La science économique au service de la société

Lettre PSE n°37 - décembre 2019

Sommaire

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Pauvreté et structure familiale : le cas du Sénégal

Sylvie Lambert - Professeure à PSE et directrice de recherche à l’INRA. Accéder à son site personnel

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Dans les pays en développement, et tout particulièrement en Afrique sub-saharienne, les ménages ne correspondent pas souvent à la famille nucléaire type, celle du couple avec enfants partageant une résidence et décidant conjointement des choix de consommation. Les ménages sont souvent étendus, incluant selon les cas, les parents du chef de ménage, des membres de sa fratrie avec leur famille, ou d’autres apparentés (belles-sœurs, cousins…). Leur composition est mouvante au cours du temps, non seulement à cause des mariages, naissances et décès, mais aussi parce que la cohabitation avec des membres de la famille étendue est changeante, au gré des besoins et des opportunités des uns et des autres. De plus, les ménages, même lorsqu’ils sont fondés autour d’un seul homme marié, peuvent être organisés sur plusieurs lieux de résidence car la co-résidence des époux n’est pas systématique. Ceci est particulièrement fréquent pour les ménages polygames dans lesquels les coépouses ont chacune leur propre logement.

DES MÉNAGES COMPLEXES, ET INÉGAUX
Au Sénégal par exemple, d’après les données que nous avons collectées dans le cadre du projet « Pauvreté et Structure Familiale » entre 2006 et 2012, la taille moyenne des ménages est de 9 personnes, avec presque un tiers d’entre elles qui ne sont ni le chef de ménage, ni ses épouses ou ses enfants. Des membres de la famille étendue sont présents dans les 2/3 des ménages observés. Un quart des hommes mariés sont engagés dans une union polygame, et pour 30% d’entre eux, les épouses ne cohabitent pas. Enfin, plus de la moitié des ménages interrogés en 2006 avaient connu le départ d’au moins un membre vers un autre ménage quand ils ont été enquêtés à nouveau 5 ans plus tard.

Tous les membres du ménage ne sont pas logés à la même enseigne en matière d’accès aux ressources, et prendre en compte cette inégalité au sein des ménages est essentiel pour identifier correctement les personnes vulnérables afin de mieux cibler les politiques publiques de redistribution. Les outils existants, que ce soient les enquêtes auprès des ménages ou les modèles théoriques fondés sur des hypothèses inadaptées, ignorent cette complexité. Ainsi, ils ne permettent le plus souvent pas d’acquérir ou d’inférer une information fiable sur l’allocation des ressources au sein du ménage et donc sur le bien-être individuel. Nous avons tout d’abord conçu un nouvel outil d’enquête permettant de mieux approcher la consommation individuelle, l’enquête « Pauvreté et Structure Familiale » (PSF) (1). L’analyse des données collectées au Sénégal permet de mettre en évidence les biais systématiques générés par les enquêtes classiques qui, en particulier, sous-estiment fortement l’inégalité interpersonnelle (2). Une des conséquences est que 13% des individus pauvres sont « invisibilisés » par le fait qu’ils vivent dans des ménages qui ne sont pas pauvres du point de vue de leur consommation par tête.

LA GESTION DES RESSOURCES DANS LE MÉNAGE
Ces inégalités sont à mettre en lien avec le fait que les ressources individuelles ne sont pas mises en commun et, souvent, ces ressources ne sont même pas connues de tous au sein du ménage. Des normes sociales codifient qui a accès à quelles ressources et qui est responsable de quels types de besoins. Au Sénégal, le mari est habituellement responsable des dépenses de logement, de santé et d’éducation, ainsi que de l’essentiel de la nourriture, pendant que les femmes sont chargées des petites dépenses quotidiennes, notamment les produits frais pour le repas. Les personnes mariées ont une compréhension très claire de leurs droits et devoirs respectifs et, bien qu’elles puissent s’entraider en cas d’incapacité temporaire à remplir leur devoir, un écart durable à la norme est généralement inacceptable. Chacun est conduit à chercher à sécuriser des ressources personnelles en utilisant les marges de manœuvre permises dans le cadre fixé par les normes sociales, et ce, éventuellement au détriment des ressources totales disponibles dans le ménage. Il s’agit par là d’assurer la satisfaction des besoins à court terme mais aussi en prévision d’un futur incertain. En effet, l’absence de système de protection sociale et les limites de la solidarité intra-ménage, mises en évidence par De Vreyer et Nilsson (3), imposent que chacun essaye individuellement de se prémunir des accidents de la vie.

