, qui comportent notamment plusieurs échelons gouvernementaux ayant tous des responsabilités spécifiques dans le domaine de la sécurité. Néanmoins, la littérature économique sur le conflit a eu tendance à faire abstraction de ces institutions politiques.

Dans cet article, Oliver Vanden Eynde étudie la dynamique de conflit dans le contexte d’un État décentralisé : la rébellion maoïste en Inde. La question principale consiste à savoir si les régimes fiscaux peuvent inciter les autorités locales à engager davantage d’opérations de sécurité. La « Ceinture Maoïste » de l’Est de l’Inde – où un conflit meurtrier a été déclenché depuis les années 1970 - contient la plupart des dépôts de minerais les plus précieux du pays. Les redevances minières indiennes bénéficient aux États sub-nationaux, mais restent fixées par le gouvernement central. Par ailleurs, les États sont responsables des opérations de sécurité sur leur territoire. Il s’ensuit que le régime de redevances minières pourrait offrir des incitations à effectuer davantage d’opérations policières dans ces zones. L’auteur analyse les effets de l’introduction d’un impôt « ad valorem » (1) de 10% sur la production des minerais de fer. Les recettes fiscales provenant de ce nouveau régime de redevances atteignaient jusqu’à 1% du PIB des États concernés. En effet, l’observation, entre 2007 et 2011 des districts qui contiennent des dépôts de minerais de fer, montre que la hausse de la redevance a été suivie d’une intensification significative de l’usage de la force par la police. Il n’y a pas d’impact similaire pour les dépôts d’autres minéraux, non soumis à la hausse de la redevance. Par ailleurs, on ne peut expliquer cette intensification dans les districts de dépôts de fer ni par leurs caractéristiques socio-économiques, ni par les fluctuations des prix des matières premières, ni encore par les conséquences du seul choc budgétaire sur le niveau des finances des États (car l’intensification différenciée de la violence policière reste visible quand on compare différents districts au sein du même État). Cependant, l’intensification de la violence dans les régions qui rapportent plus de revenus fiscaux confirme la rationalité des décisions prises par les États qui engagent des opérations policières dans les régions les plus rentables. Cette interprétation est corroborée par le fait que l’intensification est plus prononcée dans les districts où les entreprises privées jouent un rôle plus important dans le secteur minier, car l’intérêt pour les Etats de contrôler des mines détenues par le secteur public ne change pas autant suite à un choc du régime de redevances. Ainsi, cet article permet de mieux comprendre le lien entre, d’une part, l’intérêt fiscal de contrôler certaines régions pour les gouvernements locaux, et d’autre part, la dynamique de violence locale.

(1) Ad valorem : une proportion de la valeur et donc pas un montant fixe par unité physique

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Titre original de l’article académique : « Mining royalties and incentives for securtiy operations : evidence from India’s Maoist conflict »
Publié dans : PSE Working Papers n° 2015-42
Téléchargement : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01245496

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