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La volatilité de la croissance des entreprises est-elle liée à leur taille ?

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Flavio Calvino, Chiara Criscuolo, Carlo Menon et Angelo Secchi

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Depuis les travaux pionniers de l’ingénieur français Robert Gibrat, les économistes se sont intéressés à l’étude des propriétés statistiques de la taille des entreprises et de leur évolution dans le temps. S’il est bien connu que les petites et les jeunes entreprises ont tendance à croître plus rapidement que les grandes entreprises établies, peu de travaux ont étudié la relation entre la taille de l’entreprise et la volatilité de sa croissance. Il n’est donc pas certain qu’il existe une relation entre ces deux variables, ni que cette relation puisse être similaire dans différents pays.

En abordant ces deux questions, cette étude de Flavio Calvino, Chiara Criscuolo, Carlo Menon et Angelo Secchi constitue la première enquête systématique menée dans plusieurs pays sur la relation entre la volatilité de la croissance d’une entreprise et sa taille, en exploitant des données originales contenant des informations comparables et représentatives sur les entreprises (1). Les résultats montrent qu’il existe une relation négative significative entre la volatilité de la croissance et la taille. Le « coefficient d’échelle » reliant ces deux dimensions de l’entreprise s’avère être approximativement égal à -0,2, ce qui signifie qu’une augmentation de 10% de la taille d’une entreprise typique s’accompagne d’une diminution de 2% de sa volatilité de croissance. Cette relation n’est pas entièrement dictée par le profil d’âge des entreprises et, plus important encore, apparaît relativement homogène dans plus de 20 pays dotés de cadres institutionnels différents et à divers stades de développement. Cette réduction de la volatilité de la croissance corrélée à la taille est ensuite interprétée en termes de résilience globale de l’économie, ceteris paribus : plus le coefficient d’échelle national est grand (en termes absolus), plus l’économie devrait être diversifiée et résistante aux chocs microéconomiques.
Il est pertinent de quantifier la relation entre la taille d’une entreprise et la volatilité de sa croissance, et de déterminer dans quelle mesure cette relation serait commune à plusieurs pays. Sur le plan microéconomique, cela peut aider à distinguer les différentes théories de la croissance d’une entreprise, en s’appuyant généralement sur l’hypothèse selon laquelle une entreprise peut être perçue comme une agrégation de nombreuses sous-unités élémentaires. Sur le plan macroéconomique, la mesure de cette relation d’échelle dans les économies granulaires, c’est-à-dire dans les économies où peu de grandes entreprises coexistent avec plusieurs très petites, est très pertinente. C’est généralement le cas dans les économies développées comme la France ou les États-Unis, où les chocs frappant les grandes entreprises accentuent la volatilité macroéconomique, et par conséquent les fluctuations du PIB. L’impact de ces chocs microéconomiques sur les fluctuations agrégées est réduit si les grandes entreprises présentent des profils de croissance moins volatiles. Un mécanisme similaire fonctionne dans les économies ouvertes et une estimation précise du coefficient d’échelle permet de quantifier à quel point une mesure de libre-échange (suppression des tarifs douaniers par exemple) augmenterait les fluctuations du PIB. Enfin, plus les entreprises opèrent dans des environnements concurrentiels volatiles et turbulents, plus elles sont réactives aux politiques économiques, c’est pourquoi la clarification du lien entre la volatilité de la croissance et la taille est pertinente.

(1) Cet ensemble de données a été développé dans le cadre du projet Dynemp de la direction STI de l’OCDE.

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Titre original de l’article : « Growth volatility and size : A firm-level study »

Publié dans : Journal of Economic Dynamics and Control, Volume 90, mai 2018, pages 390-407

Disponible à : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165188918301179