Quelles politiques climatiques sont soutenues par les Français ?
Court permalien à cet article : https://bit.ly/3dgSs5A
Adrien Fabre*, Thomas Douenne*
Suite au mouvement des Gilets jaunes et à son large soutien dans la population, le gouvernement annula fin 2018 la hausse prévue de la taxe sur les combustibles. Doit-on s’attendre au même sort pour toute tentative de mesure écologique ?
Dans cet article, Thomas Douenne et Adrien Fabre analysent les politiques climatiques soutenues par les Français en plein mouvement des Gilets jaunes, en réalisant une enquête sur un échantillon représentatif de trois mille personnes en février et mars 2019. Celle-ci analyse les connaissances, les perceptions et les convictions liées au changement climatique, et examine les opinions relatives à la taxation des émissions et évalue le soutien à d’autres politiques climatiques. Les résultats démontrent que les Français partagent largement la connaissance du caractère anthropique du changement climatique (72%), et la part qui ne croit pas à son existence est marginale (4%). En même temps, leurs connaissances sont limitées, notamment concernant les activités responsables du changement climatiques et les réductions d’émissions nécessaires pour le contenir. Même sans bien connaître le fonctionnement du changement climatique, 80% des Français sont inquiets ou très inquiets quant à ses conséquences. Ainsi, il apparaît que 82% des Français sont prêts à adopter un mode de vie écologique si certaines conditions sont remplies : des moyens financiers suffisants, des politiques allant dans ce sens, ou une participation de tout un chacun.
Concernant les mesures soutenues, les Français préfèrent des normes et des régulations plutôt que des taxes (à l’exception d’une taxe sur le kérosène). Ainsi, plus de 70% des Français sont favorables à des normes plus strictes sur les nouveaux véhicules, ou à une politique ambitieuse de rénovation thermique des bâtiments. En revanche, les Français sont largement opposés à une taxe sur les combustibles, quand bien même les recettes de cette taxe seraient redistribuées uniformément à chaque adulte, et même si une telle mesure bénéficierait (en moyenne) aux plus modestes (qui consomment moins de combustibles que la moyenne). 70% rejettent ainsi une augmentation de la Contribution Climat-Énergie (CCE) de 50€ par tonne de CO2 (impliquant par exemple une hausse de 0,11€/L sur l’essence), malgré le transfert annuel de 110€ par adulte qui l’accompagnerait. Cela s’explique notamment par le manque d’alternative aux énergies fossiles, notamment en milieux ruraux, qui fait passer pour beaucoup les mesures incitatives comme « punitives ». Cela est aussi dû à des perceptions erronées concernant les propriétés d’une telle taxe (analysées dans un papier compagnon*), associées à une méfiance vis-à-vis du gouvernement. Cette méfiance se reflète notamment dans la position par rapport aux Gilets jaunes, qui apparaît comme le meilleur prédicteur des préférences environnementales, rendant moins pertinent le spectre traditionnel gauche–droite.
Finalement, les auteurs proposent plusieurs mesures populaires pour permettre à la France d’accélérer la transition écologique : tout d’abord, le lancement d’une campagne d’information massive et durable afin d’approfondir les connaissances sur le changement climatique(qui sont associées à un plus grand soutien aux politiques climatiques) ; deuxièmement, la mise en place de mesures plébiscitées soutenant les alternatives aux énergies fossiles : investissements, subventions, et lois en faveur des transports publics, de véhicules plus propres et de l’isolation thermique, etc. Troisièmement, l’instauration d’une taxe limitée au kérosène dont les recettes seraient reversées à chaque Français. Cette taxe pourrait servir d’exemple convaincant en faveur des mesures incitatives de fiscalité carbone car la taxation du kérosène est largement approuvée.
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Références
Titre original de l’article : French Attitudes on Climate Change, Carbon Taxation and other Climate Policies
Publié dans : Ecological Economics
Disponible sur : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800919310705
Crédit photo : (Shutterstock)
* Doctorant, PSE
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