LES ENJEUX MARITAUX COMME CLÉ CENTRALE

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« Pauvreté et structure familiale » est un projet dont l’objectif est la compréhension du comportement de ces ménages complexes, dont le mariage est un rouage essentiel et a focalisé bon nombre travaux. Le mariage joue notamment un rôle clé dans les stratégies de sécurisation de ressources en prévision de chocs qui risquent de précariser les individus à long terme. Du point de vue des familles, Hotte et Marazyan (4) mettent en évidence le rôle des mariages entre cousins pour renforcer les alliances de lignage et les réseaux d’assurance mutuelle qu’elles permettent. Les mariages sont cependant instables : d’après l’enquête PSF, 18,5% des femmes ayant déjà été mariées ont connu au moins un veuvage et 13,2% un divorce. Avec D. van de Walle et P.Villar (5), nous décrivons les trajectoires des femmes ayant subi un veuvage ou un divorce et mettons en lumière à quel point leur bien-être est variable selon le niveau d’autonomie qu’elles ont pu acquérir pendant leur précédente union. Beaucoup de femmes savent cela et anticipent en conséquence. Un article co-écrit avec Pauline Rossi (6) montre par exemple que les femmes sont prêtes à prendre un risque sanitaire important en accélérant leur fécondité jusqu’à avoir un garçon, afin d’éviter d’être entièrement dépourvues en cas de veuvage.

Préparer l’avenir est également un enjeu pour les femmes qui risquent de se voir imposer une coépouse dont les besoins seront concurrents des leurs, ou pour celles qui sont déjà engagées dans une union polygame. Boltz et Chort (7) mettent en évidence la réaction des femmes monogames quand le risque d’un second mariage augmente : elles adaptent leurs comportements d’épargne et de consommation, à la fois pour sécuriser des ressources individuelles et pour tenter de retarder ou d’empêcher l’arrivée d’une coépouse. Dans les unions polygames, cette compétition entre épouses se concrétise et se manifeste notamment dans leurs comportements de fécondité (8).

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Références
(1) Philippe De Vreyer, Sylvie Lambert, Abla Safir et Momar Sylla (2008), « Pauvreté et Structure Familiale : Pourquoi une nouvelle enquête ? », Statéco, n°102.
(2) Philippe De Vreyer and Sylvie Lambert (forthcoming), “Inequality, poverty and the intra-household allocation of consumption in Senegal”, The World Bank Economic Review
(3) Philippe De Vreyer, Bjorn Nilsson (2019), “When solidarity fails : Heterogeneous effects on children from adult deaths in Senegalese households”, World Development, Vol. 114, 73-94.
(4) Rozenn Hotte et Karine Marazyan (2019), “Demand for Insurance and Within-Kin-Group Marriage : Evidence from a West-African Country”, mimeo
(5) Sylvie Lambert, Dominique van de Walle and Paola Villar (2018), “Marital trajectories, women’s autonomy and women’s wellbeing in Senegal”, in Anderson, Siwan, Lori Beaman and Jean-Philippe Platteau (Eds.) Towards Gender Equity in Development, Oxford University Press.
(6) Sylvie Lambert and Pauline Rossi, (2016), « Sons as widowhood insurance : Evidence from Senegal », Journal of Development Economics, vol. 120 : 113-127
(7) Boltz Marie, Chort Isabelle, (2019), “The risk of polygamy and wives’ saving behavior”,The World Bank Economic Review, vol 33 (1), pp 209-230.
(8) Pauline Rossi (2019), “Strategic Choices in Polygamous Households : Theory and Evidence from Senegal”, Review of Economic Studies, Vol. 86 (3), pp. 1332-1370


