La science économique au service de la société

Comment se passer des marchés financiers pour s’assurer ? La formation des groupes de partage de risque dans les pays émergents

Fernando Jaramillo, Hubert Kempf et Fabien Moizeau

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Dans les pays en développement, où les marchés financiers (et les services bancaires) sont très incomplets, voire inexistants pour certains segments de la population, les ménages se protègent contre les risques de perte de revenu en formant des groupes au sein desquels ils partagent ces risques, et donc en s’appuyant sur des réseaux informels. Ces groupes, basés sur l’acceptation de tous par tous, ne regroupent pas toute la population d’un village ou d’une communauté locale. S’édifie ainsi une juxtaposition de ces groupes au sein de la communauté. La segmentation sociale qui en résulte a des effets pernicieux. Cela empêche la société dans son ensemble de mettre en place un partage efficace du risque entre ses membres.
Dans cet article, Fernando Jaramillo, Hubert Kempf et Fabien Moizeau présentent une explication conjointe du partage partiel des risques et de la segmentation sociale à partir de la capacité des « agents » à former volontairement des groupes. Ils analysent en quoi la segmentation de la société en plusieurs groupes distincts provient des comportements d’individus hétérogènes qui cherchent à maximiser leur bien-être (ou utilité). Ainsi, chacun ne bénéficie pas des mêmes chances de se protéger face aux risques. Cette analyse, en affinant la compréhension des liens entre l’hétérogénéité ex ante et la formation de groupe d’intérêts, pointe l’importance de ce mécanisme dans les difficultés d’extension potentielle du partage du risque à une large communauté. Les auteurs se penchent également sur les conséquences empiriques de la segmentation sociale sur les partages partiels des risques ; ils détaillent notamment en quoi les coefficients de consommation utilisés dans les études économétriques dépendent fortement de la taille et du nombre de coalitions et groupes au sein desquels sont partagés les risques. Ils utilisent la valeur moyenne du coefficient de revenu individuel comme indicateur de la profondeur de ce partage. Ce coefficient augmente (ou diminue) lorsque la divergence est forte (ou faible) entre les chocs. En résumé, Fernando Jaramillo, Hubert Kempf et Fabien Moizeau invitent les auteurs d’études empiriques sur le partage du risque à délimiter soigneusement les frontières pertinentes entre groupes et communautés au sein desquels se produit ce partage, puisqu’elles conditionnent la qualité de l’assurance au sein d’une société.
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Titre original de l’article académique : “Heterogeneity and the formation of risk-sharing coalitions”
Publié dans : Journal of Development Economics, 2015, vol. 114, 79–96
Téléchargement : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01075648
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