La science économique au service de la société

La régulation du temps de travail en France entre 1996 et 2012

Philippe Askenazy

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La France est souvent présentée - à l’étranger mais aussi dans l’hexagone - comme un étrange pays avec une semaine de travail « rigide » de 35 heures. Cet article propose un retour sur plus de 15 ans de transformations de la régulation du temps de travail : Philippe Askenazy y dresse un portrait fort différent de ce lieu commun, tant sur le plan institutionnel que sur les dimensions sociales et économiques.
Faisant suite au dispositif volontaire Robien, les lois dites Aubry mettent en oeuvre dès 1997 un programme de réduction du temps de travail suivant les théories économiques « néo-classiques » dominantes. L’idée était d’optimiser les créations d’emploi dans un contexte de faible croissance alors anticipée pour la fin de décennie. Mais la forte croissance économique entre 1998 et 2000 a immédiatement entrainé un premier délitement de l’objectif de réduction du temps de travail ; en 2000, la seconde loi Aubry de modification conventionnelle de calcul de la durée du travail a entériné cela. Le changement de majorité en 2002 a stoppé le processus de réduction à l’œuvre, et a même inversé la dynamique décroissante des heures travaillées. Au total, entre 1995 et la veille de la Grande Récession de 2008, la réduction moyenne du temps de travail en France est à peine supérieure à celle observée aux Etats-Unis, et inférieure à celle observée en Allemagne. De fait, même si les évaluations demeurent fragiles, l’impact sur l’emploi n’a pas été d’une grande amplitude. L’auteur précise que les 35 heures ont eu des conséquences sur d’autres dimensions, ce processus ayant notamment été marqué par la place accordée à la négociation d’entreprise et de branche : augmentation de l’hétérogénéité et de la flexibilité des conditions de travail, modifications des cadres de négociation et relations professionnelles... In fine, la régulation du temps de travail apparaît comme sous étudiée par les économistes, ce que l’article déplore : les 35 heures devraient être vues comme un choc permettant de mieux comprendre de nombreuses dimensions du fonctionnement de l’économie française.
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Titre original de l’article académique : Working time regulation in France from 1996 to 2012
Publié dans : Cambridge Journal Of Economics, March 2013, Vol. 37, Issue 2, p 323-347.
Téléchargement : http://cje.oxfordjournals.org/content/37/2/323.full.
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