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Comment prévoir le cycle économique après la récession de 2008-2009 ?

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Catherine Doz*, Laurent Ferrara et Pierre-Alain Pionnier

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Les prévisions macroéconomiques sont souvent effectuées en séparant deux objectifs : la prévision du taux de croissance de la variable considérée (souvent le PIB) et une prévision plus qualitative, celle des points de retournement du cycle économique. Or la Grande Récession de 2008-09, et la période de faible croissance qui a suivi dans la plupart des économies avancées, ont montré qu’il pouvait être important que les prévisionnistes économiques combinent ces deux approches. Pour cela, ils ont besoin de modèles qui prennent en compte la possibilité : (i) de récessions brusques et profondes, (ii) de périodes où l’amplitude des fluctuations macroéconomiques augmente et (iii) de fluctuations dans la croissance tendancielle du PIB.

Dans cet article, Catherine Doz, Laurent Ferrara et Pierre-Alain Pionnier proposent un modèle économétrique qui intègre ces trois différentes caractéristiques et montrent que ce modèle permet à la fois d’anticiper la détection des points de retournement du cycle des États-Unis et d’améliorer les prévisions du PIB de ce pays depuis cette récession. Le modèle proposé est une extension du modèle à facteurs dynamiques avec changements de régimes (MS-DFM). Dans un modèle à facteurs dynamiques (DFM), les séries économiques étudiées sont supposées être liées à une ou plusieurs variables latentes inobservables appelées facteurs, qui leur confèrent des propriétés dynamiques communes. Dans le cas présent, un facteur résume la dynamique des 5 variables étudiées (le PIB trimestriel et les 4 variables mensuelles utilisées par le National Bureau of Economic Research, NBER, pour sa datation des points de retournement du cycle économique américain) et représente l’état sous-jacent de l’économie. En outre, dans un modèle MS-DFM, on introduit des changements de régimes dans la dynamique de l’économie : la valeur moyenne du facteur sous-jacent pendant les périodes de récession diffère de sa valeur moyenne pendant les périodes d’expansion et la probabilité pour l’économie d’être dans l’un ou l’autre état est actualisée à chaque date en fonction des dernières informations macroéconomiques disponibles. Les auteurs proposent d’étendre le modèle MS-DFM en lui ajoutant deux nouvelles caractéristiques. D’une part ils introduisent la possibilité que l’amplitude des fluctuations du facteur (sa volatilité) ait elle aussi deux régimes différents, un régime de faible volatilité et un régime de forte volatilité. La probabilité de passer d’un régime de volatilité macroéconomique à l’autre, ainsi que les valeurs associées de cette volatilité, font partie des paramètres estimés. D’autre part, ils introduisent la possibilité pour la croissance tendancielle du PIB d’évoluer au cours du temps. Une fois les paramètres estimés, le modèle permet d’évaluer la probabilité d’occurrence des points de retournement du cycle économique, et de calculer une prévision des valeurs futures du PIB.

Dans leurs résultats, les auteurs montrent d’abord que la prise en compte des changements de régime sur la volatilité améliore nettement la détection des points de retournement du cycle économique, notamment pendant la période de faible volatilité qui prévaut depuis le milieu des années 1980 (« Grande Modération »). C’est un résultat important pour la détection des récessions futures car, d’après leur modèle, l’économie américaine serait à nouveau à ce jour dans un régime de faible volatilité macroéconomique après une interruption pendant cette Récession. De plus, leurs résultats mettent en évidence une baisse graduelle de la croissance tendancielle du PIB aux États-Unis qui a commencé quelques années avant la récession de 2008-2009 et s’est poursuivie ensuite, ce qui contribue au débat actuel sur le ralentissement de la productivité et de la croissance américaines. Enfin, un exercice de prévision en temps réel, utilisant à chaque date les valeurs des variables disponibles pour calculer une prévision du PIB, montre que le modèle possède de meilleures performances prédictives qu’un modèle qui ne prendrait pas en compte les changements de régime.

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Références
Titre original de l’article : Business Cycle Dynamics after the Great Recession : An Extended Markov-Switching Dynamic Factor Model
Publié dans : PSE working papers et OECD Statistics Working Papers
Disponible sur : https://ideas.repec.org/p/oec/stdaaa/2020-01-en.html

Crédit photo : Gajus (Shutterstock)

* Membre de PSE