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L’ambiguïté et l’énigme de la prime de risque

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Fabrice Collard, Sujoy Mukerji, Kevin Sheppard et Jean-Marc Tallon

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L’explication de l’évolution de long terme du prix des actions et plus généralement des actifs financiers est complexe, et la littérature économique sur le sujet recèle d’énigmes, au premier rang desquelles figure l’énigme dite « de la prime de risque ». Cette énigme provient de l’observation suivante : il existe un écart entre la rémunération des actions, qui sont des actifs risqués, et celle des bons du Trésor, considérés comme des actifs non risqués. En effet, cet écart, telle qu’observée sur des données séculaires est très largement supérieure à ce qu’un modèle (simple mais capturant beaucoup des mécanismes en présence) de détermination de prix d’actif prédit. En particulier, il faudrait que les investisseurs aient une aversion pour le risque très conséquente, trop élevée par rapport à ce que l’on peut savoir de cette aversion par ailleurs (par exemple via des expériences) ou par rapport aux implications qu’un tel niveau aurait dans d’autres domaines (par exemple, dans les choix d’assurance), pour expliquer cet écart. Une littérature très importante a vu le jour et a proposé diverses explications à cette énigme et à bien d’autres encore.

Dans cet article, Fabrice Collard, Sujoy Mukerji, Kevin Sheppard et Jean-Marc Tallon proposent d’ajouter une dimension nouvelle à cette analyse de l’énigme de la prime de risque, à savoir la notion d’ambiguïté. Cette notion désigne une incertitude sur le risque lui-même, ou plus précisément, sur le mécanisme générant les rendements des actifs risqués. Cet article propose une évaluation quantitative de l’ambiguïté sur les rendements des actifs risqués, tels qu’observés depuis 1936 aux Etats-Unis. La modélisation proposée reprend le modèle dynamique élémentaire de prix d’actif, en considérant comme ambiguë l’incertitude, à un moment donné dans le temps, sur les rendements à la période suivante. En effet : l’investisseur ne peut pas réduire l’incertitude à une simple distribution de probabilité. Les auteurs montrent que l’introduction de cette dimension permet non seulement de reproduire le niveau moyen de la prime de risque observée, mais également, d’en reproduire le profil dynamique contra-cyclique : la prime de risque est plus élevée en période de récession et se réduit en période d’expansion. Ceci est dû au fait que l’aversion pour l’ambiguïté accentue de manière endogène l’incertitude perçue pendant les récessions. Les auteurs étudient aussi dans cet article, la manière dont leur modèle reproduit d’autres séries financières telle que le ratio prix/dividendes. L’importance de l’ambiguïté comme source de fluctuations du prix des actifs est corroborée en mettant en parallèle un indice nouvellement crée d’incertitude macroéconomique (1), dont la dynamique épouse bien la dynamique de la prime de risque générée par le modèle.

(1) Jurado, Ludvigson, Ng, American Economic Review 2015


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Titre original de l’article académique : “ Ambiguity and the historical equity premium ”
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