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(Région IdF / Architecte) 3 questions à O. Hagenmüller et T. Van de Wyngaert

Campus Jourdan : trois questions à Odile Hagenmüller et Thierry Van de Wyngaert

Odile Hagenmüller est Responsable du programme Jourdan pour la Région Ile-de-France (Maître d’ouvrage)
Thierry Van de Wyngaert est Architecte, co-fondateur avec Véronique Feigel du cabinet TVAA (Maître d’œuvre)
> Ce texte est issu de la Lettre PSE n°27
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Photothèques #campusjourdan

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Repères

  • 2007 : Lancement des études dites « de programmation »
  • 23 février 2017 : inauguration par François Hollande, Président de la République.
  • 49 millions d’Euros (TDC : Toutes Dépenses Confondues) : 31,5 M€ Région Ile-de-France, 14,5 M€ Etat, 3 M€ Mairie de Paris
  • 12 500 m2 : 6300 m2 PSE, 3900 m2 ENS, 2300 m2 communs (dont un amphithéâtre de 300 places, une bibliothèque SHS de 870 m2 avec plus de 50 000 volumes, une cafétéria...)
  • Près de 2000 usagers attendus : étudiants, enseignants-chercheurs et administratifs
  • Accéder à la photothèque #jourdan2016

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Quel est votre état d’esprit à quelques semaines de la fin des travaux ?

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Odile Hagenmüller : après une phase préparatoire essentiellement technique et administrative (2006-2011), le programme s’est accéléré depuis fin 2011, avec le choix du cabinet TVAA puis le démarrage effectif des travaux. Le budget de 49 M€ est respecté et le calendrier initial, particulièrement serré, glissera seulement de quelques jours. Nous sommes ravis ! Nous avons pu compter sur une vraie intelligence de tous les acteurs : une implication sans faille des architectes, des prestataires très professionnels, des futurs utilisateurs - PSE et l’ENS - qui nous ont accordé toute leur confiance, des financeurs engagés, et les propres exigences de la Région en termes de qualité et de rigueur dans la gestion de l’argent public.
Thierry Van de Wyngaert : je partage entièrement ce constat d’un projet qui a fédéré et enthousiasmé, et pourtant le défi était de taille ! Les spécifications et contraintes initiales de l’appel à projets étaient dantesques, et l’ambiance « campus » vraiment originale. Comment préserver ce charme et accueillir près de 2000 personnes sur le tiers d’une parcelle elle-même relativement modeste ? De notre proposition initiale jusqu’aux derniers ajustements, nous avons conservé toutes les lignes maîtresses : indépendance mais connexion des deux établissements, un rez-de-chaussée transparent, accessible et central dans la distribution des flux, un socle en volume permettant de soulever voire d’alléger les étages supérieurs. Il fallait aussi inclure le bâtiment dans son îlot végétal et les pavillons existants, tout en proposant une identité forte, notamment au croisement Jourdan/Tombe-Issoire (1).

Deux enjeux vous ont spécialement occupé : les performances environnementales et les « comportements » des futurs occupants
TVW : effectivement, et notre métier d’architecte se confronte ici à des questions structurelles. Comment trouver l’équilibre entre les grandes surfaces vitrées captant l’éclairage naturel et une gestion raisonnée de la thermie ? Les technologies utilisées, en domotique notamment, doivent-elles refléter l’excellence universitaire du lieu ? A l’image d’une communauté monastique, comment créer des zones de rencontres et de vie collective - grand « patio rouge », passerelles, balcons … - et des endroits de calme et de travail - bureaux, bibliothèque… ?
OH : de notre côté, nous tenions à ce que le campus soit facile à entretenir, à utiliser, tout en étant adapté aux habitudes des chercheurs et étudiants en SHS, qui doivent pouvoir autant converger que s’isoler. Et bien sûr, les préoccupations environnementales occupent une place centrale, les ambitions initiales ne devant pas se diluer au fil des étapes. Ce volontarisme a un coût, mais la Région souhaite obtenir une certification NF-HQE pour Jourdan et a optimisé toutes les consommations futures du bâtiment : chauffage, éclairage, ventilation, récupération des eaux de pluie... Aujourd’hui deux audits - programmation, conception - sur trois ont été validés. L’évaluation finale est à venir courant 2017 et engagera les usagers à se responsabiliser au maximum.
TVW : les brises-soleils sont un exemple parfait de tout cela, avec des matériaux nobles mais un choix final « low tech » permettant à chaque bureau de gérer manuellement leur orientation, et ainsi la luminosité et la chaleur.

Ce bâtiment est-il, pour vous, particulier ?
OH : j’ai eu la chance de conduire une cinquantaine de projets pour le compte de la Région, et ici comme ailleurs la crainte des défaillances, malfaçons, surcoûts et retards est permanente. Mais notre vigilance collective est notre meilleur gardien. De nombreux espaces me plaisent beaucoup et si nous faisons tout pour objectiver le processus, nous savons bien qu’in fine chacun-e exprimera son ressenti : j’espère qu’il sera le plus positif possible, et que toute l’expertise mise par les équipes dans ce lieu se transformera en bien-être pour les usagers.
TVW : à l’approche de la fin du chantier, je sens une vraie fierté collective, et une impatience « positive ». J’aime la façon dont s’articulent les éléments dans ce projet : rue/jardin, décrochés/volumes, végétal/minéral… Au-delà de nos clins d’œil architecturaux - le vitrage courbe « années 30 » de la cafétéria, l’escalier extérieur conique rappelant les châteaux d’eau construits par TVAA… - il nous semblait fondamental de proposer un lieu fort, que chaque génération s’appropriera avant de le transférer à la suivante. L’avenir nous dira si ce pari est réussi !

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(1) Le croisement Jourdan/Tombe-Issoire regroupe trois « citations » architecturales : un garage Citroën de style « fonctionnaliste » des années 30, des logements sociaux HBM qui font directement référence aux constructions d’entre-deux-guerres (qui ont remplacé les anciennes fortifications), et enfin le Collège Néerlandais de la CIUP conçu par Willem Marinus Dudok (sa seule œuvre en France) inauguré en 1938.