La science économique au service de la société

Lettre PSE n°38 - mars 2020

Sommaire

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Migration forcée et capital humain : l’évolution des préférences

Katia Zhuravskaya - Professeure à PSE, Directrice d’études à l’EHESS. Accéder à son site personnel

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Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) estime que plus de 65 millions de personnes sont actuellement déplacées, ce qui signifie qu’elles ont dû fuir leur région d’origine en raison de guerres entre États, de conflits civils ou de catastrophes naturelles (1). Le traumatisme de la migration forcée laisse de profondes cicatrices et reste ancré dans la mémoire de ceux qui l’ont vécue. En outre, ce traumatisme peut se transmettre aux générations suivantes, laissant des empreintes multiples et souvent imprévues dans la vie des descendants de ceux qui ont été contraints d’abandonner leur foyer.

L’HYPOTHÈSE DU « DÉRACINEMENT » MISE EN LIEN AVEC L’ÉDUCATION
Les économistes ont longtemps pensé que le déracinement par la force ou l’expropriation augmentaient, chez les personnes déplacées, la valeur subjective des investissements dans les actifs mobiles, et en particulier l’éducation. Malgré la prépondérance de cette hypothèse, le lien entre la migration forcée et les préférences d’investissement en matière d’éducation est difficile à évaluer. Les migrants forcés se distinguent généralement de la population locale en raison de nombreuses caractéristiques socio-économiques et culturelles, telles que l’appartenance ethnique, la langue et la religion. D’autre part, la concurrence que se livrent les migrants forcés et les locaux sur le marché du travail peut également avoir des répercussions sur le choix des migrants forcés d’investir ou non dans l’éducation. En effet, contrairement à la population locale, ils souffrent souvent d’un manque d’accès à la propriété et à d’autres actifs corporels productifs.

Dans un article récent (2), nous utilisons un cadre historique unique qui nous permet d’étudier l’hypothèse du « déracinement ». Nos recherches visent à déterminer si, et pourquoi, la migration forcée a une influence sur les préférences d’investissement en matière d’éducation. L’expérience historique que nous étudions est essentielle pour contourner les facteurs de confusion récurrents susmentionnés.

DÉPLACEMENTS MASSIFS DE POPULATION APRÈS LA SECONDE GUERRE MONDIALE
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le nouveau tracé des frontières polonaises a entraîné une vague d’émigration massive forcée. Nous nous intéressons ici au cas de plus de deux millions de migrants polonais, contraints de quitter Kresy, une région située à la frontière orientale de la Pologne, qui avait été reprise par l’URSS après la fin de la guerre (voir carte 1). Les personnes expulsées de Kresy ont dû laisser derrière elles la plupart de leurs biens familiaux et n’ont été autorisées à emporter qu’une partie infime de leurs effets personnels vers leur nouveau lieu de vie.

Carte 1 : Changements territoriaux de la Pologne après la Seconde Guerre mondiale
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Nous comparons ici les migrants forcés de Kresy avec d’autres Polonais, non contraints d’émigrer, mais qui partagent les mêmes origines ethniques, linguistiques et religieuses. Cette homogénéité permet d’éviter que les différences culturelles agissent comme un facteur de confusion. De nombreux migrants polonais (y compris ceux chassés de Kresy et les migrants volontaires de Pologne centrale) se sont installés dans les territoires occidentaux en grande partie dépeuplés, à savoir les territoires perdus par l’Allemagne au profit de la Pologne après la Seconde Guerre mondiale, d’où les Allemands avaient été expulsés. L’abondance de terres et de capital physique laissés par les Allemands (et mis à la disposition de tous les migrants polonais) rend ce cas particulièrement adapté à l’étude des effets de la migration forcée sur les décisions d’investissement.

Nous analysons les générations d’enfants, de petits-enfants et d’arrière-petits-enfants des premiers adultes expulsés. En combinant les données des recensements historiques avec les données d’enquêtes récemment collectées, nous constatons que les Polonais ayant des antécédents familiaux de migration forcée sont aujourd’hui nettement plus instruits que tout autre Polonais. Il est important de noter qu’avant le début de la Seconde Guerre mondiale, les habitants polonais de Kresy étaient, en moyenne, moins instruits que leurs compatriotes.

