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La couverture santé influence-t-elle les pratiques médicales ?

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Carine Milcent*

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Le système d’accès aux soins en France est un système particulièrement complexe et unique au monde. Pour une prestation médicale donnée, le remboursement des soins allie une sécurité sociale basée sur des prélèvements indépendants de l’état de santé et des facteurs de risques et comorbidités de l’individu, avec une complémentaire santé basée sur l’état de santé des souscripteurs. Fin 2021, le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) a été saisi par le Ministre de la Santé pour étudier les pistes possibles afin d’intégrer dans ce système une plus grande égalité d’accès aux soins tout en réduisant sa complexité. Le rapport de l’HCAAM met en avant les différences de montants de prime d’assurance complémentaire pour une couverture similaire. Ces différences sont liées au statut professionnel des personnes couvertes : employés, indépendants, sans emploi, retraités. De ce fait, les usagers optent pour des couvertures différenciées par choix économique. Au-delà des 5% des français n’ayant pas de couverture complémentaire, les différents types de comportement d’accès aux soins de la population se partitionnent en fonction des contrats de complémentaires santé souscrits et du panier de soins couverts.

A partir de données hospitalières, Carine Milcent et Saad Zbiri s’intéressent à cette question en étudiant l’effet de la couverture complémentaire sur les pratiques médicales. Ils prennent pour exemple le cas de l’accouchement. Les femmes peuvent accoucher dans un hôpital public ou une clinique privée. Les frais d’hospitalisation sont pris en charge par l’assurance maladie à 100%. Toutefois, dans les structures privées, des paiements additionnels requis par l’établissement et les praticiens, ne sont pas pris en charge par l’assurance publique. En fonction de la couverture de la complémentaire santé, ces frais additionnels seront pris en charge, partiellement ou complètement, par la complémentaire santé.

Le choix de type d’accouchement s’exprime différemment suivant les structures de santé. Dans les hôpitaux publics, la femme est suivie par une équipe médicale. Les établissements sont surchargés. Il n’y a pas d’incitations financières directes à faire accoucher par voie basse plutôt que par césarienne, alors que la planification et la gestion des équipes est facilitée lors d’une césarienne programmée. Une sage-femme assure le suivi de l’accouchement et ne fera intervenir l’obstétricien qu’en cas de complications et une nécessité de césarienne. Dans les cliniques, la femme a une relation discrétionnaire avec l’obstétricien dont une partie du paiement est conditionnée à sa présence au moment de l’accouchement. Les praticiens ont des incitations directes au type d’accouchement, à la fois financière et de gestion du temps.
Les auteurs présentent ici une partie des analyses sur la population de femmes ne présentant aucune complication durant la grossesse, n’ayant pas nécessité de césarienne programmée et ayant conduit leur grossesse à terme, afin d’isoler les cas où la pratique médicale de la césarienne n’est pas directement dictée par des aspects cliniques. Il apparaît tout d’abord que le pourcentage de césariennes est plus élevé en clinique privée qu’en hôpital public. Distinguant alors les femmes suivant que leur assurance complémentaire prenne en charge ou pas les surcoûts induit par cet acte, les résultats varient. Les femmes admises en cliniques et dont la complémentaire santé ne couvre pas les surcoûts ont une probabilité significativement plus faible d’accoucher par césarienne.

Ce résultat éclaire l’importance d’une plus grande égalité d’accès aux soins quelle que soit la situation socio- économique des patients. Il alerte aussi sur la nécessité d’une réflexion approfondie de ce que doit inclure le panier de soins couvert par l’assurance publique afin d’inciter à des pratiques médicales collectivement adéquates.

References
Titre original de l’article : Supplementary private health insurance : the impact of physician financial incentives on medical practice”
Publié dans : Health Economics, 2021:1-6
Disponible via : DOI : https://doi.org/10.1002/hec.4443.

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*Chercheur PSE

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