« J’ai réellement envie de contribuer au développement de la recherche à PSE et à la formation des économistes de demain »

Francesco Pappada est économiste chercheur senior à la Banque de France depuis décembre 2014. Après son doctorat en sciences économiques obtenu en 2011 à l’École d’économie de Paris, il a été post-doctoral et visiting fellow a HEC Lausanne, à l’Université de Berkeley et à l’Einaudi Institute for Economics and Finance. Ses thèmes de recherche portent sur la macroéconomie internationale, les frictions sur le marché du crédit et la dynamique des entreprises, et la politique budgétaire. Accéder à son site personnel

VOUS ÊTES A PSE JUSQU’EN 2021 : QU’AVEZ-VOUS PRÉVU DE FAIRE DURANT CES DEUX ANNÉES ?
J’ai été invité dans le cadre d’un partenariat entre la Banque de France et PSE : pour être plus précis, la Banque de France est en charge d’exercer des missions de contrôle et d’analyse dans le domaine économique et financier au plan national, ce qui a donné naissance, il y a maintenant 10 ans, à la Chaire Banque de France à laquelle je suis affilié. Nous y organisons régulièrement des activités de recherche très diverses ! Nous avons l’occasion de faire venir à PSE des intervenants de renommée internationale lors de nos conférences : parmi les derniers en date, il y a Carmen Reinhart (Harvard), Dani Rodrik (Harvard), Thomas Philippon (NYU, Stern)… Ce sont des événements qui rencontrent un succès certain auprès du public. Nous organisons également des workshops thématiques touchant aux domaines de la macroéconomie internationale, de l’économétrie, de la politique fiscale… Puis, nous tenons chaque année une conférence qui est l’événement phare et emblématique de la Chaire. Là encore, nous avons l’opportunité de recevoir de nombreux chercheurs : en septembre dernier, nous avions notamment reçu Barry Eichengreen (UC Berkeley), Pierre-Olivier Gourinchas (UC Berkeley) et Guido Lorenzoni (Nortwestern University).
De plus, ce séjour de recherche de longue durée me donne l’occasion de travailler dans un environnement très stimulant et d’enseigner à des étudiants de haut niveau : mes cours s’adressent aux étudiants en première année de Master APE et aux doctorants de PSE. Je m’occupe aussi de l’organisation d’un groupe de travail permettant aux doctorants et aux professeurs de PSE de présenter leurs propres travaux de recherche en macroéconomie.
Ce ne sont donc pas les activités qui manquent !

POURRIEZ-VOUS NOUS PRÉSENTER VOS THÈMES DE RECHERCHE AINSI QUE VOS TRAVAUX EN COURS ?

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Mes thèmes de recherche se partagent sur trois domaines : la Macroéconomie Internationale, notamment l’étude des effets des ajustements de la balance de paiements sur les taux de change, les frictions du marché du crédit et de la dynamique des entreprises, et la politique budgétaire en présence de frictions liées à l’évasion fiscale.
Je travaille actuellement sur un article intitulé « Sovereign Default and Imperfect Tax Enforcement » qui vient de paraître en working paper sur le site de la Banque de France : c’est un projet que je mène avec Yanos Zylberberg (Université de Bristol) où nous étudions les politiques fiscales et l’évolution de la dette souveraine dans des pays fortement intéressés par l’évasion fiscale ; par exemple, les pays périphériques de la Zone Euro. Les fortes distorsions fiscales ainsi créées obligent souvent ces pays à adopter des politiques d’austérité budgétaire en période de crises ; une situation aussi décrite par les médias sous le terme de « piège de l’austérité ».
J’ai un autre projet en cours intitulé « Exchange rate regime and firm dynamics » que je mène avec Masashige Hamano (Université de Wasano). Dans ce papier, nous posons la question de savoir si la distribution des entreprises dans l’économie est un des fondamentaux qui explique les choix du régime de change. Nous y analysons donc pourquoi un pays pourrait choisir d’avoir un régime de change fixe ou flottant en fonction de la distribution de la productivité des entreprises exportatrices. Ce papier s’inscrit dans le débat actuel sur la manipulation du taux de change afin de protéger les exportateurs.