L’ÉVOLUTION DES PRÉFÉRENCES : VERS LE CAPITAL HUMAIN ?
Les éléments de preuves que nous avançons soutiennent fermement l’hypothèse du « déracinement » : la migration forcée a eu pour effet de faire évoluer les préférences en faveur de l’investissement dans le capital humain par opposition au capital physique. Nous montrons que les descendants des migrants forcés accordent moins de valeur aux biens matériels et aspirent davantage à l’éducation de leurs enfants, par rapport aux autres sous-groupes polonais. Ils possèdent également moins de biens matériels, compte tenu de leur niveau de revenus plus élevés.

Le mécanisme à l’origine de l’avantage des migrants forcés sur le plan de l’éducation a d’importantes incidences pour les politiques publiques à l’heure des migrations de masse dans le monde. L’évolution des préférences des communautés de réfugiés en faveur de l’investissement dans le capital humain plutôt que dans le capital physique devrait servir à orienter les priorités des politiques d’aide. En conclusion, notre étude suggère que les gouvernements des pays qui accueillent des migrants forcés devraient favoriser l’accès des réfugiés à l’éducation.

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Références :
(1) UNICEF (2017), Education Uprooted : For Every Migrant, Refugee and Displaced Child, Education. Technical report, UNICEF.
(2) Becker, S. O., Grosfeld I., Grosjean P., Voigtländer N., and Zhuravskaya E., “Forced Migration and Human Capital : Evidence from Post-WWII Population Transfers”, American Economic Review, May 2020. https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.20181518&&from=f


Maxime Herbelot : un changement de cap (professionnel) réussi

Maxime Herbelot (ETE 2010) - DevOps chez Engie Digital. Accéder à son site personnel

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C’est durant ses années de lycée que Maxime découvre l’économie pour la première fois : très intéressé par les sciences humaines, il suit alors à l’issue de son baccalauréat section économique et sociale, une double licence en droit & économie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Un cursus assez généraliste selon lui : il souhaite améliorer sa maitrise des mathématiques et passe alors une licence de mathématiques appliquées dans cette même université. Ainsi doté de ces nouvelles compétences, il se sent plus apte à comprendre les modèles économiques servant de fondement ou de justification aux décisions de politique économique.

Il décide ensuite de suivre le Master ETE - Economie Théorique et Empirique (PSE/Paris1). Ces deux années lui permettent d’acquérir un socle de connaissances solide en économie quantitative. Les matières qu’il y apprécie le plus : l’économétrie, la microéconomie et la théorie des jeux. Une fois diplômé en 2010, il ressent l’envie de faire une pause. Un mois de septembre pluvieux sur Paris le pousse à prendre un allez-simple pour le Caire. S’en suivent alors huit mois de voyage qui lui permettent de réfléchir aux choix de carrière professionnelle qui s’offrent à lui.

De retour à Paris et en recherche d’emploi, il reçoit un nombre important de propositions d’entreprises du numérique. Il se décide alors à quitter le domaine de l’économie pour se tourner vers celui de l’informatique qu’il avait laissé de côté. Pendant sept ans, il sera ainsi amené à participer à un grand nombre de missions en tant que consultant. Il y découvre, à travers une grande diversité de clients - ministères, banque, grande distribution, énergie -, différents aspects du métier : la qualification logicielle, l’administration système, les processus de test … et il devient même formateur sur ces sujets.

En 2017, l’une de ses missions l’amène à travailler pour le groupe Engie. La même année naît une nouvelle entité au sein du groupe, Engie Digital, dont le rôle est de développer des logiciels couvrant l’ensemble de la chaîne de l’énergie. C’est en 2019 que Maxime rejoint Engie Digital en tant que DevOps : il participe au développement de logiciels (Dev) et à l’administration des systèmes informatiques (Ops, pour opérations). Une profession très éloignée de sa formation initiale en économie dont il mesure tout de même les nombreux acquis, notamment dans sa capacité à modéliser des situations variées - une compétence qui lui est aujourd’hui très utile dans le domaine de la qualité logicielle !


