La science économique au service de la société

Dépendance et calendrier des naissances

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Pierre Pestieau et Gregory Ponthiere

La fourniture de soins aux personnes âgées dépendantes – qui, par définition, sont incapables d’effectuer seules des actions de la vie quotidienne (se déplacer, se laver, etc.) – constitue un défi majeur pour nos sociétés contemporaines. Des recherches récentes (1) ont montré que l’offre informelle de soins apportés aux personnes âgées par leurs propres enfants varie selon l’âge de ces derniers, et en particulier selon leur situation sur le marché du travail. Ces recherches montrent qu’en général, les enfants les plus âgés offrent davantage d’aide à leur parent dépendant en comparaison avec les enfants moins âgés.

Dans cet article, Pierre Pestieau et Gregory Ponthiere ont un double objectif. Tout d’abord, il s’agit d’étudier les conditions dans lesquelles la théorie économique peut, à partir de modèles simples, expliquer ou rationaliser le différentiel d’aide aux personnes âgées dépendantes en fonction de l’ordre des naissances des enfants. Ensuite, cette étude tente de caractériser les politiques publiques optimales compte tenu de ce différentiel.

Les auteurs développent un modèle dynamique dit « à générations imbriquées » (overlapping generations model) à quatre périodes, couvrant l’ensemble du cycle de vie. Sa spécificité est d’inclure deux périodes de fécondité, afin d’étudier l’effet de l’ordre des naissances sur l’aide fournie aux parents dépendants. Il est démontré que les enfants nés plus tôt font face, en général, à un « coût d’opportunité » (2) moindre de l’aide aux parents dépendants, tout simplement car ces enfants sont déjà assez âgés, et souvent retraités ou proches de la retraite, lorsque leurs parents tombent en dépendance. Au contraire, les enfants nés plus tard, bien qu’ayant les mêmes « préférences » que leurs aînés, offriront moins de soins : au moment où leurs parents deviennent dépendants, ils sont encore très actifs sur le marché du travail, et font face à un coût d’opportunité de l’aide aux parents plus élevé.

Pierre Pestieau et Gregory Ponthiere étudient ensuite les contours de l’intervention publique optimale dans ce contexte. L’étude de l’optimum économique de long terme révèle qu’en général, le calendrier des naissances inclut une proportion trop grande de naissances tardives en l’absence d’intervention publique. L’explication est la suivante : au moment de planifier leur vie, les individus ne prennent pas en compte l’effet de leurs choix sur le coût social de la prise en charge des dépendants. L’optimum social de long terme exige ainsi, dans cette situation, de décourager les naissances tardives dans une certaine mesure (qui dépend de toute une série de paramètres structuraux de l’économie). Cela pourrait participer à un rééquilibrage du « fardeau social » de la prise en charge des personnes âgées dépendantes au sein des fratries.

(1) Fontaine, R., Gramain, A, Wittner, J. (2007) Les configurations d’aide familiale mobilisées autour des personnes âgées dépendantes en Europe. Economie et Statistiques, 403-404, pp. 97-115.
(2) Fontaine, R., Gramain, A, Wittner, J. (2007) Les configurations d’aide familiale mobilisées autour des personnes âgées dépendantes en Europe. Economie et Statistiques, 403-404, pp. 97-115.

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Titre original de l’article académique : « Long term care and birth timing »
Publié dans : Working Paper PSE n°2015-10
Disponible : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01131236
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