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Exportations des pays en développement et émissions de gaz à effet de serre : l’exemple des entreprises indiennes

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Geoffrey Barrows et Hélène Ollivier

Ces dernières décennies, les pays en développement ont vu leur rôle dans le commerce international s’accroitre, en particulier via leurs exportations vers le reste du monde. Cet essor pose la question de l’impact environnemental de ces échanges, sachant que ces pays se caractérisent par des réglementations environnementales plus laxistes et des méthodes de production moins efficaces. L’enjeu du point de vue environnemental est d’autant plus important que les négociations internationales relatives au climat ne parviennent pas à un accord global de réduction des émissions de gaz à effet de serre et que les gouvernements sont particulièrement réticents à mettre en place des politiques climatiques contraignantes. Cependant, cette hausse des exportations en provenance de pays en développement conduit-elle forcément à une augmentation de 1-pour-1 des émissions de carbone ? Plusieurs mécanismes peuvent modifier ce ratio des émissions par rapport aux exportations. Tout d’abord, une augmentation des exportations peut inciter les entreprises exportatrices à investir dans de nouvelles technologies, celles-ci étant généralement plus efficaces et donc moins intensives en émissions de CO2. En outre, pour répondre à la demande étrangère, les entreprises peuvent ajuster leur mix de produits et, notamment, se concentrer sur certains produits plus profitables. Ces ajustements peuvent augmenter ou diminuer l’intensité d’émissions moyenne des entreprises selon l’intensité relative de chaque produit. Pour finir, les pays exportateurs peuvent déterminer conjointement leurs exportations et leurs ventes domestiques, et ces dernières peuvent diminuer pour permettre une hausse des exportations.

Dans cet article, Geoffrey Barrows et Hélène Ollivier se focalisent sur le secteur manufacturier indien et étudient le lien entre exportations et émissions de carbone, ainsi que le rôle des trois mécanismes cités précédemment. Ils analysent dans quelle mesure la production manufacturière et les émissions en Inde répondent aux chocs de demande en provenance de l’étranger. Grâce à des données très précises de consommation énergétique, les auteurs calculent les émissions de CO2 par unité physique de bien produit et peuvent séparer les effets d’un changement technologique de ceux liés à l’évolution du mix de produits au sein des entreprises. Leurs résultats suggèrent qu’une entreprise indienne qui a fait face à une augmentation moyenne de la demande étrangère durant la période 1995-2011, a vu ses émissions de CO2 croître de 1,39% par an. Cette augmentation provient d’une hausse non seulement des exportations mais aussi des ventes domestiques, révélant ainsi une complémentarité entre les deux qui tend à aggraver l’impact environnemental de ses exportations. En revanche, cet accroissement a été atténué par la baisse de l’intensité moyenne de CO2 de la production. Les auteurs montrent que cette diminution n’est pas liée à des investissements technologiques, mais résulte de changements dans le mix de produits : les entreprises indiennes produisent davantage de biens moins polluants, tandis que la pollution par unité de bien ne varie pas au cours de la période. Au final, l’augmentation des émissions de CO2 n’est pas équivalente a la hausse des exportations induite par les chocs médians de demande extérieure dans un rapport de 1-pour-1, mais est de 60% plus élevée.

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Titre original de l’article : Foreign Demand and Greenhouse Gas : Empirical Evidence with Implications for Leakage

Publié dans : PSE Working Papers n°2018-51. 2018

Disponible à : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01945848