Rivalités sur Internet : l’affrontement entre producteurs de contenus, médias sociaux et agrégateurs de contenus

Carlos Winograd - Professeur associé à PSE, Maître de Conférences à l’Université d’Evry Val d’Essonne. Accéder à son site personnel

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Dans l’industrie des médias et des télécommunications, on observe des bouleversements violents qui nuisent à la répartition des revenus de l’industrie. Sur les marchés bifaces basés sur Internet, les producteurs et distributeurs de contenus se livrent une concurrence féroce pour obtenir les recettes publicitaires. L’émergence de nouveaux concurrents, les agrégateurs de contenus, désormais rejoints par les médias sociaux et les moteurs de recherche, a suscité un nouveau débat (1)

QUI SONT LES AGRÉGATEURS DE CONTENUS ?
Les agrégateurs de contenus ou d’actualités présentent un résumé des informations publiées sur d’autres sites internet, ainsi que le lien vers le site en question et l’article complet. Ils vendent leurs services ou leur publicité, sans créer de contenu original, mais en se reposant sur le contenu référencé sur d’autres sites. L’impact des agrégateurs sur les producteurs de contenus en ligne se manifeste par deux effets contraires basé sur le nombre de visites (2) : d’une part, l’effet d’« expansion du marché » et, d’autre part, l’effet de « substitution du marché ».

L’effet d’expansion du marché implique que le trafic vers les sites internet du producteur augmente à chaque fois qu’un lecteur utilise un agrégateur d’actualités. L’effet de substitution du marché, quant à lui, signifie que les utilisateurs peuvent se contenter des informations publiées par le site internet de l’agrégateur d’actualités et qu’ils ne vérifient donc plus la source. L’agrégateur devient alors un concurrent de la source d’origine. Entre l’expansion du marché ou la substitution du marché, quelle est la force dominante dans la relation entre agrégateurs d’actualités et éditeurs de contenus ? La littérature existante révèle que l’effet d’expansion du marché prédomine (3). L’expérience trompeuse de l’Espagne suite à l’introduction d’une « taxe Google » en 2014-2015 illustre ce phénomène (4).

DISTRIBUTEURS DE CONTENUS, FACEBOOK, GOOGLE ET AUTRES
Le débat s’est concentré sur le rôle des agrégateurs d’actualités dont les acteurs majeurs sont les moteurs de recherche et les médias sociaux, désormais profondément imprégnés dans le quotidien de nombre d’individus. Six Américains sur dix de la Génération Y (entre 18 et 34 ans) utilisent Internet pour s’informer ; lire l’actualité en ligne constitue d’ailleurs le troisième motif de l’utilisation d’Internet dans cette tranche d’âge. En effet, les moteurs de recherche sont considérés comme l’outil le plus populaire et le plus efficace (5) et Facebook comme l’un des principaux véhicules d’accès à l’information : 62% des adultes disposent d’un compte Facebook et trois sur dix y consultent l’actualité (6).

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EVOLUTION DES COMPORTEMENTS : DARWINISME OU PRODUCTION DE CONTENUS ?
Le débat a également permis de démontrer un changement significatif dans le comportement des consommateurs. Premièrement, les agrégateurs redirigent leurs utilisateurs vers un commentaire ou un article spécifique, en évitant la page d’accueil du site internet où sont présentés des publicités et d’autres contenus. Selon le New York Times, ce phénomène a eu pour effet de faire passer le nombre de visites sur sa page d’accueil de plus de 140 millions en 2011 à 60 millions en 2013 (7).

