La science économique au service de la société

Les gains de productivité dans les villes

Pierre Philippes Combes et Laurent Gobillon

Aux quatre coins du globe, les métropoles sont généralement perçues comme des moteurs de croissance.
Dans cet article de synthèse, les auteurs montrent que l’ordre de grandeur des gains de productivité des entreprises que peut permettre une taille plus importante des villes dans les pays développés est maintenant établi avec une certaine précision. Une ville deux fois plus grande a une productivité de 1% à 5% plus élevée. Les gains seraient plus grands dans les pays en voie de développement comme le montrent des premiers travaux sur la Chine, l’Inde ou même la Colombie. Une partie de ces gains serait instantanée et acquise par la simple présence dans une grande ville, tandis qu’une autre serait obtenue graduellement au fil de l’expérience urbaine.
Le débat reste toutefois ouvert sur les sources de ces gains de productivité et plusieurs mécanismes ont été considérés dans la littérature théorique. En premier lieu, les entreprises peuvent utiliser des biens locaux indivisibles ayant un effet sur la productivité comme des ports, aéroports, universités ou infrastructures de transport. Par ailleurs, elles peuvent bénéficier d’externalités similaires qui sont pécuniaires et passent par les prix des biens : l’accès à un plus grand marché permet d’augmenter les bénéfices, et la proximité des fournisseurs de biens intermédiaires intervenant dans le processus de production permet de bénéficier de coûts de production plus faibles. La concentration d’agents économiques peut également augmenter les interactions entre individus et, notamment, améliorer la qualité de l’appariement des entreprises et des travailleurs sur le marché du travail. Enfin, les villes sont des lieux d’échanges de connaissances qui favorisent la création, la diffusion et l’accumulation d’innovations. Certains travaux empiriques suggèrent que ces différents types de mécanismes se combineraient à divers degrés mais ils sont généralement basés sur des approches moins poussées que celles qui quantifient les gains totaux de productivité. Appréhender correctement ces gains nécessite de prendre en compte le tri spatial des individus selon leurs caractéristiques et la possibilité d’une causalité inverse (une productivité élevée pouvant accroitre la taille des villes en attirant des individus). Actuellement, les études les plus prometteuses estiment des modèles structurels soit sur données de panel, soit en se focalisant sur des cas particuliers (ie. case studies). La recherche empirique future relative aux mécanismes conduisant aux économies d’agglomération ne peut que gagner à continuer dans cette voie et veiller à être profondément ancrée dans la théorie économique.
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Titre original de l’article académique : “The Empirics of Agglomeration Economies”
CEPR Discussion Paper 10174
A paraître dans : Handbook of Urban and Regional Economics vol. 5, Elsevier.
Téléchargement : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01071761
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