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PSE Job Market 2015-2016 : qui sont Olivia Bertelli, Yannick Dupraz et Ricardo Estrada ?

Tout au long des mois d’octobre et de novembre, nous vous présentons les candidats PSE au Job Market 2015-2016.

Les candidats décriront leurs parcours, leurs thèmes de recherche, leurs thèses etc. :

Qu’est-ce que le Job Market ? Chaque année, une partie des doctorants et des post-doctorants se présentent sur le Job Market. Sorte de bourse internationale du travail, elle permet aux candidats de postuler dans des universités ou institutions du monde entier. A PSE, les étudiants concernés suivent un programme d’accompagnement spécifique, leur permettant de préparer au mieux leurs candidatures, les entretiens de recrutement, les séminaires de présentation etc.

>> Pour accéder à la page officielle de tous les candidats PSE au Job Market 2015-2016 (Research fields, Job Market paper, CV,...), suivre ce lien.


Olivia Bertelli

« En 2011, ma directrice de master à l’Université de Florence, Giorgia Giovannetti, m’a encouragée à intégrer PSE (dont j’ignorais alors l’existence !), où j’ai depuis débuté une thèse en économie agricole sous la direction de Karen Macours.

Mon Job Market Paper étudie les choix de fertilité des ménages dans le Nigeria rural. Il s’intéresse à l’influence de « chocs » climatiques positifs (c’est-à-dire de conditions climatiques favorables) sur les comportements de fertilité. A partir du croisement de données météorologiques et de celles d’un panel de ménages représentatif au niveau national, j’observe que des pluies abondantes atténuent la mortalité infantile. En réponse, les ménages réduisent significativement le nombre de nouveaux nés au cours des trois années suivantes, mais l’ajustement reste imparfait. La réduction de la fertilité concerne en réalité les familles nombreuses, ayant plus de trois enfants. Cela correspond aux prédictions du modèle théorique qui montre que la magnitude de l’ajustement de la fertilité dépend du nombre d’enfants en vie au moment du choc. Ainsi, la taille des ménages continue d’augmenter en moyenne, puisqu’un plus grand nombre d’enfants reste vivant et que les parents réduisent seulement partiellement leur fertilité. En conséquence de cet ajustement partiel, la sécurité alimentaire et les mesures anthropométriques des enfants se dégradent de manière significative.

Depuis 2013, je participe à la mise en place d’un Essai Randomisé Contrôlé (RCT) mené à grande échelle en Ouganda et portant sur l’introduction de nouvelles techniques pour augmenter la production laitière. En collaboration avec Luc Behaghel, Jérémie Gignoux et Karen Macours, j’ai participé à la mise en œuvre complète du programme : de la préparation d’entretiens qualitatifs et des groupes de discussion (focus groups) à l’élaboration du questionnaire de référence, en passant par les collectes successives de données et l’animation des tirages aléatoires désignant les bénéficiaires. Le premier objectif de cette étude est d’évaluer l’impact de formations dispensées auprès de producteurs de lait sur la production. Au-delà, j’étudie le rôle des réseaux sociaux et des liens communautaires dans la diffusion de ces techniques à l’ensemble du village, en m’appuyant sur le caractère aléatoire des incitations reçues par les fermiers. J’analyse également si la conservation du bétail est un investissement rentable ou s’il s’agit uniquement d’un substitut à un manque de services d’épargne.

J’ai consacré une part importante de l’année 2015 à la diffusion académique de mes travaux au sein des conférences internationales comme CSAE à Oxford et RES à Manchester, ainsi qu’à de nombreux séminaires et Summer Schools à travers toute l’Europe. J’effectue ma dernière année de thèse à l’Institute for International Economic Studies (IIES) de Stockholm, dans le cadre du programme européen PODER.

Avec le Job Market, je souhaiterais obtenir un poste de Professeur ou de Junior Researcher dans une institution prestigieuse et internationale. Je souhaite poursuivre la conduite de travaux de recherches sur le terrain tout en m’investissant davantage dans des activités d’enseignement, idéalement en économie du développement. »


Yannick Dupraz

« A l’origine, j’ai suivi une formation d’historien à l’ENS de Lyon. Attiré par l’histoire économique, j’ai passé un an à la London School of Economics, où j’ai découvert les autres champs de l’économie et notamment l’analyse quantitative. Je me suis alors inscrit en master d’économie à PSE-Ecole d’économie de Paris. J’y ai rencontré Denis Cogneau, devenu mon directeur de thèse, avec qui je partage la conviction qu’étudier le long terme est essentiel pour comprendre le développement économique. Pour ma dernière année de thèse, je suis invité à l’Ecole d’économie d’Aix-Marseille.