VOUS AVEZ OBTENU VOTRE DOCTORAT A PSE EN 2011. QUEL A ÉTÉ ENSUITE VOTRE PARCOURS ?
J’ai commencé mon doctorat en 2007 sous la direction de Philippe Martin, aux tout débuts de l’Ecole d’économie de Paris. L’une des raisons pour lesquelles j’ai choisi PSE a été l’opportunité de pouvoir travailler avec des chercheurs de renommée internationale pour ma thèse. Après avoir obtenu mon doctorat, j’ai été en post-doc à l’Université de Lausanne, chercheur invité à l’Université de Berkeley of California et à l’Einaudi Institute for Economics and Finance (EIEF) à Rome. Puis j’ai été embauché sur le marché académique par la Banque de France en décembre 2014 en tant qu’économiste-chercheur senior au Service d’études macroéconomiques et de synthèses internationales. Mon activité à la Banque de France consistait principalement en la rédaction de notes d’analyse sur le contexte macroéconomique international, avec un regard plus détaillé sur l’évolution des déséquilibres mondiaux de comptes courants.

Les recherches que je mène à PSE dans le cadre de la Chaire Banque de France me permettent d’apporter ma contribution aux questions financières et monétaires internationales et se situent donc dans le parfait prolongement de mes précédents travaux. Finalement, si je suis revenu à PSE, c’est avec pour objectif d’essayer de contribuer au développement de la recherche et à la formation des économistes de demain… qui fait sens avec l’image que j’avais de PSE dès le départ et que je conserve aujourd’hui : pour moi, c’est l’endroit idéal pour apprendre comme pour enseigner.


Notre système de santé : en démolition ou en transition

Carine Milcent - Professeure associée à PSE, Research Professor CNRS. Accéder à son site personnel

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La situation de notre système de santé est au cœur de l’actualité. Les points de tensions portent principalement sur les établissements hospitaliers. Plusieurs éléments sont mis en avant : les difficultés financières, à travers la dette contractée par les établissements de santé mais également l’insuffisance du montant annuel alloué par établissement pour leur activité. Ce montant découle directement de l’enveloppe nationale définie par l’Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) votée chaque année par le parlement. Le constat de la situation de la psychiatrie en France est établi comme alarmant, notamment par le rapport parlementaire de mars 2019. Les urgentistes, de leur côté, décrivent des services au bord de l’implosion. Au-delà des urgences, le monde hospitalier crie au manque d’effectifs qui s’ajoute à des équipements insuffisants et des infrastructures vétustes. Ces phénomènes s’observent des chambres d’hôpital aux salles d’opération. Il s’agit d’un véritable contexte de crise.

LA TARIFICATION A L’ACTIVITÉ : UN MODE DE FINANCEMENT DÉCRIÉ
Le mode de tarification des hôpitaux est montré du doigt. La tarification à l’activité (T2A) pour les soins Médicaux-Chirurgicaux-Obstétrique (MCO) a mis en place un modèle de concurrence entre établissements qui est vu comme nuisant à la mission de service public des hôpitaux. En fait, la situation est plus complexe et exige un bref retour historique. Après la guerre, dans un contexte où les hôpitaux étaient obsolètes au regard des progrès de la médecine, le paiement au remboursement sans véritable contrôle des coûts a permis le développement des équipements et l’amélioration des infrastructures. Avec les chocs pétroliers et la nécessité de réduire les dépenses publiques, un budget global par établissement a été mis en place, défini en fonction des dépenses historiques de l’année antérieure. Mais il y avait une très faible connaissance de l’activité hospitalière réelle de l’établissement. Si les travaux scientifiques préliminaires le laissaient entrevoir (1), il y a désormais consensus sur le fait que la mise en place de la T2A basée sur un système d’information à l’activité hospitalière (PMSI) a conduit à une plus grande mise en adéquation du budget avec l’activité des établissements.

