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Enfouissement des déchets radioactifs : la stratégie du reculer pour mieux stocker ?

Mouez Fodha

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Plusieurs pays ont choisi l’énergie nucléaire pour leur production d’électricité, ce qui garantit une certaine indépendance énergétique, sans perte de compétitivité, avec un risque pour le climat qui semble par ailleurs limité. Ce choix engage la responsabilité des générations présentes à l’égard des générations futures puisqu’il implique un legs de déchets, radioactifs pour des milliers d’années. Actuellement, deux traitements de ces déchets sont envisagés : l’entreposage en surface ou l’enfouissement en couche géologique profonde. En surface, ce sont les générations actuelles qui ont à supporter les nuisances des centres de stockage. Pour l’enfouissement profond, ce seront les générations futures, puisque ces déchets disparaissent pour plusieurs milliers d’années mais réapparaîtront, volontairement pour être retraités ou accidentellement. Faire le choix de l’enfouissement revient donc à se comporter selon le principe du NIMBY (1), mais avec une dimension intertemporelle plutôt que spatiale. Quelle règle de décision pour le régulateur ? Comment choisir entre entreposage en surface et enfouissement profond ?
Pour déterminer la quantité optimale de déchets à enfouir, Mouez Fodha considère dans cet article un cadre d’analyse théorique inspiré des modèles à générations imbriquées. Ces derniers ont guidé de nombreux travaux portant sur les externalités environnementales intergénérationnelles et le développement durable. Dans un premier temps, l’auteur montre qu’il peut être optimal pour le régulateur d’enfouir toute la production de déchets radioactifs. Cette stratégie dépend de la durée de l’enfouissement et du taux d’escompte social. En effet, plus l’horizon temporel de l’enfouissement est long et plus la perception présente d’un risque futur grave de pollution diminue. Il montre également qu’une croissance économique stable et régulière (i.e. non chaotique) est la garantie d’une évolution maitrisée des déchets nucléaires. Cette condition sur la croissance impose en réalité des seuils limites pour le taux d’enfouissement des déchets nucléaires. En effet, l’enfouissement de la totalité des déchets fait d’abord peser un risque majeur en cas de sinistre (déstockage accidentel de déchets ou fuite des centres d’enfouissements par exemple) : l’épargne et donc le capital productif diminueront à court terme, ce qui entrainera un ralentissement économique. De plus, le financement de la politique d’enfouissement total pourrait représenter un coût si important qu’il viendrait également compromettre la croissance économique.
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(1) Not In My Backyard - “Pas dans mon jardin”
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Titre original de l’article académique : “Nuclear waste storage and environmental intergenerational externalities”
Publié dans : International Journal of Sustainable Development, 2015 Vol. 18 No. 1/2
Téléchargement : https://hal-pse.archives-ouvertes.fr/insu-01105358
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