Un de mes principaux thèmes de recherche porte sur la question : comment et quand les institutions et les politiques héritées du passé ont-elles un impact sur le développement économique contemporain ? Mon Job Market paper analyse, dans cette optique, l’héritage comparé des colonisations anglaise et française sur l’éducation. Afin d’éviter des problèmes de sélection, je me concentre sur une expérience dite naturelle. Après la Première Guerre mondiale, la colonie allemande du Cameroun a été divisée entre Anglais et Français. Je souligne que les différences qui favorisaient le côté anglais pendant l’entre-deux-guerres ont très vite été effacées à la fin de la période coloniale et après l’indépendance quand les investissements éducatifs ont augmenté massivement du côté francophone. Cela montre que l’Afrique n’est pas nécessairement prisonnière de son passé colonial. Aujourd’hui, les principaux héritages de cette histoire sont culturels : la langue, bien sûr, mais également un pourcentage relativement plus élevé de chrétiens dans la partie anglophone du Cameroun fruit de ce que l’éducation était surtout assurée par les missions religieuses.

La partie la plus enrichissante de ma thèse a sans doute été un voyage de terrain, au Cameroun, pour collecter des données quantitatives et qualitatives. J’ai pu rencontrer l’historien camerounais Jacob Tatsitsa, qui m’a appris énormément sur son pays et sur les méthodes de recherche historiques.

Grâce au Job Market, je souhaite trouver un poste académique en Europe ou aux Etats Unis afin de continuer à faire de la recherche dans un environnement stimulant. »


Ricardo Estrada

« J’ai rejoint PSE en 2009, comme étudiant en Master 2 PPD (Politiques publiques et Développement), juste à temps pour faire fièrement partie de la première cohorte diplômée de ce programme. L’année suivante, je me suis inscrit au programme doctoral sous la direction de Marc Gurgand et Jérémie Gignoux.

J’ai eu la chance que, peu de temps avant mon entrée en doctorat, François Bourguignon ait obtenu l’accès aux données de Comipems, le système centralisé d’admission dans les lycées publics de Mexico, la ville dans laquelle je suis né. A la fois pour la qualité de ses données et pour sa conception institutionnelle, Comipems offre un cadre d’analyse fascinant pour les chercheurs intéressés par les questions relatives à la qualité des écoles, aux choix scolaires et à l’organisation sociale du système scolaire. Dans ma thèse, j’ai étudié l’effet causal de l’appartenance aux écoles réservées à l’élite sur les salaires espérés des élèves et les effets du recours accru à ces écoles sur la stratification scolaire.

Tous mes travaux ne traitent pas de Comipems. Dans mon Job Market paper, j’utilise un cadre empirique unique qui compare la qualité des professeurs embauchés soit à partir d’un processus discrétionnaire (mené par l’Union des enseignants à Mexico) soit sur la base d’un processus de sélection strictement prédéfini. La qualité des enseignants est mesurée par la valeur ajoutée à la réussite des élèves. Les données sur le sujet étant limitées, peu de recherches empiriques ont été menées sur la manière dont l’Union mène les recrutements et sur l’éventuel compromis effectué entre d’une part, les règles de sélection standardisées et de l’autre, le processus discrétionnaire. Si les tests de sélection standardisés permettent une meilleure estimation de la qualité des candidats, ils restent difficiles à utiliser. A l’inverse, se fier au ressenti d’un seul recruteur est plus simple mais c’est courir le risque d’un abus de pouvoir décisionnaire de sa part. Mon étude arrive à cette conclusion : les enseignants choisis selon la méthode discrétionnaire sont d’un niveau largement inférieur à celui enseignants sélectionnés à partir d’un test standardisé, en dépit du fait que le test ne soit pas créé dans le but de prédire la qualité des professeurs. Les résultats indiquent que les professeurs sélectionnés à partir du processus discrétionnaire sont en bas de la distribution en termes de qualité des candidats. Ces résultats concordent avec les soucis de rentabilité qui avaient motivé la réforme que j’évalue.

J’espère que le Job Market me permettra de trouver un poste d’Assistant Professor, dans un environnement aussi stimulant que celui offert par l’Ecole d’économie de Paris. »