Par ailleurs, la notion de concurrence entre hôpitaux est à relativiser. Dans le cas de la T2A, il s’agit d’une concurrence par la qualité puisque le prix - forfait par séjour - est défini par la tutelle et non par l’hôpital. De ce fait, la concurrence ne peut se faire que si le patient est à même de juger de la qualité des soins qui lui sont administrés et de la qualité de son séjour en termes d’information, d’accueil et de prise en charge. Mais aussi, si le patient a le choix géographique d’accès aux soins. Parcourir une grande distance pour se faire soigner peut impliquer une situation d’isolement de son entourage. Ainsi, comme le montrent les travaux que j’ai menés avec Laurent Gobillon (2), la concurrence par la qualité devient limitée. La mise en place des Groupements hospitaliers (GHT) brouillent encore davantage les mécanismes de concurrence.

DES RÉFORMES AUX EFFETS INATTENDUS
Toutefois, le mécanisme d’enveloppe fermée consistant en la fixation d’un budget annuel ne pouvant pas être dépassé amène les établissements à être fortement en concurrence sur le niveau d’activité. Augmenter son volume d’activité permet d’obtenir un budget plus important mais cela ne se fait qu’au détriment des établissements n’y parvenant pas ou moins puisqu’il s’agit d’un jeu à somme nulle. Le budget global est fixe. Ce mécanisme peut être d’autant plus délétère que le montant national est jugé comme insuffisant par les acteurs de terrain. Mes derniers travaux (3) illustrent parfaitement ce phénomène. Grâce à une étude en double-différence, je montre clairement comment un changement de classification des séjours entraîne une réallocation du budget au détriment des hôpitaux de petites et moyennes capacités d’admissions. La tarification à la trajectoire et l’introduction des indicateurs de qualité, réforme actuelle, a l’objectif de mieux prendre en compte les diversités des populations traitées non plus uniquement sur un plan clinique mais également en termes de précarité et de fragilité économique et sociale. A titre d’exemple, un article de 2018 que j’ai co-écrit avec S. Zbiri (4) explique, à l’aide de données, le lien entre les fragilités socio-économiques des femmes et les taux de césarienne. Nous montrons que la probabilité de participation à la préparation à l’accouchement suit un gradient économique qui est défavorable aux femmes en situation de précarité. Or, la préparation à l’accouchement influe significativement sur la probabilité d’un accouchement par césarienne.

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VERS LA QUALITÉ DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ ? DU VIRAGE AMBULATOIRE A LA CONTINUITÉ DES SOINS
Nous assistons aujourd’hui à un changement de paradigme. L’hôpital n’est plus l’espace où l’on est pris en charge pour des pathologies nécessitant une admission et d’où l’on ressort soigné. Il est désormais défini comme un des maillons d’une trajectoire de soins. Avec ce virage ambulatoire, il y a une volonté forte de faire de l’hôpital un centre technique où sont traités les patients mais où la suite des soins est prodiguée dans des espaces autres. Le coût de la chambre hospitalière est très élevé car il inclut toute la technologie de la structure sanitaire et le niveau de spécialisation du personnel soignant. Ainsi, avec le tournant ambulatoire la durée d’admission ne couvre que la période où le patient exige ce degré de haute technicité. Ce nouveau système de santé implique également une continuité des soins dans leur degré de spécialisation et de technicité, permettant la prise en charge du patient à chaque étape de son retour au niveau de santé attendu. Ce tournant va de pair avec une diminution de la durée des séjours, une transformation plus massive encore de séjours conventionnels en séjours dits de « chirurgie ambulatoire » et une adaptation de la structure hospitalière. Un tel objectif se présente en contradiction avec les demandes d’investissement pour les structures hospitalières existantes ou avec la demande de renforcement des effectifs hospitaliers.

