La science économique au service de la société

La fin difficile des subventions à la consommation en Iran

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Stéphane Gauthier et Taraneh Tabatabai

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La flambée des prix pousse les iraniens dans la rue. On comprend mieux une partie de ce mécontentement lorsque l’on considère le système de fiscalité indirecte de l’Iran, marqué jusqu’en 2010, par de fortes subventions de l’alimentation et du transport. De telles subventions sont en fait très répandues dans les pays producteurs d’hydrocarbures où elles sont financées par la manne pétrolière. Elles se justifient par des considérations de redistribution, au prix de pertes d’efficacité liées à un gaspillage de biens ; d’une certaine manière, elles achètent la paix sociale. Leur impact redistributif n’est toutefois pas évident : les ménages urbains aisés bénéficient le plus de la quasi gratuité de l’essence tandis que les prix bas de l’alimentation bénéficient plutôt aux plus pauvres. Les sanctions internationales contre l’Iran ont rendu le financement de ce dispositif de moins en moins tenable et ont finalement conduit à son abandon dans le cadre de la « réforme des subventions ciblées » impulsée par le président Ahmadinejad en 2010. Des transferts de revenu compensatoires ont bien été introduits pour limiter le risque de troubles face à l’envolée des prix mais ils n’ont pas suffi à empêcher les contestations de la « révolution des œufs » fin décembre 2017.

Stéphane Gauthier et Taraneh Tabatabaï (1) étudient l’impact distributif de cette réforme. Ils cherchent à déduire de la politique fiscale les priorités que l’Iran met sur différents groupes sociaux. Cette problématique est très classique ; citons par exemple le travail de François Bourguignon et Amedeo Spadaro (2) qui s’appuie sur une analyse de l’impôt sur le revenu en France. Cette étude relative à l’Iran se démarque de la littérature existante par son traitement des contraintes qui pèsent sur la puissance publique. D’une part, il faut tenir compte du financement de la politique, sans doute difficile à réaliser. D’autre part, l les différents groupes en présence doivent bénéficier du traitement que la puissance publique leur destine : il faut par exemple éviter que les transferts destinés aux plus démunis ne bénéficient in fine aux classes moyennes. Ces « contraintes d’incitation » sont difficiles à prendre en compte : en général, le chercheur travaille dans des conditions théoriques qui autorisent certaines relations entre les différents groupes mais en excluent d’autres. Stéphane Gauthier et Taraneh Tabatabaï proposent de d’estimer simultanément la forme prise par ces relations et le poids social des différents groupes : la forme de ces relations n’est donc plus postulée. Ils concluent que la réforme de 2010 accordait un poids important sur les premiers déciles de la distribution des revenus des ménages urbains mais s’est trouvée contrainte par le souci de préserver les plus aisés. En 2014, à l’issue de la réforme, dans un contexte économique encore dégradé, la nouvelle présidence Rohani semble avoir renoncé à toute considération distributive, un résultat qui fait étrangement écho à l’abandon qu’affirment ressentir les classes populaires descendues dans la rue pour une « révolution des œufs ».

(1) Gauthier, S. and T. Tabatabai, 2017, How incentives matter ? An illustration from the Targeted Subsidies reform in Iran, PSE working paper 2017-21.
(2) Bourguignon, F. and A. Spadaro, 2012, Tax-benefit revealed social preferences, Journal of Economic Inequality 10, 75-108.

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Titre original de l’article académique : How incentives matter ? An illustration from the Targeted Subsidies reform in Iran

Publié dans : PSE Working Papers n°2017-21. 2017

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