La science économique au service de la société

Pourquoi un vendeur ne nous dit pas tout ?

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Frédéric Koessler et Vasiliki Skreta

Dans son approche traditionnelle, l’économie de l’information nous enseigne que l’asymétrie d’information existante entre un vendeur et un acheteur génère un problème dit « de sélection adverse ». Si la qualité du bien n’est pas vérifiable, seuls les biens de mauvaise qualité sont présents sur le marché car les prix sont trop faibles pour un vendeur qui propose un bien de qualité. C’est le fameux marché des voitures d’occasion d’Akerlof (1970). Aujourd’hui, un vendeur dispose de nombreux canaux pour révéler les caractéristiques de son produit (publicité, échantillons, périodes d’essais, labels, témoignages, résultats de tests, rapports techniques, etc.) afin d’influencer le choix des consommateurs. S’il commercialise un produit de qualité, il est incité à en révéler un maximum de caractéristiques afin de pouvoir le vendre à un prix plus élevé. Quand les coûts de révélation d’information sont faibles, seul un vendeur proposant des produits de très mauvaise qualité est incité à cacher son information. Si des consommateurs rationnels achètent tout de même ces produits, c’est en connaissance de cause.

Dans cet article, Frédéric Koessler et Vasiliki Skreta mettent en évidence que la sophistication des procédures de ventes peut conduire un vendeur d’un produit de qualité à ne pas tout révéler à l’acheteur. Par procédures de vente élaborées, le modèle présenté considère que le vendeur n’est plus contraint de proposer un prix fixe. Il peut proposer un devis payant pour estimer le prix de sa prestation. Il peut aussi demander des frais pour une visite, un essai ou un conseil spécialisé avant de donner le prix du bien ou du service, ou encore proposer des remises ou des frais supplémentaires qui dépendent d’informations encore non vérifiables au moment de la signature de la vente(1). Cet article propose un modèle théorique de négociation où le vendeur est informé des caractéristiques de son bien, et où les consommateurs connaissent leurs préférences sur les caractéristiques du bien. La valeur du bien pour chaque partie dépend des informations privées détenues par le vendeur et par l’acheteur (on parle de valeurs interdépendantes). Le vendeur révèle volontairement de l’information aux consommateurs et choisit stratégiquement un mécanisme de vente : un prix fixe, des frais d’information suivis par un prix d’acquisition, un contrat de vente contingent avec promesses de remises, etc. La relation entre l’acheteur et le vendeur est étudiée dans le modèle du « principal informé » (2) généralisé au cas où les informations du principal (le vendeur) sont vérifiables. Les mécanismes de vente réalisables sont caractérisés en fonction des capacités de certification d’information du vendeur, des croyances des parties engagées, et de la valeur qu’elles accordent au produit. Un mécanisme de vente d’équilibre, c’est-à-dire un mécanisme qui est stratégiquement choisi par le vendeur et accepté par l’acheteur, est identifié. L’article démontre que ce mécanisme d’équilibre maximise le profit ex-ante du vendeur. En général, il ne correspond pas à l’allocation obtenue avec un prix fixe, même lorsque tous les consommateurs s’accordent sur la notion de qualité. Ainsi, alors que les résultats existants de la littérature prédisent qu’un vendeur en situation de monopole est toujours incité à révéler les informations vérifiables sur la qualité, cet article met en lumière qu’un vendeur ayant accès à des procédures de ventes plus complexes aura stratégiquement intérêt à ne pas révéler toutes les caractéristiques de son produit, même face aux consommateurs les plus sceptiques.

(1) Par exemple, les résultats d’essais cliniques, l’obtention d’un label, le résultat dans un classement, la défaillance ou l’anomalie d’une pièce...
(2) Le modèle du principal informé est un jeu où la partie qui propose un contrat (le principal) détient de l’information privée qui peut être indirectement révélée à l’agent (l’acheteur) via le choix stratégique du contrat (voir, par exemple, Myerson, 1983, Maskin et Tirole, 1990).

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Titre original de l’article académique : Selling with Evidence

Publié dans : CEPR Discussion Paper No. DP12049

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