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Révélation endogène d’information sur un marché du crédit concurrentiel et resserrement du crédit

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Yuanyuan Li et Bertrand Wigniolle

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La crise financière des années 2007-2008 a été marquée par une raréfaction du crédit, une augmentation des taux d’intérêt et une défiance forte vis-à-vis des institutions ou des actifs financiers dont la structure était jugée trop opaque. Ainsi, le coût de l’emprunt pour les sociétés de la zone Euro est passé de 4,9% en janvier 2007 à 6% en septembre 2008. Dans le même temps, le volume des prêts a baissé de 9 milliards d’euros en juillet 2007 à moins de 6 milliards en septembre 2008 (1).

Dans cet article, Yuanyuan Li et Bertrand Wigniolle proposent un mécanisme théorique permettant de comprendre ce type de phénomène. Ils considèrent une économie composée de nombreuses entreprises devant recourir à l’emprunt pour financer leur projet. La qualité de leur projet est une information privée, qui n’est pas accessible a priori pour les banques, qui prendront la décision de financer ou non le projet. Ce cadre avec une asymétrie d’information entre préteur et emprunteur est très commun en économie financière. L’hypothèse principale de leur modèle est que les entreprises peuvent choisir d’être transparente ou opaque, c’est-à-dire révéler leur information sur la qualité de leur projet ou non, et que cette révélation d’information engendre pour elles un coût. Cette hypothèse a été envisagée dans la littérature théorique, mais jamais vraiment étudiée en détail. Au contraire, les travaux précédents ont généralement supposé que les préteurs devaient supporter un coût afin d’acquérir de l’information sur la qualité des projets. Pour les auteurs, l’hypothèse que ce coût (ou une partie) revient à l’emprunteur est pertinente. En premier lieu, révéler de l’information entraine des coûts directs, liés aux coûts d’audit de l’entreprise. En second lieu, être transparent peut également engendrer des coûts indirects, par exemple : ne pas mener d’activités « offshore », révéler de l’information à des concurrents, etc. En retenant l’idée que la révélation d’information au préteur est coûteuse, on est donc dans un modèle « de signal », dans lequel une entreprise peut avoir intérêt à payer pour révéler la qualité de son projet. Il y a alors deux marchés du crédit : un pour les entreprises opaques avec un taux d’intérêt élevé, un pour les entreprises transparentes (qui ont dû supporter un coût) avec un taux d’intérêt plus faible. Les auteurs considèrent cette hypothèse dans un modèle très simple, avec des entreprises qui se distinguent seulement par la qualité de leurs projets. Ils montrent que trois situations sont possibles sur le marché du crédit à l’équilibre (2). Si l’offre de crédit est abondante, ce qui entraîne un taux d’intérêt faible, alors aucune entreprise n’a intérêt à révéler de l’information et toutes sont financées. C’est l’équilibre de forte activité. Au contraire, si l’offre de crédit est faible, ce qui entraîne un taux d’intérêt élevé, alors seules les entreprises les plus profitables sont financées et elles doivent révéler pour cela la qualité de leur projet. C’est l’équilibre de faible activité. Enfin, pour une offre de crédit intermédiaire, les deux équilibres sont possibles sur le marché du crédit : si les meilleures entreprises révèlent leur information, elles sont seules à être financées ; si elles ne révèlent pas leur information, toutes les entreprises sont financées. Il y a alors interdépendance entre les projets de bonne et de moins bonne qualité, les moins bons étant financés seulement si les bons restent sur le marché opaque, afin d’assurer une rentabilité moyenne suffisante aux préteurs. Le passage de l’équilibre de forte activité à l’équilibre de faible activité peut être interprété comme un phénomène de resserrement du crédit. Tous les résultats précédents dépendent de la quantité de crédit qui est offerte dans l’économie. Dans la deuxième partie de l’article, Yuanyuan Li et Bertrand Wigniolle souhaitent alors expliquer pourquoi l’offre de crédit peut être plus ou moins abondante dans l’économie. L’offre de crédit correspond à l’épargne des agents, qui est notamment déterminée par leur revenu, revenu qui est lui-même lié à la situation du marché du crédit à la période précédente. Il y a par conséquent une évolution conjointe, période après période, du revenu agrégé et du marché du crédit. Par exemple, un choc négatif de revenu peut entrainer le passage d’un équilibre opaque de forte activité à un équilibre transparent de faible activité, avec un accroissement du taux d’intérêt d’équilibre et une baisse du volume des prêts alloués.

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Titre original de l’article académique : Endogenous information revelation in a competitive credit market and credit crunch
Publié dans : Journal of Mathematical Economics
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