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Vais-je retrouver un emploi de qualité après la fermeture de mon établissement ?

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Léa Toulemon et Lexane Weber-Baghdiguian

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La perte d’emploi est un choc majeur dans la carrière professionnelle des travailleurs, et si le retour à l’emploi atténue une partie des effets négatifs, il ne les élimine pas totalement. Depuis les années 90, les études sur la perte d’emploi se multiplient et mettent en évidence les effets délétères de celle-ci à long terme sur les salaires ou encore sur la santé. La plupart des études se sont focalisées sur le fait d’avoir un emploi et sur la rémunération. Pourtant la qualité de l’emploi ne se résume pas seulement aux salaires des travailleurs, et la considérer comme un concept multidimensionnel (1) permet d’aborder de manière plus complète les coûts liés à la perte d’emploi. L’une des questions est notamment de savoir si les travailleurs ayant perdu leur emploi tendent à retrouver un emploi de moins bonne qualité, sur l’ensemble des dimensions de celle-ci, et le cas échéant, si cet impact perdure.

Dans cet article Léa Toulemon et Lexane Weber-Baghdiguian étudient les conséquences à long terme de la perte d’emploi, spécifiquement suite à une fermeture d’établissement, sur l’ensemble des indicateurs de la qualité de l’emploi retrouvé. La méthode repose sur la création d’un groupe de travailleurs comparables à ceux dont l’entreprise a fermé (le groupe dit « de contrôle ») et sur la comparaison de l’évolution de chaque indicateur dans les deux groupes. En utilisant des données allemandes (2) de 1984 à 2012, les auteures montrent qu’une perte d’emploi est néfaste sur la probabilité d’être embauché par la suite parfois même jusqu’à 10 ans après. Elles mettent en évidence que les salaires des travailleurs licenciés mais qui retrouvent un emploi, sont inférieurs aux salaires du groupe de contrôle jusqu’à quatre ans après le licenciement et ils déclarent avoir plus de chance de perdre leur emploi à nouveau. L’ensemble des indicateurs de la qualité de l’environnement de travail – travailler plus de 48 heures par semaine, la distance entre le domicile et le travail et la satisfaction vis-à-vis des heures effectuées – est également affecté à long terme par la perte d’emploi, à l’exception de la probabilité de travailler à temps plein. Cet impact négatif de long terme s’observe également sur deux mesures subjectives de bien-être : la satisfaction au travail et la satisfaction dans la vie en général. Ainsi, les auteures constatent que les travailleurs licenciés sont moins heureux jusqu’à huit ans après la perte d’emploi et que ceux qui retrouvent un emploi le déclarent moins satisfaisant pendant les sept années suivant la perte.
Les auteures concluent qu’à long terme, la perte en termes de qualité d’emploi suite à un licenciement s’illustre plus dans les facteurs non monétaires de l’emploi que dans le salaire. Ce résultat souligne l’importance d’une approche multidimensionnelle de la qualité de l’emploi.

(1) Les dimensions de la qualité de l’emploi correspondent aux facteurs monétaires (salaires horaires et mensuels), à la perception de la sécurité de l’emploi et à la qualité de l’environnement de travail (la satisfaction au travail, travailler de longues heures, la distance entre le travail, ne pas être satisfait avec les heures effectuées)
(2) Les données allemandes proviennent du German Socio Economic Panel.

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Titre original de l’article académique : Long-term Impact of Job Displacement on Job Quality and Satisfaction : Evidence from Germany
Publié dans : PSE Working Papers n°2016-32. 2016
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