La science économique au service de la société

Existence d’une règle de partage optimale quand les décisions sont interdépendantes

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Philippe Bich et Rida Laraki

Une économie abstraite fait intervenir des « joueurs », chacun ayant à prendre une décision, et ces différentes décisions conduisant à des paiements pour chaque joueur. Par exemple, il peut s’agir d’enchérisseurs, de firmes ou de consommateurs qui doivent décider respectivement d’un prix d’enchère, d’un investissement ou d’une quantité de biens de consommation, dans le but d’en retirer un profit ou une utilité. Si l’on suppose que chacun prend ses décisions en considérant celles des autres comme données, les décisions sont régies comme dans un « jeu stratégique ». Une économie abstraite est un « jeu stratégique » où l’on suppose en outre que les décisions des « joueurs » sont potentiellement contraintes les unes par les autres : par exemple, le choix de consommation d’un agent, premier joueur, est contraint par le prix fixé par le marché, deuxième joueur. La question est alors la suivante : que vont décider les joueurs dans un tel modèle ? Une réponse standard fait appel à la notion d’« équilibre généralisé » : il stipule que chaque joueur respecte ses contraintes de décisions et n’a aucun intérêt rationnel à les modifier s’il tient pour acquises les décisions des autres joueurs. L’existence d’un équilibre généralisé a été démontrée par G. Debreu et repose sur l’hypothèse fondamentale de continuité des paiements des joueurs par rapport aux décisions. La continuité signifie qu’une faible modification de ma décision entraîne une faible modification de mon paiement. Pourtant, la plupart des équilibres généralisés qui apparaissent naturellement en économie sont discontinus. A titre d’exemple, si deux enchérisseurs annoncent chacun un prix d’enchère, l’objet et les paiements qui lui sont liés sont attribués au plus offrant. Le problème se pose en revanche lorsque les deux prix annoncés sont identiques : il y a alors une indétermination dans l’attribution de l’objet qui se répercute sur les paiements. Pour qu’une situation d’équilibre existe (i.e., chacun réagit de manière optimale à ce que les autres jouent), il faut concevoir la possibilité que les joueurs utilisent des stratégies aléatoires (jouer telle action avec une certaine probabilité).

Dans cet article, Philippe Bich et Rida Laraki prouvent que des équilibres existent dans toute économie généralisée, mais en requérant uniquement que les joueurs utilisent des stratégies non aléatoires, c’est-à-dire lorsque le joueur choisit sa stratégie de manière certaine. Par ailleurs, les auteurs mettent en évidence une possible ré-interprétation des discontinuités des paiements : la discontinuité pourrait être le résultat d’une incapacité des joueurs à comparer deux décisions et à se fixer définitivement sur une préférence unique.

(1) Leo K. Simon et William R. Zame, « Discontinuous Games and Endogenous Sharing Rules », Econometrica, Vol. 58, No.4, Juillet 1990, 861-872.

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Titre original de l’article académique : « Abstract Economies with Endogenous Sharing Rules »
Publié dans : Documents de travail du Centre d’Economie de la Sorbonne 2015.58
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