La difficulté actuelle est que cette continuité des soins n’existe pas (encore) sur le terrain. Les hôpitaux du service public font donc face à une augmentation de la demande liée à une insuffisance de prise en charge adéquate hors des murs de l’hôpital, conduisant ainsi à une intensification du travail et des tensions. En parallèle, le vieillissement d’une population à l’état de santé précaire , l’augmentation du recours aux urgences, l’innovation permettant une prise en charge de pathologies qui jusque-là, ne pouvaient pas l’être, le développement des maladies chroniques et leur plus grande complexité associée à une autre pathologie aggravent ce contexte de tension au sein des hôpitaux.

Nous sommes alors invités à nous interroger : notre tissu hospitalier parviendra-t-il à tenir pour assurer la transition de notre système de santé ?

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Notes
(1) “Ownership and Hospital Productivity” B. Dormont and C. Milcent. Chapter book in Edition rue d’Ulm Collection du Cepremap N.49, Co- Editor-in-chief, November, 2018 / “Quelle régulation pour les hôpitaux publics français ?”, B. Dormont et C. Milcent, Revue Française d’Economie, Volume XVII(2), 2002 / “Tarification des hôpitaux : la prise en compte des hétérogénéités”, B. Dormont et C. Milcent, The Annals of Economics and Statistics, Volume N°74 : 47-83, 2004 / “How to regulate heterogeneous hospitals”, B. Dormont et C. Milcent, Journal of Economics & Management Strategy, Volume14(3), 2005.
(2) “Competition and Hospital Quality : Evidence from a reform”, with L. Gobillon, PSE Working Papers, 2018 / “Evaluating the effect of ownership status on hospital quality : the key factor for hospital performance », L. Gobillon and C. Milcent, The Annals of Economics and Statistics, Volume No. 121-122:161-186, 2016 / “Spatial disparities in hospital performance”, L. Gobillon and C. Milcent, Journal of Economic Geography, Volume N°13(6) : 1013-1040, 2013.
(3) “From downcoding to upcoding : DRG based payment in hospitals”, C. Milcent, PSE Working Papers 2019
(4) “Prenatal care and socioeconomic status : effect on cesarean delivery”, C. Milcent and S. Zbiri, Health Economics Review. https://healtheconomicsreview.springeropen.com/articles/10.1186/s13561-018-0190-x


Fabian Winkler : déjà une décennie depuis PSE !

Fabian Winkler (APE 2009) - Senior Economist à la FED, États-Unis. Accéder à son site personnel ou à son profil Linkedin

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Après le lycée, Fabian Winkler ne sait pas vraiment vers quelles études supérieures se tourner. Il s’intéresse aux mathématiques et développe un fort intérêt pour les problématiques sociales : après un semestre à étudier le droit, il se rend vite compte que cette voie ne lui correspond pas et se tourne alors vers les mathématiques à l’Université Louis-et-Maximilien de Munich. Il y restera de 2004 à 2007. En 2005, captivé par les exposés de l’économiste en chef d’une société de gestion d’actifs à Munich dans laquelle il fait un stage, il décide de devenir économiste.
Un peu plus tard, Rida Laraki (CNRS/Dauphine), une rencontre déterminante, le convainc de faire une année en Erasmus à l’Ecole Polytechnique. Il découvre qu’en suivant les cours appropriés, il pourrait être admis directement en deuxième année du Master APE - Analyse et politique économiques, et rejoint ainsi PSE en 2008. Heureux de son choix, Fabian y apprécie tout particulièrement le large éventail de cours proposés ainsi que la qualité des interactions avec les professeurs et leur disponibilité. Il se souvient également d’avoir été stupéfait de l’esprit de convivialité qui règne à PSE : chaque étudiant y avait trouvé sa place sans qu’il n’y ait de concurrence entre eux. Ce qu’il y a appris, en particulier sur la macroéconomie et l’économie comportementale, l’a accompagné jusqu’à aujourd’hui, confie-t-il.