Deuxièmement, l’interaction avec le site internet change en fonction de la manière qu’ont les utilisateurs d’y accéder. Si l’accès se fait via un moteur de recherche ou des médias sociaux, plutôt que par un accès direct à la page d’accueil du site internet, les effets sont les suivants : en moyenne, selon une étude de 2014, le temps passé sur le site chute de 4min36 pour passer à 1min42, le nombre de page visitées de 24,8 à 4,9 et le nombre de visites répétées de 10,9 à 3,1 (8). Les visiteurs qui accèdent au site internet par le biais des médias sociaux ont un comportement différent du lecteur de journal typique. De plus, les journaux ne sont pas en mesure de pleinement monétiser ces visites d’un type nouveau. L’effet final sur la distribution de la publicité et des revenus des éditeurs demeure incertain.

DISTRIBUTION DE LA PUBLICITÉ, ABONNEMENT NUMÉRIQUE
Aux États-Unis, la publicité sur Internet, devenue le vecteur publicitaire dominant, a connu une expansion de 315 % entre 2007 et 2017 (21,2 milliards à 88 milliards USD). Tandis que la presse occupait la tête du classement en 2007, avec un marché s’élevant à 48,6 milliards USD, elle n’était plus qu’à la sixième place en 2017, du fait d’une diminution des revenus publicitaires de 65 % (17 milliards USD) (9). On estime que Google et Facebook concentrent aujourd’hui 65 % des revenus publicitaires en ligne aux États-Unis. La presse a réagi en imposant un « service payant » pour accéder directement à ses contenus. Néanmoins, cela ne s’avère pas suffisant.

D’une part, les utilisateurs se sont habitués à la gratuité des informations en ligne et ne sont pas prêts à payer pour consulter l’actualité (60 à 75 % des lecteurs déclarent n’avoir aucune intention de payer pour ce service, quel qu’en soit le prix) (10). D’autre part, certains sites d’information en ligne proposent des services gratuits qui répondent aux attentes d’une grande partie des lecteurs peu disposés à payer. Ce type de sites d’information peut être rentable grâce aux seuls revenus générés par la publicité en ligne, ce que ne peuvent pas faire les grands journaux. Enfin, l’abonnement en ligne n’a pas suffi à compenser la perte de revenus liée à la publicité (11). Si certains grands noms de la presse, comme le New York Times, le Wall Street Journal ou d’autres, estiment que le modèle de l’abonnement numérique est viable et rentable, ce n’est probablement pas le cas de la plupart des journaux régionaux ou de taille moyenne.

RÉGLEMENTATION ET ÉCONOMIE POLITIQUE : LE VENT SERAIT-IL EN TRAIN DE TOURNER ?
Google, Facebook et les géants d’Internet, considérés initialement comme de jeunes anticonformistes innovants, sont de plus en plus perçus comme des magnats menaçants. La pression exercée par les régulateurs, l’autorité de la concurrence, les législatures et les dirigeants du monde a modifié le paysage de l’économie politique. C’est pourquoi, il n’est pas surprenant de voir Mark Zuckerberg demander davantage de réglementation ou Google envisager la possibilité de partager les revenus de la publicité numérique avec les fournisseurs de contenus (12).

Les pressions exercées par les producteurs de contenus pour que soient instaurées des réglementations et des taxes (au niveau national) se sont avérées décevantes et le modèle économique des producteurs de contenus est remis en question. Cette redistribution des rentes va-t-elle conduire les fournisseurs de contenus à la faillite ? Allons-nous assister à une intégration verticale, par laquelle les médias sociaux et les moteurs de recherche achèteront les fournisseurs de contenus ? La qualité du contenu va-t-elle se dégrader en raison de l’échec de ce modèle économique ? Le modèle du New York Times peut-il s’appliquer de façon généralisée à l’ensemble de la presse ou s’agit-il seulement d’un produit de niche ? Le multimédia est-il la solution ou un problème supplémentaire ? Quelles réglementations et quelles politiques de concurrence seraient adaptées à cette industrie ? L’innovation technologique et les changements de comportement soulèvent de nombreuses questions encore sans réponses.

