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Intensité d’émission en Inde et dynamique des entreprises

Lien court vers cet article : http://bit.ly/1QA64pP

Geoffrey Barrows et Hélène Ollivier

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La géographie des émissions de gaz à effet de serre a fortement évolué ces dernières décennies, et les pays émergents - Chine, Inde et Brésil en tête - représentent une part croissante des émissions globales, même si leurs émissions par habitant restent relativement faibles par rapport aux pays industrialisés. Ces pays sont de plus en plus intégrés dans le commerce mondial, et cette intégration peut être perçue comme favorisant la croissance des émissions mondiales selon une hypothèse que l’on appelle des « havres de pollution » (Pollution haven hypothesis). D’après cette hypothèse, les entreprises polluantes choisissent de se relocaliser dans des pays à faibles régulations environnementales, tout en exportant leurs produits vers les pays développés.

Dans cet article, Geoffrey Barrows et Hélène Ollivier examinent un phénomène qui contrebalance cet accroissement des émissions des pays émergents lié à leur intégration internationale : la réduction de l’intensité d’émissions de la production industrielle des pays émergents, plus précisément de l’Inde. A partir de données de production des entreprises industrielles indiennes, ils montrent que durant les deux dernières décennies, ces entreprises ont drastiquement réduit leur quantité d’émissions de CO2 par unité de produit, et ce en l’absence de politiques environnementales de type « taxe carbone ». Cette amélioration de la performance environnementale est donc surprenante, et mérite une explication théorique et une validation empirique. Les auteurs expliquent que deux facteurs principaux ont permis cette réduction de l’intensité des émissions. D’un côté, les entreprises les plus productives ont gagné des parts de marché, forçant certaines entreprises peu rentables à la faillite. Comme ces entreprises produisent plus efficacement, elles ont besoin de moins d’énergie, et donc émettent moins d’émissions que leurs concurrents. De l’autre, l’augmentation de la concurrence pousse également certaines entreprises à investir dans des technologies plus efficaces, donc moins intensives en énergie, ce qui réduit l’intensité d’émissions de leur production. Un troisième facteur analysé par les auteurs influence quant à lui à la hausse les émissions au sein des entreprises : il s’agit du choix endogène des produits fabriqués par une même entreprise. Chaque entreprise a un produit qui constitue son “coeur de compétence”, qui est donc très rentable et génère le plus de profits. Mais elle peut aussi choisir de se diversifier et de produire d’autres biens qui sont un peu moins rentables. Dans le cas indien, les biens qui constituent le coeur de compétence des entreprises sont également moins polluants ; lorsque les entreprises se concentrent sur ces produits, elles peuvent réduire leurs émissions. Mais les entreprises indiennes ont eu tendance à diversifier fortement leur portefeuille de biens, augmentant de facto leur intensité d’émissions. Pour autant, ce sont bien les 2 premiers facteurs qui sont, au total, prépondérants. Ces résultats suggèrent que, sous certaines conditions, la recherche de profits peut aboutir à une réduction d’intensité des émissions de CO2, y compris en l’absence de politiques environnementales dédiées.

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Titre original de l’article académique : “Emission Intensity and Firm Dynamics : Reallocation, Product Mix and Technology in India”
Publié dans : à venir
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