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Septembre 2010 : deux diplômés de PSE reçoivent le prix FEEM 2010 des meilleurs jeunes économistes européens

Nina Guyon & Florian Mayneris récompensés par l’European Economic Association

Le prix FEEM, remis conjointement par l’European Economic Association (EEA) et la Fondazione Eni Enrico Mattei (FEEM) départage chaque année des travaux présentés par des centaines d’économistes européens de moins de 30 ans. Cette année, le prix a été attribué à Benjamin Elsner, Nina Guyon et Florian Mayneris. Anciennement Young Economist Award, il avait été remis en 2009 à une doctorante de PSE-Ecole d’économie de Paris, Bénédicte Apouey. La cérémonie, qui s’est tenue dans le cadre du 25è congrès de l’European Economic Association, était présidée par Joseph Stiglitz et avait pour cadre l’université de Glasgow. Deux des trois lauréats, sélectionnés parmi plus de 600 candidats, ont proposé un article rédigé dans le cadre de leur thèse conduite à PSE-Ecole d’économie de Paris : Nina Guyon, doctorante et chargée de recherche à PSE au sein du laboratoire J-PAL Europe et Florian Mayneris, enseignant-chercheur à l’UCL en Belgique ayant obtenu son doctorat à PSE en 2009.


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Nina Guyon chahute les bancs de l’école

Après deux années de master au sein du programme APE de PSE, finalisant alors sa scolarité à Polytechnique, Nina Guyon s’engage en 2008 en thèse - toujours à PSE - sous la direction d’Eric Maurin. Le travail présenté à l’EEA s’intitule « The Effect of Tracking Students by Ability into Different Schools », co-écrit avec Sandra McNally (LSE) et Eric Maurin (PSE). Ce papier analyse les effets d’une réforme très controversée mise en place en Irlande du Nord en 1989 : l’ouverture à de nouveaux publics des fameuses « grammar schools », ces collèges d’élite du système scolaire britannique.

  • L’année 2010 est assez incroyable pour vous, non ? Cette remise de prix a été un moment vraiment particulier. Sandra, Eric et moi-même avions beaucoup travaillé et débattu sur ce papier : cette reconnaissance nous montre que nous n’avons pas été les seuls surpris et enthousiasmés par les résultats. Cela s’ajoute au plaisir de voir que cette année, pour la première fois, les résultats d’une expérimentation sociale ont été exploités par le gouvernement français : la « mallette des parents »...
  • ...une expérimentation passée à la postérité ! Ce dispositif, peu coûteux, a montré que des parents mieux informés, via de simples réunions d’échanges au sein du collège, s’impliquent davantage auprès de l’institution et surtout auprès de leurs enfants. Ces derniers s’absentent alors moins et adoptent un comportement plus « vertueux » (moins d’avertissements, plus de distinctions en conseils de classe, impact positif sur certains résultats scolaires...). Cerise sur le gâteau, les effets bénéfiques sont également transversaux : par « capillarité sociale », l’ensemble des élèves d’une classe donnée ont changé de comportement, alors même qu’une partie seulement des parents s’était réellement rendue aux réunions ! Les deux années aux côtés de l’académie de Créteil, du corps enseignant et des équipes de Martin Hirsch ont été prenantes, mais la généralisation de cette expérimentation à plus de 1 300 collèges français dès cette rentrée nous procure une réelle satisfaction.
  • Parlez-nous de votre papier présenté à l’EEA En 1989, une réforme entre en application en Irlande du Nord sur un principe très simple : améliorer les résultats scolaires dans le secondaire en permettant à un nombre plus important d’élèves de rejoindre la filière sélective des « grammar school » à l’issue de l’école primaire. Soudainement, ces collèges ultra-sélectifs ont été contraints par l’administration d’utiliser toutes leurs capacités d’accueil, ce qui a conduit à une augmentation brutale de 15% de leur effectif. Habituellement, les réformes du secondaire comportent plusieurs volets ce qui empèche d’en identifier les effets respectifs : seule réforme alors introduite au niveau du secondaire, celle de 89 se trouvait de facto isolée. Cette « expérience naturelle » était donc propice à une étude scientifique unique en son genre, également rendue possible par les excellentes bases de données fournies par le gouvernement nord irlandais. Aussi simple soit-elle, cette réforme a nourri - et continue d’alimenter - un débat très animé, parfois même violent. Les partisans de l’ancien système dénoncent une initiative susceptible de dénaturer la qualité de l’enseignement dans les collèges d’élite, tout en privant les autres collèges de leurs têtes de classe. Sous une forme ou une autre, ce type de débat se retrouve dans tous les pays occidentaux et à tous les niveaux du système éducatif : faut-il miser, et jusqu’à quel point, sur une plus grande ouverture et une plus grande mixité des filières d’élite ? Dans le cas de l’Irlande des années 1990, nos conclusions sont sans équivoque : qu’il s’agisse des résultats aux examens effectués en fin de scolarité obligatoire (16 ans) et au niveau du bac (« A-levels », 18 ans), voire des taux de poursuite à l’université, l’effet de l’ouverture des collèges d’élite s’est avéré significativement positif... et pour l’ensemble des élèves ! Et plus précisément : une augmentation de 10% dans la part des élèves orientés vers les écoles d’élite l’année de leur 11 ans aboutit, par rapport aux années précédentes, à une réussite d’ensemble supérieure de +4% aux examens nationaux de fin scolarité obligatoire et de +7% au niveau de l’équivalent du bac français. Une étude qui prend à contre-pied nombre d’idées reçues sur les supposées vertus des systèmes scolaires d’après-guerre, étroitement sélectifs...