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Références :
(1) Based on Carlos Winograd, G. Besanson and M. Orteu, Internet battles : conflicto entre agregadores de contenido, redes sociales y productores de contenido, Mimeo 2016
(2) Jeon, D. S., & Nasr, N. (2016). News aggregators and competition among newspapers on the internet. American Economic Journal : Microeconomics, 8(4), 91-114
(3) Ver Chiou y Tucker (2011), Athey y Mobius (2012), Yang y Chyi (2011), Huang et al. (2013), Lee y Chyi (2015), Boicot en Menéame (2014), Gigaom (2014) y NERA (2015)
(4) “An update on Google News in Spain”, Google Europe Blog, 11/12/2014
(5) “How Millennials Get News : Inside the Habits of America’s First Digital Generation” AP-NORC, 03/2015
(6) “8 Key Takeaways about Social Media and News”, PEW Research Center, 26/03/2014
(7) Process called “Death of homepages”. In “Innovation : New York Times Innovation Report” NYTimes (2014)
(8) “Social, Search and Direct : Pathways to Digital News” PEW Research Center, 13/03/2014
(9) See “IAB Internet Advertising Revenue Report Conducted by PricewaterhouseCoopers (PwC)”, IAB/PwC
(10) 75% in the UK, 67% in the USA, 59% ins Spain, 63% in Australia. “Digital News Report - Paying for Online News”, Reuters Institute for the Study of Journalism, 2015 Report
(11) “Creative destruction : Newspaper ad revenue continued its precipitous free fall in 2014, and it’s likely to continue”, Carpe Dien Blog – A. EIdeas, Perry, M., 30/04/2015
(12) “Mark Zuckerberg : Big Tech needs more regulation”, 16/02/2020, Financial Times ; “Google in Talks to Pay Publishers for News”, 14/02/2020, Wall Street Journal


« Changer de regard sur les questions migratoires »

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Ekrame Boubtane est maître de conférences à l’UCA - Université Clermont Auvergne et au CERDI Centre d’Études et de Recherches en Développement International. Elle est chercheuse invitée à l’École d’économie de Paris de 2017 à 2020. Accéder à son site personnel, à son profil Linkedin ou à son compte Twitter.

QUELS SONT LES OBJECTIFS ET SPÉCIFICITÉS DE VOTRE THÈME DE RECHERCHE - A SAVOIR : LES MIGRATIONS INTERNATIONALES ?
Mon objectif est d’étudier les effets de la migration sur l’économie dans son ensemble. J’utilise pour cela les outils d’analyses théoriques et empiriques, et je mobilise également une large quantité de données, de préférence exhaustives, comme les données de comptabilité nationale ou des données administratives. Cette approche macroéconomique - qui fait la spécificité de ma recherche - offre une autre perspective sur les migrations internationales. Une majorité des travaux se focalisent soit sur un type de migrant soit sur un secteur de l’économie en particulier. De même, dans le débat public, on a tendance à présenter la question de la migration à travers un type de migrant. La réalité de la migration est beaucoup plus complexe, je prends en compte d’une part l’ensemble des personnes immigrées que les données permettent d’analyser avec une certaine précision, et l’ensemble de l’économie d’autre part.

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COMMENT AVEZ-VOUS DÉVELOPPÉ UN INTÉRÊT POUR CE SUJET ?
Par le hasard des rencontres : en licence, j’ai suivi le cours de Bertrand Wigniolle à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. C’est avec lui que j’ai appris à réfléchir sur les questions macroéconomiques, au départ sur le vieillissement de la population et le système de retraite, puis sur les migrations internationales. C’est à la lecture d’un rapport des Nations Unies sur le rôle que pourrait jouer la migration dans un contexte de vieillissement dans les pays européens, que j’ai réalisé le champ possible à explorer. J’ai donc commencé une thèse sur ce sujet. Mes travaux ont pris une orientation plus appliquée suite à un séjour de recherche à la division migrations internationales de l’OCDE, où j’ai beaucoup appris sur les données, leur collecte et leur traitement. C’est ainsi que j’ai construit ma première base de donnée sur la migration avec mon co-auteur Jean-Christophe Dumont de l’OCDE. J’ai ensuite rencontré mes deux co-auteurs économètres, Dramane Coulibaly et Christophe Rault, dont les compétences sont essentielles pour implémenter les techniques économétriques les plus adaptées aux données disponibles et aux questions de recherche. Puis, en 2011, j’ai rencontré Hippolyte d’Albis et nous avons entamé ensemble notre projet sur l’immigration en France, tout en continuant la réflexion sur les flux migratoires dans les pays de l’OCDE. Il s’agit d’un projet évolutif, qui s’est traduit par plusieurs publications, des travaux en cours de finalisations, ainsi que des idées pour des travaux à venir.

