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Alzheimer et placement en institution : quels effets sur les malades et les aidants ?

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Thomas Rapp, Bénédicte H. Apouey et Claudia Senik

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En France, les aidants familiaux jouent un rôle de premier plan dans les soins apportés aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. On sait cependant que cette aide est coûteuse en temps et en efforts, et constitue une charge mentale pour les aidants. Pour limiter le risque pesant sur la qualité de vie de ces derniers, les pouvoirs publics français encouragent les placements temporaires en institution, depuis le début des années 2000. Cependant, les travaux empiriques menés dans différents pays montrent que les placements n’exercent pas toujours l’effet positif attendu pour les aidants, notamment à moyen terme. Par ailleurs, les études sur l’effet des placements sur la qualité de vie des patients aboutissent à des résultats quelques peu contradictoires. Certains travaux mettent en lumière un effet positif, en particulier lorsque les soins sont de bonne qualité, mais d’autres études concluent à un effet globalement négatif, car les placements ont un effet délétère sur la vie sociale des patients. Si ces différents travaux soulignent la complexité de l’effet des placements, la plupart d’entre eux ne font pas la distinction entre placements temporaires et placements permanents. De plus, les données utilisées ne permettent pas de suivre les malades sur des périodes suffisamment longues. Enfin, il n’existe pas d’étude portant spécifiquement sur la France.

Quel est l’impact des placements temporaires et permanents sur la qualité de vie des patients et de leurs aidants en France ? Dans un article récent, Thomas Rapp, Bénédicte Apouey et Claudia Senik apportent une réponse à cette question en analysant les données du Réseau sur la maladie d’Alzheimer français (REAL.FR). Cette enquête suit 686 malades et leurs aidants pendant quatre ans, le suivi étant réalisé tous les six mois. Lors du premier entretien de l’enquête, en 2000-2002, les patients vivent chez eux. L’enquête permet ensuite de repérer les placements temporaires et les placements permanents au cours des années suivantes. Les auteurs utilisent des modèles statistiques qui tiennent compte des caractéristiques inobservées des individus qui restent stables au cours du temps. Les résultats montrent que les placements, qu’ils soient permanents ou temporaires, améliorent la qualité de vie des aidants en allégeant leur « fardeau ». Pour les aidés, les résultats sont plus nuancés : le placement permanent a un effet positif, mais le placement temporaire n’a pas d’impact statistiquement significatif. Les auteurs vérifient que leurs résultats ne sont pas simplement dus à la survenue de chocs dans la vie de l’aidant (chocs de santé par exemple) ni à l’attrition (c’est-à-dire à la sortie de l’enquête de certains ménages). Du point de vue des politiques publiques, l’étude met donc en lumière l’effet favorable, sur les personnes dépendantes et leurs aidants, des mesures facilitant l’accès à certains types de placements, notamment les placements permanents.

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Titre original de l’article académique : The impact of institution use on the wellbeing of Alzheimer’s disease patients and their caregivers.

Publié dans : Social Science & Medicine, volume 207, pages 1-10, 2018.

Téléchargement : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277953618301795?via%3Dihub