Florian Mayneris décortique le « made in »

Florian Mayneris, actuellement assistant-professor à l’Université catholique de Louvain en Belgique, a obtenu son doctorat à PSE-Ecole d’économie de Paris en 2009, après une scolarité à l’ENS et à l’IEP. Spécialiste en commerce international et en économie géographique notamment, il a soumis un travail à l’EEA intitulé « Entry on Export Markets and Firm-Level Performance Growth : Intra-Industrial Convergence or Divergence ». Ce papier analyse le lien entre taille initiale des entreprises, investissement et entrée sur les marchés à l’exportation.

  • Voilà une conclusion inattendue pour votre thèse ! C’est vrai : l’article présenté était en fait le dernier chapitre de ma thèse, soutenue en novembre 2009, qui s’intitulait « Géographie, commerce et performances des entreprises ». Mon année de post-doc à l’UCL m’a permis d’enrichir et d’approfondir différents thèmes ; ce prix récompense finalement un travail démarré depuis plusieurs années ! D’autres chapitres, co-écrits avec mes directeurs de thèse, Thierry Mayer et Philippe Martin, ainsi qu’avec Sandra Poncet et Pamina Koenig, sont aujourd’hui publiés ou en révision pour publication.
  • Pourriez-vous nous en dire plus sur le papier présenté ? Il est maintenant bien établi que les entreprises exportatrices sont plus grosses et plus productives que les autres. Au cours des dix dernières années, un débat intense s’est développé autour du lien de causalité entre exportation et performance des entreprises : les entreprises exportent-elles parce qu’elles sont initialement plus productives ou bien le fait d’exporter améliore-t-il leurs performances ? Aujourd’hui, plusieurs travaux montrent qu’en réalité, la décision d’exporter est fortement corrélée avec un accroissement des investissements réalisés par les entreprises : les entreprises se préparent à entrer sur les marchés à l’export. Le débat s’est ainsi un peu déplacé. Une des questions en suspens est celle du lien entre taille/productivité initiale, investissement et entrée sur les marchés à l’export. Est-ce que ce sont les entreprises initialement les plus petites et/ou les moins productives qui croissent le plus lorsqu’elles entrent sur les marchés à l’export ou le contraire ? D’un point de vue théorique, ce papier montre que les deux résultats sont possibles, la relation prédite dépendant notamment de la vitesse à laquelle les profits augmentent avec la productivité. Dans le cas français, mes résultats montrent que ce sont les entreprises initialement les plus petites qui croissent le plus après leur entrée sur les marchés internationaux. J’ai poursuivi ce travail après ma thèse en essayant de comprendre comment l’existence de contraintes de crédits hétérogènes pouvait aussi affecter cette relation. Les derniers résultats soulignent le rôle clé de l’accès au financement externe pour les petites entreprises : une trop forte contrainte de crédit peut « saper » leurs perspectives d’investissement et de croissance – alors même qu’elles sont les acteurs dont le potentiel de croissance est particulièrement important !
  • Que retiendrez-vous de la conférence de Glasgow ? L’ambiance était vraiment bonne et les présentations faites étaient passionnantes : à titre plus personnel, j’ai été très honoré de recevoir ce prix des mains de Joseph Stiglitz et cette récompense est un véritable encouragement pour continuer le travail commencé...