La même année, en parallèle, il réalise un stage de recherche au Fond Monétaire International (FMI). Puis rejoint la London School of Economics (LSE) afin d’y intégrer le programme doctoral en économie. Là, il découvre un milieu plus compétitif et comprend la difficulté de mener des recherches originales et rigoureuses. Il se souvient cependant avec plaisir du temps passé à arpenter les deux environnements très différents que sont Londres et Paris… Les stages suivent, en droit de la concurrence à la NERA Economic Consulting puis en recherche à la Deutsche Bundesbank et le cursus à la LSE se poursuit en thèse, couronné par son doctorat en 2015.

C’est aux États-Unis que Fabian choisit de démarrer sa carrière d’économiste : en 2015, il rejoint le Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale (Fed). Le conseil est pour lui un endroit fantastique : il y mène ses propres recherches et travaille sur d’importantes questions de politique monétaire qui éclairent les travaux du Conseil et du Federal Open Market Committee (FOMC). Promu économiste Senior, il se sent pleinement à sa place, entouré de plus de 300 autres chercheurs en économie. Il ne pouvait imaginer un meilleur cadre de travail !


Retour en images sur notre Job Forum 2019

Le 28 novembre dernier, nos étudiants issus des Masters APE, PPD et EDCBA sont venus à la rencontre de nombreux professionnels à l’occasion de la seconde édition du PSE Job Forum. Au total, 26 organisations privées et publiques ont répondu présentes (cf ci-dessous), couvrant des secteurs professionnels très variés parmi lesquels la finance, l’environnement, les transports, le consulting et bien d’autres.

Cette journée s’est déroulée en deux temps : la majeure partie de l’événement a d’abord été dédiée au Meeting Forum au cours duquel les intervenants ont pu répondre aux questions des étudiants sur leurs besoins et attentes spécifiques, par secteur. Ils ont aussi pu en apprendre plus sur les métiers et opportunités de carrières qui s’offrent à eux une fois leur Master en poche. Le Meeting Forum a également permis aux professionnels de faire circuler plusieurs offres de stages et d’emploi.

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Organisations présentes

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Puis, une conférence s’est déroulée en fin d’après-midi. Le premier volet était un discours de Benoît Coeuré (BCE), mentor du Master APE, intitulé ”Economics as a profession : from science to practice” ; il a illustré la diversité des métiers qui s’offrent aux diplômés, tout en détaillant les lignes de force de son propre parcours et ses dernières années à la BCE (1). Une première table ronde animée par Mireille Chiroleu Assouline (PSE/Paris 1) a ensuite été consacrée aux entreprises et organisations privées avec la participation de Quentin Dumouilla (Citeo), Michel Martinez (Société Générale) et Jean-Christophe Caffet (Total). La conférence s’est conclue sur une seconde table ronde, cette fois-ci dédiée aux entreprises et organisations publiques, animée par Carine Staropoli (PSE/Paris 1) avec la participation d’Etienne Pfister (Autorité de la Concurrence), Olivier de Bandt (Banque de France), Marco Mira d’Ercole (OCDE) et de Carmelo Zizzo (Direction Générale du Trésor).

Un grand merci à l’ensemble des étudiants, participants et intervenants qui ont fait de cette seconde édition du Job Forum un succès ! Nous remercions chaleureusement les 26 organisations et l’association PSE Alumni présentes à cet événement, l’Université Paris 1 pour son financement supplémentaire et l’équipe Synapse pour leur aide précieuse en matière de logistique.

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(1) Retrouvez ici le discours d’ouverture de Benoît Cœuré