Quelle taxation optimale des biens polluants ? Le principe de ciblage en présence d’externalités locales
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Stéphane Gauthier et Fanny Henriet
La combustion de carburant génère non seulement une externalité mondiale liée au changement climatique, mais aussi des externalités locales, liées à la pollution de l’air à proximité de l’endroit de la combustion. La combustion d’un litre de carburant a donc un impact négatif plus important si elle a lieu dans un endroit densément peuplé, en ville plutôt qu’à la campagne. D’autres exemples de telles externalités, qui varient avec la personne qui consomme le bien ”polluant”, incluent par exemple la consommation de boissons alcoolisées (1). Quand les externalités varient selon les individus qui les causent, la meilleure option pour y répondre consiste à instaurer des taxes « pigouviennes » personnalisées : ceux qui causent un plus grand dommage social devraient faire face à des prix plus élevés. Toutefois, la mise en place de telles taxes, variables selon les individus, est difficile. Quelles sont alors les alternatives à la disposition du décideur public ? Faut-il alors aussi taxer d’autres biens complémentaires au bien polluant, ou subventionner des substituts ?
Dans cet article, Stéphane Gauthier et Fanny Henriet montrent que si on ne peut pas réduire spécifiquement la consommation des plus gros pollueurs en taxant un autre bien que le bien polluant lui-même, alors seul le bien polluant doit être taxé. Par exemple, si les citadins utilisent les mêmes voitures que les habitants des zones rurales, il est inutile de taxer les voitures : seule une taxe sur l’essence est utile. Si, en revanche, les citadins utilisent des voitures différentes de celles utilisées par les habitants des zones rurales, il convient de taxer davantage les voitures des citadins, afin de réduire plus spécifiquement la consommation d’essence des citadins.
Dans le cas où il n’existe pas de substituts ou compléments spécifiques aux gros pollueurs, dans notre exemple les citadins, et que par conséquent seul le bien polluant doit être taxé, sa taxe doit néanmoins tenir compte de l’hétérogénéité des consommateurs dans les effets externes qu’ils provoquent : la taxe doit être d’autant plus grande que la consommation de carburant des gros pollueurs réagit davantage que celle des petits pollueurs au prix du carburant.
Stéphane Gauthier et Fanny Henriet proposent une application empirique de ces résultats, en s’appuyant sur des données françaises. Bien que le dommage social induit par la consommation d’un litre d’essence soit plus important en zone urbaine qu’en zone rurale, les auteurs montrent que les taxes indirectes sur les autres grandes catégories de biens ne permettent pas de décourager spécifiquement la consommation de carburant des plus grands pollueurs des zones urbaines. Seul le carburant peut donc être taxé pour des raisons environnementales. La partie de la taxe sur les carburants liée à ces considérations est d’environ 70 centimes d’euros par litre. L’effet externe des ruraux correspond environ à 50 centimes d’euros par litre, tandis que celui des urbains atteint 1 euro par litre.
(1) Griffith, R., O’Connell M. and K. Smith, 2017, Design of optimal corrective taxes in the alcohol market, IFS working paper W17/02. Dubois, P., Griffith, R. and M. O’Connell, 2017, How well targeted are soda taxes ?, CEPR working paper DP12484.
Titre original : The principle of targeting in the presence of local externalities
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