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Des frontières qui séparent ? Education et religion au Ghana et au Togo au vingtième siècle

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Denis Cogneau et Alexander Moradi

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Avec le retour de la croissance en Afrique depuis le début du XXIe siècle - environ 5% par an pour la première décennie, la différence de performance entre pays anglophones et francophones fait à nouveau débat. Que sait-on des héritages respectifs des colonisations britannique et française, notamment en matière d’instruction ? La partition du Togoland allemand après la Première Guerre Mondiale fournit en la matière une « expérience naturelle » presqu’idéale. En 1920, suite au Traité de Versailles, les deux-tiers orientaux de cette colonie allemande furent placés sous mandat français par la Société des Nations, tandis que le tiers occidental était placé sous mandat britannique. En 1957 la partie britannique fusionna avec le Ghana voisin suite à un référendum, et en 1960 la partie française devint le Togo indépendant.
Denis Cogneau et Alexander Moradi ont exploré les archives allemandes, britanniques et françaises, recensé les effectifs et les dépenses de toutes les écoles publiques et privées, et exploité des données individuelles originales sur plusieurs dizaines de milliers de soldats indigènes de l’armée britannique, pour la période 1902-1955. Ils ont aussi mobilisé les enquêtes contemporaines auprès des ménages et comparé les populations situées à la frontière entre le Ghana et le Togo actuels. Ils trouvent qu’à la frontière entre les deux parties du Togoland allemand, l’alphabétisation diverge dès le début des années 1920, au bénéfice de la partie sous mandat britannique ; l’affiliation au christianisme est également supérieure côté britannique. L’écart est uniquement visible dans le Sud où les efforts d’évangélisation furent soutenus, et les données contemporaines suggèrent que cet écart initié à l’époque coloniale, en matière d’accès à l’école comme de christianisation, a persisté jusqu’aujourd’hui. Ils attribuent cette divergence au niveau de dépenses publiques consacré à l’éducation, mais aussi aux politiques concernant les écoles privées missionnaires. D’autres cas suggèrent toutefois que l’héritage colonial n’est pas une fatalité : ainsi lorsqu’on compare la Côte d’Ivoire et le Ghana, ou bien les deux Cameroun anglophone et francophone, on voit que la colonie française a rattrapé son voisin britannique dans le courant des années 1950, avant même les indépendances.
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Titre original de l’article académique : “Borders that Divide : Education and Religion in Ghana and Togo since Colonial Times”
Publié dans : Journal of Economic History, 74(3), September 2014, pp. 694-729
Téléchargement : http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid=9335242&fileId=S0022050714000576
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