LEQUEL DE VOS TRAVAUX RÉCENTS VOUS A PARTICULIÈREMENT MOBILISÉE ?
Notre article « Macroeconomic evidence suggests that asylum seekers are not a “burden” for Western European countries » (1). Hippolyte, Dramane et moi avons travaillé pendant des années pour le finaliser. Cet article nous a demandé beaucoup de travail avant mais aussi après sa publication : nous avons été sollicités de toutes parts, par les journalistes mais aussi par les lecteurs, y compris sur les réseaux sociaux. Pour moi, c’est à cette période que le slogan de PSE, « La science économique au service de la société », a pris tout son sens.

VOUS ETES À PSE DEPUIS SEPTEMBRE 2017 ET JUSQU’À LA RENTRÉE 2020. QUELLES SONT LES RAISONS DE VOTRE SÉJOUR ?
J’ai été invitée dans le cadre de « Cross Migration » (2), un projet interdisciplinaire financé par la Commission Européenne et porté par l’IMESCO (3). L’ambition est de construire une infrastructure qui rende accessible l’état des connaissances en sciences sociales sur la question des migrations. L’objectif est de cibler un public au-delà de la sphère académique. Hippolyte et moi faisons partie d’un consortium de chercheurs européens rattachés à 14 institutions différentes. Nous contribuons à l’ « agenda stratégique pour la recherche » avec des collègues philosophes et historiens de l’université de Vérone. Nous avons également organisé une conférence (4) en mars 2019 conviant l’ensemble du consortium à PSE pour discuter des premiers résultats et des prochaines étapes du projet.

Les travaux que nous menons avec Hippolyte d’Albis sur la thématique de la migration s’inscrivent dans une approche multidisciplinaire de la recherche et s’appuient sur des collaborations internationales. Ils se poursuivront sans doute à travers deux nouveaux projets en cours de soumission : RE-IMAGINE, un projet européen sur les récits sur la migration, et COOP-DEMO-LAB, un projet international avec le Québec sur les innovations sociales face aux changements démographiques et l’avenir du travail à l’ère numérique. Mon séjour à PSE est pour quelque chose dans ce foisonnement de projets, l’environnement de travail y est formidable et les synergies facilitées par la proximité. C’est très enrichissant et très stimulant !

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Références :
(1) « Macroeconomic evidence suggests that asylum seekers are not a “burden” for Western European countries », H. d’Albis, E. Boubtane et D. Coulibaly, Science Advances (4), eaaq0883, Juin 2018
(2) https://crossmigration.eu/
(3) https://www.imiscoe.org/
(4) https://www.parisschoolofeconomics.eu/fr/boubtane-ekrame-cerdi/projet-cross-migration/


Découvrez le nouveau Blog de l’IPP

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Début février, l’Institut des politiques publiques (PSE/GENES) a lancé son nouveau blog - https://blog.ipp.eu - afin, selon les termes utilisés dans le premier édito, de « réagir dans le débat public dans un délai rapproché, et [...] faire œuvre de pédagogie sur certains points ».
N’hésitez pas à parcourir les premiers billets publiés (cf ci-dessous) et à les partager et/ou les commenter. Un court formulaire vous permet également de vous abonner au blog afin de recevoir directement les nouveaux billets.